Une Equipe multidisciplinaire d'enquêtes spéciales de la MONUC a continué à enquêter sur les événements des 22-23 mars 2007 à Kinshasa, indique tout d'abord ce rapport.
« L'Equipe a interviewé plus de 200 victimes et témoins, et visité des douzaines de lieux utiles pour l'enquête », mais ses travaux ont été « entravés par le refus de la part des autorités d'accorder l'accès à certains endroits importants tels que l'enceinte de la résidence de l'ancien Vice-président Jean-Pierre Bemba et certains camps militaires ».
« Les services de renseignement, la police et l'armée ont multiplié des actes d'intimidation à la suite de ces événements, créant et entretenant ainsi un climat de peur et d'intimidation, qui n'a pas permis aux victimes, aux témoins, aux autorités ainsi qu'aux agents des centre médicaux et des hôpitaux de rencontrer ou de parler librement à l'Equipe d'enquête ».
L'Equipe compte boucler son enquête au courant du mois de mai, selon le rapport.
Par ailleurs, la division des droits de l'homme de la MONUC établit une liste précise des principales violations signalées depuis le mois de mars dernier (dépêche du 7.03.2007).
Une partie d'entre elle est à mettre au compte de soldats des FARDC (Forces armées de la RDC), l'armée régulière congolaise.
Ainsi, « le 29 avril 2007, des soldats de la Brigade Charlie ont arbitrairement exécuté quatre civils à Rubuya, dans le territoire de Masisi, au Nord Kivu ».
De même de nombreuses exécutions ont eu lieu dans le cadre de vols, effractions et extorsions, y compris pour des biens a priori minimes.
« Pendant la nuit du 18 au 19 avril, un civil aurait été tué et un deuxième civil aurait été grièvement blessé, à la suite de l'attaque d'une résidence privée dans le quartier Essence (4 km du centre de Bukavu), par un groupe de quatre soldats des FARDC, membres de la Police Militaire. Les auteurs présumés ont pénétré par effraction dans la maison en demandant de l'argent. Le propriétaire de la maison a répondu qu'il n'avait pas d'argent. Les assaillants ont aussitôt tiré deux balles dans sa tête. La victime a succombé sur le champ. La femme de la victime a été blessée et admise à l'hôpital ».
« Le 28 avril 2007, un étudiant de l'Université de Goma a été abattu par un Caporal de la 5ème Région Navale. L'auteur présumé avait demandé le téléphone portable de la victime. Le soldat l'aurait abattue parce qu'elle aurait refusé de lui remettre son téléphone portable. La victime est décédée le lendemain, à l'hôpital local. Ce décès a suscité l'indignation de la communauté estudiantine de Goma, suivie de manifestations de protestation, qui ont perturbé les activités dans la ville. »
« Le 6 mars 2007, à Walikale (environ 120 km à l'Ouest de Goma) un civil aurait été abattu par un soldat FARDC appartenant à la 85ème Brigade. L'auteur présumé lui aurait ordonné de lui remettre trois cigarettes et de l'argent. La victime lui aurait remis des cigarettes et aurait refusé de donner de l'argent. L'auteur se serait énervé et l'aurait fusillée. L'auteur a été arrêté et placé en détention préventive à la prison centrale de Munzenze ».
Outre les meurtres, ce sont les viols qui sont condamnés : « des séries de viols auraient été commis par des soldats FARDC de la 2ème Brigade Intégrée basée à Vuyinga (60 km à l'Ouest de Butembo) pendant la première semaine du mois d'avril. Le 4 avril 2007, une jeune fille de 18 ans aurait été violée dans son domicile. Le 5 avril, une fillette de 13 ans aurait été violée à côté d'un puits. Le 1 avril 2007, à Butembo, une autre mineure aurait été violée par un soldat du 23ème Bataillon de la 2ème Brigade Intégrée ».
