Les députés, qui ont entamé l'examen du rapport de la commission PAJ (politique, administrative et juridique), sont divisés sur des questions fondamentales portant, notamment sur le mode de scrutin et les circonscriptions électorales. Si certains sont pour l'innovation, celle d'un « scrutin proportionnel avec un seuil d'éligibilité de 10% », d'autres, par contre, militent en faveur du « scrutin proportionnel de listes ouvertes à une seule voix préférentielle » prévu à l'article 118 de la loi électorale de 2006. L'utilisation « moyens publics » en campagne électorale pose également problème.
L'examen du rapport de la commission PAJ (politique, administrative et juridique) relatif aux « modifications » apportées à la loi électorale de 2006 a commencé hier au Palais du peuple. Les débats ont porté essentiellement sur le mode de scrutin, le nombre de circonscriptions électorales dans la ville de Kinshasa, l'exclusion des Congolais de la diaspora, la sécurité des candidats à l'élection présidentielle, l'utilisation des moyens publics durant la campagne électorale.
SCRUTIN MAJORITAIRE CONTRE SCRUTIN PROPORTIONNEL
Sous le prétexte que « ces modifications sont motivées, notamment par la nécessité de la prise en compte de la réduction du nombre de tours pour l'élection présidentielle, de l'amélioration du scrutin proportionnel et de la promulgation de certaines lois spécifiques », la Commission propose que le « maintien du mode de scrutin majoritaire uninominal pour les circonscriptions à un siège et l'instauration de la proportionnelle à plus fort reste avec un seuil d'éligibilité de 10% par circonscription et par liste dans les circonscriptions à deux siège ou plus ».
« Lors de la séance du 23 avril 2011, la plénière a adopté le scrutin proportionnel intégral, tel que prévu dans la loi électorale de 2006 », ont réagi la plupart des députés.
« Un tel scrutin favorisera les grands partis au détriment des plus petits », se sont-ils insurgés, arguant qu' « avec un tel scrutin, les partis qui auront obtenu 10% des suffrages exprimés dans une circonscription rafleront tous les sièges ». Ils ont rappelé que le scrutin proportionnel de 2006 « tient compte de la diversité ethnique » de la RDC et « favorise la participation des minorités à la gestion » du pays.
Aux termes de l'article 118 de cette loi électorale en phase de modification, « les députés nationaux sont élus au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans renouvelable dans les circonstances suivantes : 1.dans les circonscriptions comptant un siège à pourvoir, le vote a lieu au scrutin majoritaire simple. L'électeur se prononce pour un seul candidat. Le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix est élu ; 2.dans les circonscriptions comptant deux sièges à pourvoir et plus, le vote a lieu au scrutin proportionnel des listes ouvertes à une seule voix préférentielle avec application de la règle du plus fort reste ».
Et lorsqu'il est fait application du scrutin proportionnel des listes ouvertes, l'article 119 dit que « les noms des candidats figurent sur la liste dans l'ordre alphabétique ; l'électeur vote pour un seul candidat ; en vue de la répartition proportionnelle des sièges, sa voix est comptabilisée au titre de la liste ; le nombre de voix de la liste est la somme des voix obtenues par les candidats inscrits sur cette liste ; les sièges sont attribués aux listes proportionnellement au nombre de voix obtenues ».
Le passage de 4 à 24 le nombre de circonscriptions à Kinshasa divise également les députés. En 2006, rappelle-t-on, l'article 115 de la loi électorale disposait que « la circonscription pour l'élection des députés nationaux est le territoire, la ville, quatre circonscriptions par regroupement de quatre communes pour la ville de Kinshasa. Le nombre de sièges à l'Assemblée nationale est fixé à cinq cents ».
« D'où vient que chacune des 24 communes de Kinshasa devienne une circonscription électorale ? », s'est inquiété un député, insistant sur le fait qu'« il faut 2 à 3 jours pour parcourir un territoire alors que le candidat à la députation peut faire le tour d'une commune à Kinshasa en 3 heures ».
EVITER LA CONCURRENCE DELOYALE
Un autre sujet délicat est celui de l'« exclusion » des Congolais de l'étranger du processus électoral en cours. « Les Congolais de la diaspora ont été exclus des élections en 2006, pourquoi doivent-ils l'être encore cette année ? », se sont inquiétés les députés.
« Pourtant, à l'instar d'autres pays moins nantis que la RDC, nos compatriotes peuvent aller voter à l'ambassade accréditée dans le pays d'accueil », ont-ils souhaité, évoquant la Constitution aux termes de laquelle « tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois » (art.12), « aucun Congolais ne peut, en matière d'éducation et d'accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l'objet d'une mesure discriminatoire » (art.13).
La sécurisation des candidats, particulièrement ceux à l'élection présidentielle, a retenu l'attention des députés. Plutôt que de réclamer leur protection par les forces onusiennes, certains ont recommandé l'insertion dans la loi électorale de l'obligation faite au gouvernement d'assurer leur sécurité.
« Le président de la République en exercice dispose d'un avion de l'Etat, des finances publiques et d'autres moyens publics pour battre campagne à travers le territoire national. Ce dont ne disposent pas les autres candidats qui vont concourir avec lui », a fait remarquer un député de la Majorité présidentielle.
En guise de solution, il a proposé que la loi électorale interdise l'utilisation des moyens publics par les gouvernants, notamment le chef de l'Etat, le Premier ministre, les membres du gouvernement, les gouverneurs de province, a-t-il cité. « Cette disposition légale permettra d'éviter la concurrence déloyale entre les candidats » à tous les échelons, a-t-il souligné.
Somme toute, la prochaine loi électorale sera le baromètre des élections de 2011-2013, selon qu'elle sera impersonnelle ou faite sur mesure.