C’est fini. L’Opposition ne présentera plus un candidat commun à la présidentielle du 23 décembre prochain. Bien au contraire. Chaque candidat tentera sa chance. Du moins en ce qui concerne les sept qui ont signé l’accord de coalition dimanche dernier à Genève. 24 heures seulement après cet accord, soit hier lundi 12 novembre, deux signataires ont annoncé le retrait de leurs signatures. Il s’agit de l’Udps Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi et l’Unc Vital Kamerhe. Coup de théâtre ? Tout y ressemble. Presque.
Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi a justifié sa volte-face par le refus manifeste de la base de son parti à souscrire au projet de candidature commune. Bref, de s’aligner derrière le candidat élu le dimanche 11 novembre à Genève. Donc, Martin Fayulu Madidi. Ainsi, devant une forte pression des militants de l’UDPS, Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi n’a pas trouvé mieux, que de rétropédaler. Depuis hier, il a pris ses distances vis-à-vis du compromis de Genève.
En un mot comme en mille, le président de l’Udps a renié sa propre signature ! "Je retire ma signature", a-t-il déclaré dans une interview au téléphone, accordée hier lundi 12 novembre à notre consœur Top Congo FM. "Je ne peux aller à l’encontre de la base, ce serait signer la mort de ma carrière politique", a ajouté Félix Tshisekedi, qui a promis son retour à Kinshasa dans un proche avenir, en perspective du début de la campagne électorale, prévue le 23 novembre en cours. Donc, plus que dix jours max.
Quant à la suite de son combat politique en rapport avec le scrutin prévu à la fin de l’année en cours, Félix Tshisekedi a déclaré que son parti se présentera bel et bien aux urnes. Sauf s’il y aurait des partis qui se seraient montrés disponibles à l’accompagner. Sinon, l’Udps est prête à aller seule aux élections !
VITAL KAMERHE EMBOITE LE PAS A FELIX TSHISEKEDI
Si l’Accord de Genève était une organisation, ce qui s’est passé hier s’apparenterait à une vague de démission. Tenez. Après le revirement (spectaculaire ?) de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe a également annoncé sa décision de ne plus soutenir le candidat commun. Simple métonymie. "Aujourd’hui (ndlr : lundi 12 novembre), la même base s’est réunie à travers la direction politique nationale, certainement après avoir entendu ses plaintes", a déclaré le président de l’UNC sur la même radio privée Top Congo FM, émettant de Kinshasa.
Comme Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi, Vital Kamerhe ne veut pas aller à contrecourant de la base de son parti, de peur de cautionner son auto éjection. "La direction politique m’enjoint de tempérer dans le sens de la demande de la base. Je ne voudrais pas ici commenter cette décision, car elle est au-dessus de la personne dans nos statuts. J’annonce donc que je retire ma signature pour respecter la volonté de ma base. Sans cette base, je vais m’auto-flageller et vais moi-même m’auto exclure du parti", renchérit Vital Kamerhe.
Après leur désengagement de l’Accord de Genève, comment ces deux chefs des partis de l’Opposition perçoivent-ils la suite de leur idéal politique ? Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi fera-t-il chorus avec Vital Kamerhe ? Cette question est restée suspendue hier, sur les lèvres de plus d’un analyste. D’ores et déjà, très peu croient à un probable rapprochement entre les deux opposants.
En d’autres termes, nombreux sont des Kinois qui, sur la base de l’extrémisme teinté d’égocentrisme qui caracterise les militants de l’UDPS et de l’UNC, excluent toute possibilité de voir les deux formations politiques marcher et combattre ensemble. C’est donc l’heure du chacun pour soi, le peuple pour tous !
ET SI C’ETAIT FATSHI A LA PLACE DE FAYULU ?
"Pacta sunt servenda", postulent les latinistes. En français : " Les accords rendent esclave". C’est donc ce principe sacro-saint de Relations internationales et de Sciences politiques, qui sous-tendent la ratification et la signature des Accords ou des traités.
