Après la défense de son programme en mai dernier, le Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, doit maintenant se frotter au Parlement pour faire passer son projet de budget de l’Etat pour l’exercice 2012. Ne l’a-t-il pas promis le 9 mai 2012 lorsqu’il est allé répondre aux préoccupations des députés nationaux : «Le programme, comme vous avez eu l’occasion de le signaler, est ambitieux et des études approfondies sont en cours pour évaluer son coût dans les plus grands détails. Dans quelques semaines, votre gouvernement sera de retour dans cette salle pour présenter le budget 2012, et à cette occasion, vous aurez le privilège de trouver l’évaluation chiffrée de premières actions figurant dans le programme et prévues dans le très court terme». Au bout du parcours, il a eu gain de cause. Son programme a pu recevoir l’aval de l’Assemblée nationale.
Le Sénat attendait donc son tour pour décrypter à sa manière le programme quinquennal du gouvernement. L’occasion vient de lui être donnée avec l’examen du projet de budget 2012, entamée hier lundi 18 juin.
Pour rattraper son retard par rapport à l’Assemblée nationale, le Sénat n’a pas été du tout tendre avec le gouvernement. Plus qu’un état des lieux de la situation générale du pays, l’allocution de Léon Kengo Wa Dondo avait tout l’air d’un réquisitoire. Il s’agissait pour le président Kengo de ramener le gouvernement sur le droit chemin en lui rappelant ses devoirs, et éventuellement, les efforts à déployer pour relever les ambitieux objectifs de son programme.
Le président du Sénat a accordé une attention particulière sur la situation sociale des fonctionnaires de l'Etat, policiers et militaires, enseignants, médecins et infirmiers ainsi qu'à toutes les couches sociales, lors de l'examen et adoption du projet de budget pour l'exercice 2012.
Dans son discours, Léon Kengo a attiré l'attention des sénateurs sur la nécessité de maintenir partout, au moins pour les dépenses des rémunérations, les niveaux des crédits alloués l'année dernière. «Il y va de l'intérêt de tous et de l'efficacité de l'Etat», a-t-il souligné.
Les points de critique
Le projet de budget de l'Etat 2012 présenté par le gouvernement est de l'ordre de 7 577 milliards de francs congolais en équilibre des recettes et dépenses. Dans un premier temps, le président du Sénat a dénoncé «certains déséquilibres» du fait de l'augmentation sélective des crédits de certains ministères et institutions au détriment d'autres qui subissent ainsi de véritables «coupes sombres».
Mais, c’est sur les sources des recettes inscrites dans le projet de budget 2012 que s’est appesanti davantage Léon Kengo wa Dondo. Par quelle magie le gouvernement pense mobiliser pour l’année 2012 près de 87 milliards USD, s’est-il inquiété. Il a fondé ses appréhensions sur des recettes non reprises dans le projet de budget du gouvernement, lesquelles sont relatives aux secteurs porteurs en pleine croissance que sont les hydrocarbures, les mines et les télécommunications. Leurs revenus n’apparaissent pas dans la rubrique des recettes courantes de l’Etat.
Pour quelle raison le gouvernement a occulté les recettes de ces secteurs ? Bien plus, où sont-elles passées ? Le Sénat attend des réponses claires du gouvernement. Les inquiétudes du président du Sénat ont été, par la suite, relayées par le sénateur Romain Nyimi Tembo qui a trouvé «anormal» que des secteurs aussi importants que ceux des mines, du pétrole et des télécommunications soient laissées à l'abandon.
Comme à l’accoutumée, le gouvernement Matata s’est rabattu sur les mêmes recettes ; celles qui approvisionnent depuis quelques années le budget de l’Etat. Il s’agit, essentiellement, note Kengo, des recettes fiscales de la Direction générale des impôts (DGI), de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) ainsi que celles parafiscales provenant de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD). A ces recettes s’ajoutent des recettes des producteurs pétroliers, du reste maigrement représentées dans le projet transmis, au Parlement.
Le Premier Matata a l’obligation de convaincre. Le Parlement l’attend au tournant pour tester de sa capacité à relever le défi. Mais, apparemment, le Premier ministre ne s’est totalement démarqué de ses prédécesseurs. Comme pour dire : «On prend les mêmes et on recommence». Le problème n’est pas celui d’homme. Il relève plutôt du système, gangrené à fond. C’est ce même système qui est en voie de prendre en otage le chef du gouvernement. Ce qui l’empêche d’innover dans ses choix. Notamment, au travers du premier projet de budget de son quinquennat.
Pour avoir emboîté le pas à ses prédécesseurs, Matata Ponyo commet un nouveau faux pas. Dans la mesure où, le projet de budget 2012 est le reflet de la corruption qui a envahi le système qui a gangrené tous les régimes qui se sont succédé à la tête du pays. Les méthodes décriées dans le passé reviennent au galop. Matata n’a pas pu les contourner et éviter ainsi d’être prisonnier d’une logique de prédation qui mine le fonctionnement de l’Etat congolais depuis des décennies. Et là, on est parti pour la gloire. Aux mesures impopulaires qui se succèdent vient s’ajouter un budget 2012 amputé de recettes importantes. L’addition est salée. Il s’agirait d’une série noire qui a le désavantage de creuser le fossé entre le gouvernement et les gouvernés. Comment, dès lors, le Premier ministre peut-il convaincre la représentation nationale lorsqu’il ne sait pas rassurer sur une question aussi sensible que le budget de l’Etat ? Wait and see.