Dans un rapport présenté, le lundi 29 novembre 2010 à NewYork, un groupe d’experts mandatés par l’ONU pointe du doigt des officiers des FARDC, particulièrement ceux issus des rangs du CNDP. L’ONU les tient pour responsables du désordre qui sévit dans les principales zones minières de l’Est.
Il y a peu Le Potentiel relevait dans une de ses livraisons que le Kivu était « transformé en Far west ». Dans cet article, le quotidien s’appuyait sur une série de témoignages faisant état de l’anarchie qui gagne de plus en plus le secteur minier de trois provinces de l’ex-Kivu (Maniema, Nord et Sud-Kivu).
En l’absence de l’Etat, qui s’est autoexclu du circuit en décrétant la suspension de toute activité minière, le désordre a repris ses lettres de noblesse dans les mines de l’Est. Il s’ensuit que la paix est loin d’être instaurée dans cette partie du territoire national. Du fait des hommes armés qui règnent en maître dans cette partie de la république.
DES PREUVES DE COMPROMISSION
Un rapport, rendu public le lundi 29 novembre 2010 à New York par un groupe de cinq experts mandatés par les Nations unies pour enquêter sur le respect de l’embargo sur les armes qui frappe la RDC, livre des conclusions qui chargent davantage les hommes en arme appartenant aux FARDC. « L’armée congolaise, pense l’ONU, est liée à l’instabilité en RDC ». Plus loin, relève le rapport, l’exploitation des ressources minières de l’Est de la RDC est devenue la principale motivation des affrontements qui perdurent dans cette région.
En effet, au terme des enquêtes menées sur le terrain, ce groupe d’experts fait des révélations qui mettent à nu des « réseaux criminels actifs » au sein des FARDC. Ces réseaux, indiquent les enquêteurs, aggravent l’insécurité dans le pays en se livrant à la contrebande, au braconnage et à l’exploitation illégale des ressources minières, notamment de l’or.
Les experts de l’ONU indexent en particulier plusieurs officiers, pour la plupart d’anciens rebelles tutsi du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), incorporés dans l’armée après un accord de paix conclu en 2009. « Des officiers, à différents niveaux de la hiérarchie des FARDC, se disputent le contrôle de zones riches en minerais, aux dépens de la population civile », écrivent-ils en se montrant convaincus de l’implication directe des hauts gradés des FARDC dans le trafic des ressources minières. Ils affirment que l’exploitation minière au Kivu, officiellement gelée en septembre dernier, se poursuit. En grande partie sous la supervision d’officiers FARDC.
Selon le rapport, outre des officiers ex-CNDP des FARDC, des généraux au niveau de la 8ème région militaire ( Nord-Kivu) et de l’état-major de la force terrestre, sont activement impliqués dans l’exploitation de la mine de cassitérite de Bisie, l’une des plus productives du Nord-Kivu.
S’appuyant sur ces allégations, les experts de l’ONU décrivent une armée congolaise aux actions « dictées principalement par les intérêts économiques de ses chefs ». Ainsi, selon les experts onusiens, « la création en 2010, dans la région de Walikale (où se trouve la mine de Bisie), de la milice Maï-Maï Cheka procéderait des mobiles mercantilistes dont les commanditaires se recrutent dans la hiérarchie militaire dans le Nord-Kivu ».
Dans ces conditions, s’interrogent les enquêteurs de l’Onu, quel crédit peut-on accorder aux nombreuses initiatives du gouvernement tendant à sécuriser la partie Est de la RDC ?
Apparemment, la paix à l’Est ou les actions menées ça et là pour pacifier cette partie du territoire national sont torpillées part ceux-là mêmes qui devaient en garantir l’efficacité, notamment des militaires des Forces armées de la RDC. Le drame est que ce sont les galonnés et commandants des troupes qui entretiennent le désordre pour faire prospérer leurs affaires.
L’interdiction de l’exploitation artisanale dans les mines de l’Est n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau. Un non événement destiné juste à la consommation extérieure. Or, en décrétant la mesure, le chef de l’Etat avait clairement fustigé la chaîne maffieuse qui se nourrissait de l’exploitation illégale des mines de l’Est. Il s’était indigné de graves ramifications de ce réseau aussi bien dans l’administration que dans les FARDC.
Mais, depuis ce constat – fait par ailleurs à Goma, plaque tournante de ce commerce illégal – personne n’a été sanctionné, surtout dans les rangs des FARDC. Voilà une preuve de l’impunité. Certains citoyens se placent ou sont placés au-dessus de la loi.
Dans ces conditions, l’on ne peut donc pas s’étonner que des groupes armés actifs dans l’Est du Congo, y compris l’armée congolaise, aient réussi à contourner les programmes internationaux pour mettre sur pied des réseaux qui exploitent les ressources minérales du pays.
Le rapport précise que ces groupes armés demeurent actifs en dépit d’efforts visant à les désarmer et à réformer une armée réputée désorganisée et indisciplinée. Le rapport affirme qu’un gang criminel a même été formé au sein de l’armée.
UN DEMENTI QUI NE DEMENT RIEN
Les principales articulations du rapport se fondent sur les informations fournies par l’Onu et des groupes locaux de même que sur les « observations directes faites sur le terrain » par l’équipe. Ces informations auraient été corroborées par au moins trois sources que le groupe d’experts a jugées fiables.
Toutefois, un porte-parole des FARDC basé à l’Est, en l’occurrence le commandant Sylvain Ekenge, s’est interrogé sur la crédibilité de ce rapport. Approché par Reuters, il a déclaré fausses les allégations selon lesquelles d’anciens officiers du CNDP seraient « les vrais décideurs ». Selon lui, les enquêteurs « se présentent comme des experts mais ils se fondent sur des rumeurs ».
Toujours est-il que le Conseil de sécurité de l’Onu a approuvé plusieurs recommandations du rapport, dont une demande d’enquête sur les atteintes aux droits de l’Homme dans l’armée nationale et une autre en faveur de nouvelles directives applicables dans l’industrie minière.
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