En d’autres termes, en apposant leurs signatures au bas d’un document, les auteurs s’en trouvent liés. Dimanche, à Genève, après trois jours de longues tractations et un vote à deux tours, les sept principaux leaders de l’opposition congolaise, dont Félix Tshisekedi, avaient désigné Martin Fayulu pour être leur candidat commun à la présidentielle du 23 décembre.
Comment comprendre que 24 heures seulement après, Fatshi et Vital Kamerhe, décident de revenir sur leur signature ? Ils ont, en partie, raison, lorsqu’ils évoquent la forte pression de leurs bases respectives. Mais, cet argument paraît insuffisant aux yeux de nombreux Kinois qui ont contre-réagi à la réaction des militants de l’UNC et de l’Udps hier. Car, disent-ils, un leader est aussi apprécié par sa capacité de calmer sa base, après une décision prise, un acte posé dans le cadre de ses prérogatives.
Si, à chaque fois, un leader devra revenir sur sa décision pour satisfaire sa base, alors il y a de quoi redéfinir ce mot chef. C’est vrai qu’il peut arriver à un leader de faire fausse route. Cependant, le bons sens veut qu’avant tout rétropédalage, celui-ci doit trouver des astuces nécessaires. Sinon, on cesse d’être la tête.
A la lumière du revirement à 180° de Vital Kamerhe et de Fatshi, les commentaires vont dans tous les sens. D’aucuns infèrent que les deux leaders avaient, dès le départ, la conviction que le dévolu de leurs pairs à Genève, allait être jeté sur l’un ou sur l’autre.
Dans tous les cas, à l’Udps, on ne s’imagine pas un seul instant que le candidat commun de l’Opposition soit un leader autre que Félix Antoine Tshisekedi.
La même tendance s’observe aussi dans les rangs des militants de l’UNC. La question qui se pose est celle de savoir comment les choses se seraient-elles passées, si à la place de Martin Fayulu, c’est Félix Tshisekedi ou Vital Kamerhe qui était élu candidat commun de l’Opposition au prochain scrutin.
LE SCENARIO DE 2011
L’histoire, dit-on, est un éternel recommencement. Ce n’est donc pas la première fois que l’Opposition en RD Congo, aille aux élections en ordre dispersé. On l’a vu lors du premier cycle électoral en 2006 où 32 candidats de l’Opposition devraient affronter le Président Joseph Kabila, candidat à sa propre succession. On connaît la suite.
En 2011, c’est encore la même Opposition, qui réédite sa triste expérience, en alignant 10 candidats à la Magistrature suprême, face une fois encore, à Joseph Kabila.
On se rappelle ici qu’une ultime tentative de coalition entre feu Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe avait accouché d’une grosse souris. Car, ce sont les deux qui étaient considérés comme les candidats de l’Opposition présentant le meilleur profil, et donc capable de battre le candidat Joseph Kabila.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’issue a été sans surprise. Dans un scrutin à un seul tour et donc à la majorité simple, on ne devrait pas se leurrer. Cette fois-ci encore, l’Opposition est sur le même schéma. Elle présentera plus d’un candidat pour affronter Emmanuel Ramazani Shadary, le ticket unique du camp adverse. A savoir : le Front commun pour le Congo (FCC).
A tous égards, le revirement de Félix Tshisekedi et de Vital Kamerhe, donne finalement raison à tous ces Congolais qui, dès le départ, ne croyaient pas en la capacité de l’Opposition de se mettre d’accord autour d’u candidat commun. Au-delà des frontières nationales, la même décision des deux leaders de l’Opposition risque d’être perçue comme l’image, mieux la silhouette de la classe politique rd congolaise, souvent présentée comme un pays au consensus difficile. Particulièrement l’Opposition.
Comment la Fondation Kofi Annan, qui a apporté sa facilitation à la rencontre des sept à Genève, a-t-elle accueilli ce retrait de Kamerhe et de Fatshi ? Mais s’ils savaient, dès le départ, que leurs bases s’opposeraient à l’issue de cette rencontre, pour les deux chefs de partis s’étaient-ils déplacés pour Genève ? Avaient-ils été forcés d’apposer leurs signatures au bas du communiqué final ? On s’interrogerait sans doute jusqu’à l’infini. Mais sans trouver de réponses. Grevisse KABREL