Les députés de la Majorité parlementaire et ceux de l’Opposition se sont, à deux exceptions près, fondus en une « seule force politique » pour rejeter les « innovations » proposées par le gouvernement dans la précédente loi électorale. Celle de 2011, modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections générales, a été adoptée par 363 « oui » contre 2 « abstentions » sur 365 votants. Dans une Assemblée nationale de 500 députés, dont moins de 150 sont de la minorité, la Majorité présidentielle (MP) devrait-elle s’inquiéter d’une implosion des alliances politiques ? « La fin du mandat explique leur décision », commente-t-on dans ses rangs.
L’adoption mercredi à l’Assemblée nationale de loi électorale modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 – portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales – fait craindre une implosion des alliances politiques, tant dans la Majorité présidentielle (MP) qu’au sein de l’Opposition politique pour les prochaines élections.
« Sur les 365 députés présents dans la salle des Congrès du Palais du peuple, 363 ont voté oui, 2 se sont abstenus », a révélé le décompte final. Ils ont ainsi rejeté les deux articles qui posaient problème. Il s’agit des articles 115 (érection des 24 communes de Kinshasa en circonscriptions électorales) et 118 (mode de scrutin pour la députation).
« Comme en 2006, la loi électorale révisée maintient les 4 circonscriptions de Kinshasa qui correspondent aux 4 districts qu’elle compte dans son découpage territorial tandis que la disposition de l’article 118, qui proposait la proportionnelle avec un seuil d’éligibilité de 10% dans le mode du scrutin, a été également rejetée par la majorité des députés nationaux », se sont défendus partisans du « oui ».
Aux termes de l’article 115 originel reconduit, « la circonscription électorale pour l’élection des députés nationaux est le territoire, la ville, quatre circonscriptions par regroupement de communes pour la ville de Kinshasa ». Les « 363 » justifient le rejet de la proposition de l’érection des 24 communes de Kinshasa en circonscriptions électorales par le risque de n’y avoir que des députés Kongo (originaires du Bas-Congo), Téké, Humbu ou originaires du Bandundu. Alors que, soulignent-ils, « Kinshasa est une ville multiculturelle ».
Est également rejeté, le « seuil d’éligibilité de 10% » proposé par le gouvernement comme mode de scrutin pour la députation. Aux termes de l’article 118 adopté, « les députés nationaux sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable dans les conditions suivantes : (…) ; 2. Dans les circonscriptions ayant deux sièges à pourvoir ou plus, le vote a lieu au scrutin proportionnel de listes ouvertes à une seule voix préférentielle avec application de la règle du plus fort reste, suivant les modalités prévues à l’article 119. Toutefois, le seuil d’éligibilité d’une inscription électorale est de 10% des suffrages exprimés. Si aucune liste n’atteint ce seuil, l’application de la proportionnelle intégrale est de mise. Si une seule liste l’atteint, elle obtient d’abord un siège et le reste des sièges à pourvoir dans la circonscription sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle selon la règle du plus fort reste ».
LES ALLIANCES DE L’«APRES FIN MANDAT »
Le rejet par l’Assemblée nationale des innovations du gouvernement dans les articles 115 et 118 dans la loi électorale de 2006 ressemble fort à un « vote-sanction » et à un « refus au mot d’ordre » habituellement donné aux députés à l’occasion des votes stratégiques.
« On est à la fin d’un mandat et, naturellement, il y a des interrogations dans les rangs des députés. C’est ce qui justifie ce qui est arrivé. La fin du mandat explique leur décision. Les personnes se préoccupent du lendemain. Elles connaissent le présent mais ignorent l’avenir », dit-on à la Majorité présidentielle. Pour ces raisons, y estime-t-on, « tout est possible » quoiqu’il soit « trop tôt pour parler d’une quelconque implosion des alliances politiques dans les présentes circonstances ».
« Ce qui était caché, c’est cette espèce de fraude. Je pense que c’est une bonne chose que les députés réagissent de la sorte. Le peuple ne pourra que se retrouver dans ce que nous avons voté, parce que ce n’est pas à la solde de quelques individus qui voulaient nous mettre dans les conditions taillées sur mesure », selon l’Opposition politique.
En fait, relève-t-elle, « personne ne veut revivre la situation de 1990, lorsque le maréchal Mobutu avait décrété le multipartisme à trois partis politiques, constitués du Mouvement populaire de la révolution (MPR), de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et du Front des Congolais nationalistes (FCN), avant d’accepter sous la pression le multipartisme intégral ».
Elle dit avoir craint qu’« à travers le seuil d’éligibilité de 10%, on exclut les petits partis politiques et les indépendants au profit de quatre grands partis », non autrement identifiés. « Le Congolais vote les personnalités en face de lui et pas les partis politiques. Ce qui est arrivé lors du vote de la loi électorale n’est qu’un début du remodelage des alliances », croit savoir un député.
Pourtant, tout n’a pas été facile au début du débat autour de l’article 115. « Les violons ne s’étant pas accordés entre les deux camps qui s’opposaient, la question a été passée au vote qui a donné les résultats ci-après : 122 députés soutenaient la position de la commission d’ériger les communes en circonscriptions électorales, contre 149 qui s’y opposaient. Donc, les partisans du rejet l’ont emporté », a constaté la presse.
Elle a noté que « le camp de ceux qui soutenaient la position de la commission estimaient que Kinshasa étant considéré comme une ville province, ses entités devraient avoir le même statut que les territoires ruraux des provinces qui comptent chacun une circonscription électorale. En revanche, les tenants de l’antithèse relevaient le danger qu’il y avait de voir le champ électoral du député national être réduit ou mieux confondu à celui du député provincial. Car, la commune sert déjà de circonscription électorale pour les députés provinciaux ».
En attendant de connaître les conclusions du Sénat en seconde lecture de cette loi électorale, l’implosion des alliances politiques nouées en 2006 s’annonce inévitable. Mais, celles de 2011 pourraient être, comme les précédentes, un fourre-tout.