Le PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie) a organisé, du 18 au 21 août 2010 à Kisangani, un grand forum politique dénommé « Université du Cinquantenaire », avec la participation de plus de 800 cadres et militants venus de toutes les provinces du pays. L’une des résolutions qui fâchent est celle relative à la proclamation de Joseph Kabila comme candidat unique de ce parti, ce qui rompt avec son statut d’indépendant, et à la tranchante alternative proposée à tous les affiliés de l’AMP : intégrer le PPRD avec leurs « bases » ou quitter le « bateau ».
En clair, le PPRD a levé une option sans équivoque pour les scrutins de 2011 à 2013 : ne plus servir de marche-pieds aux partis, groupements et personnalités politiques qui passent jusque-là pour ses alliés au sein de l’AMP. Le parti du président de la République a-t-il tort ? Certains analystes politiques répondent par l’affirmative, percevant là des velléités divisionnistes au sein d’un bloc qui a participé à la victoire électorale de Joseph Kabila en 2011, à l’émergence de sa majorité parlementaire et au contrôle de la quasi-totalité des gouvernements provinciaux.
A leurs yeux, Kabila candidat indépendant court vers la catastrophe, car privé des voix devant provenir de sa pépinière politique qu’est l’Alliance de la Majorité Présidentielle.
De même, le cavalier seul du PPRD risque de provoquer une dispersion des voix telle que la majorité parlementaire actuelle serait forcément appelée à éclater. Au profit de qui ? La question reste posée.
Qui représente quoi ?
Quant aux tenants de la thèse de l’émancipation du parti du Chef de l’Etat, ils estiment qu’une compétition électorale basée sur la participation de chaque force politique selon son véritable poids sociologique sur le terrain auraient le mérite d’opérer une sélection naturelle entre les « partis alimentaires » et les « poids lourds ». Cette fois ou jamais, dit-on, l’on veut savoir qui représente quoi au Bas-Congo, à Kinshasa, au Bandundu, à l’Equateur, dans les deux Kasaï, au Katanga, au Sud-Kivu, au Nord-Kivu et en Province Orientale. En fait, hormis le bilan global attendu de la mégastructure, le PPRD exige que chaque parti ou personnalité présente le sien.
Au croisement des avenues Mpumbu et Batetela, beaucoup tiennent à ce que le mot d’ordre « pas une parcelle sans PPRD » se traduise par des résultats concrets dans les urnes, lors des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales, sénatoriales, urbaines, municipales et locales. Il existe tellement des « bases » fictives, entretenues grâce aux caméras des télévisions et aux écrits des journaux, que chaque personnalité politique qui pense avoir une assise réelle dans son fief électoral, est tenue de jouer cartes sur table. On refuse d’accorder un chèque en blanc à quiconque, comme c’était le cas en 2006.
Le souvenir de l’Union Sacrée
Tout en partageant l’idée du PPRD de faire le ménage au sein de l’AMP, des acteurs politiques critiquent néanmoins le « suicide politique » imposé à ses alliés. Pour le reste, ils adhèrent à l’option de placer la barre très haut en ce qui concerne la gestion des ambitions politiques pour 2011-2013. Les nostalgiques gardent un souvenir amer de l’Union Sacrée de l’Opposition, une plate-forme appelée à fédérer toutes les forces acquises au changement face à la dictature de Mobutu, mais dont les nobles objectifs furent trahis par un long feuilleton de reniements et trahisons.
Au bout du compte, elle devint un vivier où le dictateur se mit à puiser à loisir des candidats ministrables, jusqu’à sa chute le 17 mai 1997. Le PPRD refuse certainement d’être le nouveau dindon de la farce, comme l’UDPS au sortir de la Conférence Nationale Souveraine. Est-ce un mal si, à moins d’une année des joutes électorales, il a décidé de procéder à la claire identification des partenaires réellement capables de lui faire gagner les élections ?
Dans certains milieux politiques de Kinshasa et des provinces, on se réjouit de voir le parti du chef de l’Etat refuser le parrainage automatique des candidats brandissant le label « AMP », sans être assurés au préalable de leur poids politique sur le terrain. Une telle attitude va mettre en difficulté tous ceux et toutes celles qui seraient tentés d’utiliser le nom du Chef de l’Etat comme leur propre fond de commerce lors de la prochaine campagne électorale.