« Dans la nuit du 1 au 2 avril 207, à Kabalo (300 km à l'Ouest de Kalemie), une fillette de 13 ans aurait été violée par un soldat de la 672ème Brigade de la 3ème Compagnie des FARDC. En l'absence des parents de la victime, l'auteur présumé aurait pénétré par effraction dans la résidence de la fillette, l'aurait emmenée dans une salle de classe et l'aurait violée. L'auteur présumé a été appréhendé et transféré à l'Etat major de la 3ème compagnie ».
Par ailleurs, des soldats FARDC du 2ème Bataillon de la Brigade Bravo continuent d'arrêter et de maltraiter les civils sous le prétexte qu'ils sont des Mayi-Mayi ou des agents des FDLR.
Par exemple, le 2 mars 2007, un civil employé de l'hôpital de Nyamilima aurait été torturé après son arrestation par deux soldats des FARDC appartenant au 2ème Bataillon de la Brigade Bravo. Les auteurs présumés ont emmené la victime dans leur camp, l'ont attachée et l'ont sévèrement bastonnée sur ses bras, sa tête et son dos. Les soldats l'accusaient d'être un collaborateur des Mayi Mayi. Ils l'ont torturée afin qu'elle avoue sa collaboration avec les Mayi Mayi. La victime a été relaxée le 30 mars 2007 ».
« Ce cas de torture n'est qu'un seul parmi tant d'autres Des civils sont arrêtés sous prétexte d'être des Mayi Mayi ou des collaborateurs des FDLR, et soumis aux mauvais traitements par les soldats du 2ème Bataillon de la Brigade Bravo. Ces actes seraient conçus et planifiés par le Chef de la S2 du 2ème Bataillon », indique le rapport.
Aux côtés de l'armée, ce sont aussi des agents de la PNC (police nationale congolaise) qui ont été impliqués dans des cas de violations des droits de l'homme, en constante augmentation au cours du mois en revue, spécialement dans la Province du Kasaï Oriental.
« Le haut niveau d'insécurité et la situation des droits de l'homme dans la ville de Mbuji Mayi, Province du Kasaï Oriental, ont continué d'être un sujet de vive inquiétude. Les auteurs de la plupart des violations (exécutions arbitraires, vol à mains armées) sont des membres de la PNC et des FARDC. De plus, les policiers sont impliqués dans plusieurs cas d'arrestations arbitraires et de détentions illégales, suivis de torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le 30 avril 2007, dans la Commune de Dibindi, un jeune homme de 21 ans serait décédé de suites de torture perpétrée par les policiers ».
« Le 1 avril 2007, un civil résidant au Camp des personnes déplacées à Oïcha (30 km au Nord de Béni), serait mort après avoir été sévèrement battu par des agents de la PNC basés à Oïcha ».
« Le 21 avril 2007, des policiers appuyés par des soldats des FARDC auraient soumis les habitants de Bonyanga (600 km, au Nord-Est de Mbandaka, Province de l'Equateur) aux arrestations arbitraires, à la torture, aux traitements cruels, inhumains ou dégradants, au pillage et à de lourdes amendes en représailles contre les manifestations de protestations conduites quelques jours plus tôt ».
« Le 4 avril 2007, à Mvuzi (2 km de Matadi), une fillette de trois ans aurait été violée par un policier. L'auteur présumé a réussi à attirer la fillette dans sa maison en lui promettant des bonbons et l'a violée ensuite. L'incident a été rapporté à la police et le suspect arrêté».
Enfin, Le 22 avril 2007, à Kananga, un journaliste de Radio Okapi - la radio de la MONUC -- aurait été battu par un officier de la PNC, en occurrence, le Commandant du Bataillon de Police Intégrée. La victime a reçu plusieurs coups de bâtons sur sa jambe gauche, et a aussi perdu certains de ses équipements.
S'agissant en parallèle des exactions commises par les milices et les groupes armés, le rapport mentionne en particulier les agissements des groupes Hutus Rwandais et des Maï-Maï, dans les deux Kivus.
