Créée le 17 juillet 1998, la Cour pénale internationale de La Haye, aux Pays-Bas, peine à convaincre les opinions publiques africaines de son efficacité et, surtout, de son impartialité. Après avoir décidé de saisir les avoirs de J.P. Bemba, elle oblige les avocats de ce dernier à emprunter de l’argent pour assurer sa défense. Une décision qui contrevient au principe d’accès égal aux ressources tant par la défense que par l’accusation.
Grosse déception pour les avocats de Jean-Pierre Bemba. Ils se sont plaints, le lundi 30 août 2010 à la Cour pénale internationale (CPI), de ne pouvoir assurer à leur client une défense équitable en raison de la décision de la Cour de procéder à la saisie de ses avoirs.
Selon une dépêche de l’agence Associated Press datée du 30 août, Me Nkwebe Liriss, avocat de la défense, a souligné que la saisie des avoirs de son client l’avait contraint à demander un prêt à un bureau de la CPI, mais que le montant accordé ne couvrait pas les frais de justice ou les coûts des investigations. L’avocat exprime la crainte de ne pouvoir, dans ces conditions, participer à un procès équitable.
La réaction de la CPI n’a pas tardé. Elle a estimé que « J.P. Bemba n’est pas indigent. En conséquence, il n’a pas droit à un financement total de sa défense ». Position que l’avocat a naturellement déplorée en expliquant qu’elle « contrevient au principe d’un accès égal aux ressources tant par la défense que par l’accusation ».
Arrêté en Belgique et transféré à la CPI, à La Haye en juillet 2008, Jean-Pierre Bemba est la plus haute personnalité politique africaine en détention à la CPI. Il est donc en détention depuis plus de deux ans. L’opinion, sur le continent, ne sait toujours pas quand s’ouvrirait le procès proprement dit contre le sénateur et ex-vice-président de la RDC.
RENDEZ-VOUS LE 15 SEPTEMBRE
Lundi dernier, les juges de La Haye ont tenu une brève audience pour fixer la date de son procès. Aucune date précise n’a encore été retenue. Une nouvelle audience est cependant programmée pour le 15 septembre. Au regard du flottement, l’accusation a recommandé que le procès ait lieu en octobre ou en novembre 2010. Rien d’acquis pour le moment. La CPI fait perdurer le suspense.
A titre de rappel, le début du procès de Jean-Pierre Bemba a déjà été reporté à deux reprises, l’ancien vice-président de la RDC ayant contesté la compétence de la Cour. Les juges de la chambre d’appel n’ont pas encore rendu de décision, mais affirment que le procès peut commencer.
J.P. Bemba fait l’objet de cinq chefs d’inculpation pour la campagne de meurtres, viols et pillages qui auraient été commis en 2002-2003 en République Centrafricaine par les forces du Mouvement de libération du Congo (MLC), groupement politico-militaire dont il était le commandant en chef.
Pour revenir à l’actualité, comment se débrouilleraient les avocats de la défense, maintenant que, par la décision de la CPI, ils sont privés de ressources financières qui leur auraient permis de mener des investigations ou de payer les frais de justice ? Une question en appelle une autre. Alors, qui ou quelle institution devra endosser la charge du remboursement des prêts que la défense est contrainte de contracter dans ces circonstances?
Pour les observateurs africains, le traitement par la CPI du dossier J.P. Bemba n’est pas de nature à rassurer les opinions publiques. Des voix s’élèvent, dans maints cercles, pour – par dépit – soutenir le point de vue de l’Union africaine qui a récemment gelé sa coopération avec la CPI dans le cas particulier du président soudanais.
UNE PARTIALITE QUI DESARÇONNE
L’Afrique, entend-on de partout, a beaucoup donné à la CPI. Elle reste suspendue aux éventuels verdicts pour les premiers cas transférés à La Haye. Plus les procédures de la Cour trainent en longueur, moins les gens consentent à lui accorder du crédit.
Qui plus est, la « partialité » de la CPI désarçonne. Elle reste terriblement aphone alors que l’humanité observe avec consternation les crimes les plus graves commis sous d’autres latitudes, tels que le génocide, le crime contre l’humanité et le crime de guerre. Qui ne connaît pas la boucherie de l’Irak et de la Cisjordanie ? Quel boucher d’Europe ou d’Amérique a été interpellé ?
C’est donc ce constat qui, déjà, démobilise ceux des Africains qui avaient salué la naissance de la première juridiction pénale internationale permanente. Et pourtant, c’est avec beaucoup d’espoir que les plus faibles du monde s’attendaient voir une instance judiciaire compétente pour juger des personnes accusées des crimes les plus graves ayant une portée internationale.
Ayant une existence légale depuis 2002, la CPI réunit, au 15 septembre 2010, 112 Etats sur les 192 membres de l’ONU. Ceux qui ont ratifié le Statut de Rome en juillet 1998 acceptent son autorité. Tandis que 38 autres – dont les USA, le Rwanda, … - l’ont signé mais ne l’ont pas encore ratifié. Cette contradiction, au niveau des Etats, est un boulet aux pieds de la Cour de La Haye. Sa crédibilité s’en ressent dans le monde.