C'est en principe ce lundi 22 novembre que s'ouvre, à la Cour pénale internationale, à La Haye, le procès de Jean-Pierre Bemba Gombo, sénateur et ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC). Plusieurs fois reporté, ce procès tant attendu en RDC et en République centrafricaine où se trouvent les victimes, va certainement s'ouvrir ce lundi. Accusé des crimes contre l'humanité commis en République centrafricaine (RCA) entre 2002 et 2003, J.-P. Bemba restera détenu à la Cour pénale internationale (CPI) jusqu'à un réexamen de la décision sur sa détention.
La Chambre d'appel de la CPI a demandé vendredi 19 novembre à la Chambre de première instance III de faire le réexamen. Mme la juge Akua Kuenyehia, juge président, a indiqué dans le résumé de l'arrêt dont elle a donné lecture lors d'une séance publique, qu'après de longues délibérations, la Chambre d'appel avait décidé à l'unanimité d'infirmer la décision attaquée, rendue le 28 juillet 2010. Le Statut de Rome prévoit que les Chambres réexaminent périodiquement - au moins tous les 120 jours - toute décision relative à la détention d'un accusé.
Cela fait plus de deux ans que le sénateur Jean-Pierre Bemba, par ses avocats interposés, tente d'échapper à ce procès. En effet, ses avocats ont tenté par tous les moyens d'éviter à leur client ce procès en contestant la recevabilité de l'affaire. Cette fois-ci sera certainement la bonne. Aujourd'hui, Jean-Pierre Bemba Gombo va affronter les procureurs de la Cour pénale internationale qui l'accusent depuis 2008 de crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Particularité du procès
Le procès de J.-P. Bemba a une particularité. Troisième procès entamé par la CPI, celui-ci, sans nul doute, est loin de ressembler aux précédents. La personnalité de l'accusé confère à ce procès un caractère particulier. L'accusé n'est pas un obscur milicien cueilli derrière les barreaux d'une prison kinoise. Il est un poids lourd de la vie politique congolaise. Homme d'affaires richissime, M. Bemba disposerait d'un patrimoine de plusieurs centaines de millions d'euros. Fondateur du Mouvement de libération du Congo (MLC), Bemba est la première personnalité politique d'envergure poursuivie par la Cour.
Issu d'une famille parmi les plus fortunées de la RDC, Jean-Pierre Bemba Gombo est un proche du défunt président Mobutu Sese Seko. Né en 1962 à Bokada dans la province de l'Equateur, il se lance dans les affaires et devient rapidement l'un des hommes les plus riches de la RDC, après des études de commerce à Bruxelles.
A l'entrée de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) et après la prise de pouvoir par Laurent-Désiré Kabila en 1997, J.-P. Bemba s'exile en Ouganda et crée un an plus tard le MLC et son bras armé, l'Armée de libération du Congo (ALC), avec le soutien des troupes ougandaises. Le MLC va installer son quartier général à Gbadolite, ancien fief mobutiste, dans la province de l'Equateur, après s'être emparé de cette province.
En 2002, Bemba envoie ses troupes en RCA soutenir le régime du président Ange-Félix Patassé, aux prises avec la rébellion du général François Bozizé. Au cours de cette incursion, ses milices se livrent à de multiples exactions - viols, meurtres, pillages -, des crimes commis à grande échelle dont il doit aujourd'hui, en tant que chef militaire, répondre devant la CPI.
La CPI considère Jean-Pierre Bemba Gombo comme pénalement responsable, pour avoir effectivement agi en qualité de chef militaire au sens de l'article 28-a du Statut de Rome, des crimes contre l'humanité (meurtre et viol) et des crimes de guerre (meurtre, viol et pillage), qui auraient été commis sur le territoire de la République centrafricaine au cours de la période comprise approximativement entre le 26 octobre 2002 et le 15 mars 2003.
En juin 2003, il va déposer les armes - en faveur des accords de Sun City, en Afrique du Sud - pour entrer dans le nouveau gouvernement de transition et devient l'un des quatre vice-présidents de la RDC, tandis que le MLC accède au rang de parti politique officiel. En janvier 2007, il est élu sénateur. Mais sa défaite face à Joseph Kabila lors du scrutin présidentiel d'octobre 2006 a entretemps ravivé les tensions entre les deux hommes. Son refus de désarmer l'ALC et d'incorporer sa garde personnelle dans l'armée régulière provoque en mars 2007 des affrontements à l'arme lourde qui font plus de 200 morts à Kinshasa. Un mandat d'arrêt pour haute trahison est lancé contre Bemba qui trouve refuge au Portugal. Il sera arrêté en Belgique en mai 2008. Entre temps, son "dossier centrafricain" était transmis à la CPI par le nouveau président de la RCA François Bozizé.
Bemba est le premier dirigeant national à être poursuivi par la Cour pour des crimes commis dans un pays voisin. Il est également le seul suspect en procès pour les atrocités perpétrées en RCA. Certains Congolais et des organisations de défense des droits de l'Homme reprochent au Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, de ne pas avoir inculpé Bemba pour les crimes commis par les forces du MLC en RDC, particulièrement en Ituri.