Les milices Maï-Maï (ou Mayi-Mayi) sont issues des conflits politiques, identitaires et fonciers apparus a l'Est de la République Démocratique du Congo, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en résistance aux forces originaires du Rwanda. Le mot maï-maï signifie « eau » en référence à l'usage de se couvrir d'eau magique pour échapper aux balles.
« Des rapports faisant état d'attaques perpétrées par les combattants Hutus rwandais dans les villages du territoire de Walungu, Province du Sud Kivu, continuent d'affluer de manière presque journalière. Dans la nuit du 8-9 avril 2007, deux civils auraient été sommairement exécutés au cours d'une attaque perpétrée dans le village de Ciganda (65 km, au Sud-Ouest de Bukavu). Un autre civil aurait été enlevé".
« Les combattants Hutus Rwandais auraient mené des attaques dans le village (67 km au Sud-Ouest de Kanyola, dans le territoire de Walungu, Province du Sud Kivu) pendant les nuits du 31 mars-1 avril et 1-2avril 2007. Au cours de la première attaque, un enfant de deux ans aurait été tué et une fille brûlée. Quatre civils auraient été blessés. Neuf autres, y compris six mineurs, auraient été enlevés par les ravisseurs. Au cours de la seconde attaque, cinq autres civils auraient été enlevés. »
Par ailleurs, « les combattants Maï-Maï du groupe Baraka ont repris leurs activités criminelles dans la zone tout autour de Malio (entre 55 et 65 km, au Sud-Ouest de Béni). Des rapports faisant état d'abus des droits de l'homme commis par les Mayi Mayi sont parvenus de cette zone durant le mois dernier. Le 9 mars 2007, 13 civils auraient été arbitrairement exécutés par les Maï-Maï en guise de représailles contre les arrestations de certains de leurs combattants par les FARDC ».
Alors que l'impunité reste un trait marquant de l'administration de la justice en RDC, le rapport cite plusieurs condamnations de soldats et policiers coupables d'exactions.
Ainsi, « le 25 avril 2007, le Tribunal Militaire de Katanga a rendu son verdict dans l'affaire du Major Ekembe, ex-Commandant de la 63ème Brigade des FARDC et autres officiers des FARDC, responsables de la mort de 15 présumés combattants Maï-Maï dans la prison de Mitwaba, en mars-avril 2005. Félix Baseme a été condamné par contumace, à 10 ans de prison tandis que ses co-accusés Ekembe, Kanyimbu et Muyembe ont écopé de 15 mois de prison. Tous les cinq condamnés devront payer chacun 20.000 FC de frais de tribunal. La cour a aussi décidé que ces condamnés et l'Etat devront payer 10.000 dollars à titre de dommages et intérêts aux familles de chaque victime ».
« Le 18 avril 2007, Le Tribunal Militaire de Garnison de Lubumbashi a condamné un Adjudant des FARC à 12 ans de servitude pénale pour avoir commis un viol en août 2006. L'accusé devra aussi verser la somme de 1.000 dollars au titre de dommages et intérêts à la victime, et payer une amende de 10.000 FC ».
Mais, précise le rapport, « en l'absence d'un système de justice pénale véritablement fonctionnel, les civils continuent d'avoir recours à la justice populaire ».
« Les habitants du quartier Mabanga Sud, dans la commune de Karisimbi, à Goma auraient lapidé à mort un soldat après que ce dernier a été pris en train de pénétrer par effraction dans une résidence privée, dans la nuit du 2-3 avril 2007. Après l'intervention de la Police Militaire, la victime a été admise à l'hôpital local où elle a succombé à ses blessures ».
17 mai 2007 - Exécutions sommaires, viols, torture et emprisonnement arbitraire, c'est une litanie de violations des droits de l'homme qui émaille le dernier rapport sur la question publié par la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC).