D’abord, la République démocratique du Congo et le Rwanda ont été renvoyés dos-à-dos par la session extraordinaire du comité interministériel de la conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) en rapport avec la situation sécuritaire à l’Est de la RDC. Pour cette instance sous-régionale, ladite force doit surveiller la frontière commune entre les deux pays. En attendant de percer le mystère sur cette nouvelle mission de paix en RDC, il ne reste que la bonne volonté des gouvernements concernés pour aboutir à une issue heureuse. Ensuite, au 14ème sommet de l’Union africaine, les chefs d’Etat et de gouvernement ont entériné cette proposition sans faire formellement de la question de l’instabilité dans l’Est de la RDC une priorité. Peut-être pourrait-on riposter que la session extraordinaire de la CIRGL tenue à Addis-Abeba, 24 heures auparavant, aurait vidé la question de la substance.
Ce que l’on peut retenir à ce jour, c’est que le Congolais Joseph Kabila et le Rwandais Paul Kagame ont entériné cette proposition visant l’envoi d’une force internationale neutre. Toutefois, ils n’ont pas fourni des indications claires et précises sur la composition, le financement et le commandement de cette force. «Nous avons accepté le principe de demander à d'autres de nous aider, mais les détails (...) seront pour plus tard», a déclaré le président Paul Kagame.
Dans la partie orientale de la RDC, des groupes armés dictent leur loi, semant mort et désolation. Les populations congolaises sont des victimes de cette instabilité aux conséquences humanitaires incalculables. Le gouvernement congolais, puis les experts onusiens ont rapporté des preuves matérielles irréfutables sur l’implication des officiels rwandais de haut rang dans le recrutement, l’entraînement et l’infiltration des combattants rwandais dans les rangs du M23.
Ces accusations sont balayées d’un revers de la main par Kigali qui nie apporter un quelconque soutien au M23. Pour la ministre rwandaise des Affaires étrangères et le président rwandais, il s’agit de l’incapacité des dirigeants congolais à trouver des solutions à leurs problèmes internes. Ce qui donne à penser que la mutinerie du M23 tire ses origines de ces inconséquences de la gouvernance congolaise.
Face à cette escalade, la voie de la sagesse a guidé les membres de la CIRGL. Plutôt que de jeter de l’huile sur le feu, cette structure sous-régionale a opté pour l’apaisement. Les protagonistes sont ainsi invités à travailler la main dans la main pour mettre un terme à l’activisme de nombreuses forces négatives. Déjà, dimanche matin, à l'ouverture du 14ème sommet de l’UA, le président sortant de la Commission de l'UA, Jean Ping, a dit toute la disponibilité de l’organisation continentale. L’UA serait ainsi «disposée à contribuer à la constitution d'une force régionale pour mettre un terme définitif aux agissements des groupes armés».
L’option levée par le gouvernement congolais a donc triomphé : «Nous avons choisi de ne pas déclarer la guerre contre le Rwanda, mais de nous défendre et de mettre fin à cette agression avec les moyens les moins coûteux, surtout en vies humaines», a indiqué le ministre des Médias Lambert Mende, porte-parole du gouvernement. Tout en défendant des positions militaires sur le terrain, la RDC a pris l’option de régler définitivement l’instabilité sur les fronts politique et diplomatique. Cette sage option tient compte des souffrances imposées aux paisibles Congolais contraints à l’errance pour fuir les affres de la guerre.
«Aucune rébellion ne tient, si elle ne dispose pas de bases arrières», avait déclaré le Premier ministre Matata. Désormais, tout va devenir clair sur le M23. Tous les mouvements des hommes et des armes seront contrôlés par cette force internationale neutre. Le M23 devra compter sur le stock d’armes et des munitions qu’il détient à ce jour. Couper de ses sources d’approvisionnement, les experts militaires sont d’avis que l’aventure tournera court.
LES DESSOUS
L’optimisme béat doit être tempéré dans la mesure où, le président Kagame qui parle aux médias de cette force internationale ne donne pas de garanties de son effectivité. C’est là toute la question. D’où viendrait le financement, Paul Kagame ne pipe mot. Les combattants, qui constitueront cette force neutre, viendraient de quels pays ? Tous les pays de la sous-région seront-ils invités à y incorporer des militaires, y compris le Rwanda et la RDC ? Toutes ces interrogations n’ont pas encore reçu de réponses rassurantes.
En cette période difficile sur le plan financier, il serait utopique de croire que les bailleurs des fonds s’empresseraient de mettre la main à la poche pour le financement de cette force neutre alors que la Monusco coûte déjà 1 million USD par jour et cela depuis plus de dix ans. L’Union africaine, qui promet son soutien, dispose-t-elle d’un budget pour ce faire ? Difficile de répondre par l’affirmative. Toutefois, l’initiative est encourageante. C’est sa faisabilité qui bute sur une réalité, à savoir les Etats de la sous-région sont confrontés aux difficultés internes tellement cruciales que leurs finances s’en ressentent. Seul un sursaut des partenaires traditionnels pourrait aider à surmonter l’écueil du financement.
Quant à la composition de cette force, la diplomatie pourrait trouver la formule appropriée dans le but d’impliquer tout le monde sans empiéter sur la souveraineté de la RDC, principale victime de forces négatives qui écument dans les Grands Lacs. Visiblement, personne n’envisage une opération militaire conjointe bis, mais une opération neutre chargée de contribuer à la consolidation de la confiance entre Etats voisins. Jusque-là, la phase opératoire n’est pas cernée. D’où, l’accord d’Addis-Abeba garde tout son mystère. A moins de donner lieu à de nouvelles tractations.