Le Palu ne cache plus sa crainte de voir la primature lui échapper après la démission de Gizenga remettant ainsi en cause les accords entre l’AMP, le PALU et l’UDEMO pour une coalition gouvernementale.
Déjà, vendredi, la guerre de succession était engagée dans les partis du camp présidentiel, après la démission du Patriarche Antoine Gizenga du poste de Premier ministre de la République démocratique du Congo (RDC). Une veillée d’armes est depuis observée au Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) du Président Joseph Kabila où une liste de candidats à la primature circule. A la succession de M. Gizenga comme Premier ministre, on cite entre autres Vital Kamerhe, ancien secrétaire général du PPRD, actuellement président de l’Assemblée nationale, pour redynamiser l’action gouvernementale. Cependant, Kamerhe n’est pas seul. On cite aussi un autre prétendant, en la personne d’Evariste Boshab, actuel SG du PPRD.
Au Parti lumumbiste unifié (Palu) de M. Gizenga, la troisième force politique du pays, on se dit serein. Et dans une déclaration publiée dans la presse, le Palu avertit que tout en démissionnant, le Premier ministre demeure fidèle à l’esprit et à la lettre des engagements politiques conclus en 2006”, avant le second tour de l’élection présidentielle.
Selon cet accord électoral, Joseph Kabila, arrivé en tête du premier tour, promettait la primature au Palu en échange d’un soutien au second tour. Vendredi, le parti de M. Gizenga se disait convaincu que ces engagements seraient respectés par la famille politique du Président congolais. Des journaux proches du Palu avançaient comme « Premier Ministrable » plusieurs noms, dont celui d’Adolphe Muzito, ministre du Budget et membre de ce parti.
La guerre ouverte à la succession de M. Gizenga ne pourra se justifier que si le Chef de l’Etat passe outre les accords électoraux signés avec le chef charismatique du Palu selon les analystes politiques. Cependant le PPRD ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Pour gouverner, il a dû créer avec les autres partis de l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) une coalition avec le Palu d’Antoine Gizenga et l’Union des démocrates mobutistes (Udemo) de Nzanga Mobutu.
M. Gizenga, 83 ans, a avancé le poids de l’âge pour justifier son départ de la primature, mais l’Opposition n’a cessé de critiquer son immobilisme depuis sa prise de fonction en décembre 2006. Du côté du Mouvement de Libération du Congo, le parti de Jean-Pierre Bemba, on constate que cette démission du Premier ministre est tardive en dépit de nombreuses sonnettes d’alarme que l’Opposition n’avait cessé de tirer. Les membres de ce parti ont fait cette déclaration politique hier jeudi à la permanence du parti à Kinshasa : « Le MLC constate et déplore cette démission tardive en dépit de nombreuses sonnettes d’alarme que l’Opposition n’avait cessé de tirer.
Cette démission constitue, en effet, un aveu d’échec et d’incurie d’un gouvernement qui, après presque deux ans de gestion, laisse le pays dans une crise générale. Au plan social, des grèves sont observées dans tous les secteurs; qu’il s’agisse des médecins et personnel de santé ou des enseignants. Dans le domaine sécuritaire, l’insécurité est généralisée dans tous le pays et la guerre a repris dans l’Est avec son lot de graves atteintes aux droits de l’homme et des drames humanitaires sans précédent. Au plan économique, un contrat mal négocié des Chinois compromet les intérêts de la RDC pour plusieurs décennies. Les finances publiques n’ont jamais été aussi mal gérées au point de différer davantage les possibilités pour notre pays de voir sa dette extérieure (environ 11 milliards USD) être effacée ».
Une précision de taille, à l’issue d’une mission d’évaluation de 18 jours à Kinshasa, une délégation du Fonds monétaire international (FMI) a jugé mercredi « satisfaisante » l’exécution du programme économique 2008 par le gouvernement. Pour le Palu, Parti des lumumbistes unifiés, le parti dont Antoine Gizenga est leader, le premier ministre sortant a affiché un comportement démocratique exemplaire.
Dans un communiqué lu jeudi à la RTNC, la télévision nationale, par son secrétaire national chargé de la communication, Claude Matala, le Palu a déclaré qu’il va proposer au Président de la république le nom d’un nouveau Premier ministre dans les jours qui suivent. Quant à l’Udemo, Union des mobutistes démocrates, il s’est contenté de prendre acte de cette démission. Selon son porte-parole, l’Udemo se prononcera prochainement sur l’évolution de la situation politique nationale. Rodrigue Bambi Mavungu l’a déclaré lors d’un point de presse tenu jeudi à son siège dans la commune de la Gombe à Kinshasa.
Une nouvelle coalition gouvernementale !
La Convention des démocrates chrétiens (CDC) du député national Gilbert Kiakwama Kia Kiziki salue le départ du Premier ministre Antoine Gizenga. Pour ce parlementaire, le soutien de nombreux députés à la motion de défiance contre le Premier ministre était le reflet de la fatigue et de la profonde exaspération du peuple congolais tout entier.
Pour le professeur Philipe Biyoya, analyste politique proche de l’Opposition, on ne peut résoudre l’immobilisme actuel, par le simple jeu d’une majorité parlementaire qui ne se montre pas à la hauteur de la crise présente. Il faut plutôt créer une nouvelle coalition gouvernementale. « La première chose à faire pour le Chef de l’Etat, c’est effectivement de comprendre que les raisons avancées par Gizenga, à part des raisons personnelles, il a quand même avancé une série de raisons qui montrent effectivement qu’il y a de l’immobilisme.
Et, on ne résout pas l’immobilisme en constituant seulement une majorité numérique au Parlement qui n’a aucun sens, qui n’a aucun dynamisme, qui n’est pas une majorité alternative par rapport à l’active. L’alliance électorale, c’est ce qui conduit, en fait Gizenga à sortir. Si, là-bas, on arrive à constater que le problème, c’était Gizenga, et qu’on peut prendre un autre cheval pour courir avec, je leur souhaite une bonne chance, mais moi, personnellement, je donne mon avis d’observateur. Mais il est temps pour que l’on joue le jeu du gouvernement. Il faut créer une nouvelle coalition gouvernementale. On ne doit pas toujours être esclave des alliances des partis parce que par définition, une alliance est tactique, manœuvrière, une alliance n’est pas une structure qu’on légalise ».
L’AMP se démarque
Comme on pouvait s’y attendre, en dépit de ce qu’on peut évoquer comme dissension au sein de la majorité, la structure dirigeante de l’AMP demeure constante. Son secrétaire général a, en effet, déclaré que l’accord AMP-PALU-UDEMO n’était pas lié aux personnes, mais plutôt aux partis politiques... Et ces accords restent valables avec l’AMP, il n’y a rien qui a changé.
Tout compte fait, le Président de la République, Joseph Kabila, « comptable de cinq ans de gestion du pays », reste donc le seul à devoir concilier les ambitions de son parti, le PPRD, avec la fidélité aux accords électoraux. Encore faut-il qu’il accepte la démission du Patriarche Antoine Gizenga Fundji.