La série noire se poursuit pour la République Démocratique du Congo, avec la cascade de naufrages sur le fleuve Congo, ses affluents, ainsi que sur les lacs. Les bilans des morts et disparus sont difficiles à établir en l’absence des manifestes ou face aux listes des passagers et marchandises confectionnées en-dessous de table. 50 morts par ci, 100 par là, 200 un peu plus loin : il y a de quoi s’inquiéter sérieusement de l’organisation du transport des personnes et des biens sur les voies fluviales et lacustres du pays.
Aux dernières nouvelles, il est fait état de plus de 70 morts enregistrés à la suite du naufrage d’un bateau sur un affluent du fleuve Congo, dans la province de l’Equateur. L’embarcation, dit-on, voguait à vue en pleine nuit, sans lumière, avant d’heurter un roc et de couler à pic avec plus d’une centaine de passagers. En province du Kasaï Occidental, on était sans nouvelles, le week-end, de plus de 200 passagers qui voyageaient dans une baleinière qui a coulé à la suite d’un incendie à son bord.
Transport fluvial et lacustre : le laisser-aller
Un seul constat se dégage au vu des hécatombes que l’on enregistre, depuis des mois et des années sur le fleuve Congo, les rivières et les lacs : le laisser-aller. Alors qu’un verrouillage sévère des routes est observé à travers le pays, avec la multitude d’agents de roulage, de la Sonas, de la DGI et des services spéciaux qui contrôlent tout et rien auprès des automobilistes, c’est l’anarchie totale dans le secteur du transport fluvial et lacustre.
Chaque jour qui passe, des bateaux et baleinières appartenant aux privés écument le réseau fluvial et lacustre national sans respecter les normes techniques et sécuritaires. Des bâtiments flottants d’origine douteuse, remplis des passagers et marchandises au-delà de leurs tonnages réels, fendent les eaux avec la complicité des services compétents du ministère des Transports et Voies de Communications. Apparemment en règle au départ d’un port, les navigants ramassent, à partir des points de passage bien connus, des passagers et des colis sans tenir compte de la capacité d’accueil de leurs embarcations. Et, avant d’accoster au port d’arrivée, ils se délestent du surplus des personnes et des biens à bord. Dans la périphérie de Kinshasa, ce petit manège fonctionne à merveille au niveau de Maluku ou Ngamandjo.
Aussi, lorsque survient un accident, les victimes se comptent au double voire au triple par rapport au nombre signalé dans le manifeste. C’est pareil pour le contenu des cales.
Pour la traque des « fula-fula » des eaux
La RDC avait déjà mauvaise réputation à cause de ses « fula-fula » terrestres et aériens. Elle vient d’assombrir davantage le tableau avec la montée en flèche des « fula-fula » des eaux, ces cercueils flottants qui emportent nuit et jour des dizaines de compatriotes de Kinshasa comme de l’arrière-pays, mais surtout ces derniers, dans l’au-delà. Les morts se succèdent à un rythme tel qu’il y a lieu d’arrêter le « massacre ».
Et, le meilleur moyen de sécuriser les voies fluviales et lacustres, c’est d’interdire la circulation des cercueils flottants. Pour ce, il faut réinstaurer des contrôles systématiques non seulement des documents liés aux règlements de la navigation fluviale et lacustre mais aussi de l’état mécanique des bâtiments flottants. Dans le cadre de la tolérance-zéro, il serait temps que la justice se saisisse des équipages assassins et des fonctionnaires irresponsables qui sont à la base des malheurs des centaines de Congolais contraints de voyager par bateau ou baleinière.
L’autre bataille à mener est celle de la remise à flots d’un nombre suffisant d’unités fluviales de l’Onatra, lesquelles répondent aux normes de sécurité, de confort et de tonnage sur le fleuve Congo, ses affluents et les lacs. Car, les besoins des habitants des campagnes congolaises en matière de transport fluvial et lacustre sont tellement immenses qu’il y a nécessité et urgence de donner à la compagnie nationale spécialisée dans ce genre de transport les moyens financiers et la flotte à la mesure de ses obligations. Sans une desserte efficace des « autoroutes » fluviales et lacustres, des milliers de paysans désespérés de trouver des opportunités d’évacuations des produits de leurs champs, de leur élevage et de leur pêche vont continuer à mettre leur vie en péril en sautant dans la première baleinière ou le premier bateau de passage par leur contrée après une attente de six mois ou plus.