Au dernier comptage, intervenu au sortir du week-end, l’on signale la présence de plus de 200 familles rwandaises dans la petite localité de Chengerero, à la frontière entre la République Démocratique du Congo, l’Ouganda et le Rwanda. Quand on connaît la mentalité nataliste rwandaise, l’on peut se permettre de multiplier les 200 familles par dix et s’autoriser d’affirmer que le M23 vient d’ « importer » environ 2.000 nouveaux citoyens rwandais pour les terres congolaises de Rutshuru.
Intimidées par les armes et les uniformes des rebelles, les autorités administratives et coutumières de ce territoire assistent, impuissantes, à cette immigration massive et irrégulière que le M23 explique comme une vague de retour des Tutsi congolais chez eux, après un long séjour à l’étranger (Ouganda, Rwanda, Tanzanie, Burundi), suite à l’insécurité récurrente provoquée par les guerres à répétition au Nord-Kivu.
Cohésion et réconciliation nationales à deux vitesses
Aux Concertations nationales, les « initiés » ont beaucoup parlé de la cohésion nationale sans en poser le moindre jalon. Car, les gestes attendus dans le sens de la décrispation du climat politique, notamment la libération des prisonniers d’opinions, la libéralisation des activités politiques, la levée des mesures de suspension à durée indéterminée frappant plusieurs médias, la participation des représentants des « forces négatives » actives à l’Est, la résolution consensuelle de la crise de légitimité au sommet de l’Etat, sont demeurés des vœux pieux.
En lieu et place de la cohésion et de la réconciliation nationale, les Congolais se retrouvent devant des agendas cachés en chantier concomitamment à Kinshasa et à Kampala. Au Palais du peuple, l’on croit qu’il suffira d’intégrer quelques membres de l’Opposition et de la Société Civile dans un gouvernement de large ouverture nationale ou de leur offrir des postes de gestion dans les entreprises du portefeuille, de les coopter dans des institutions de la République, d’accorder des mesures de grâce à quelques individus, bref de permettre la participation des aigris politiques au partage du « gâteau national »… pour obtenir la cohésion et la réconciliation nationales.
Côté rebelles du M23, une autre lecture est faite de la cohésion et de la réconciliation nationale. A Rutshuru, elle est en train de se traduire par le retour au « pays natal » des communautés rwandaises portant le cachet des Tutsi congolais. Dans ce même registre, cette force négative attend des négociations de Kampala, une loi d’amnistie en faveur de ses membres, des réparations financières pour leurs biens présumés spoliés, des mesures de rapatriement et de réinsertion des milliers d’autres réfugiés encore en séjour en Ouganda, au Rwanda et au Burundi, la co-administration de la province du Nord-Kivu, une gestion consensuelle de l’armée, de la police, des services de renseignements, des ressources nationales, le renvoi des rebelles des FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) dans leur pays d’origine, etc.
Distraction au Palais du Peuple
Aucune des cinq thématiques retenues pour les Concertations nationales n’a réservé la moindre ligne à la guerre de l’Est. Pendant presque un mois, les « Concertateurs » ont adopté une attitude de nature à faire croire que la question sécuritaire du Nord-Kivu a déjà trouvé solution. C’est la distraction orchestrée autour de la succession au Premier ministre Matata qui permet présentement au M23 de transplanter, en douceur et avec toutes les facilités du monde, des populations rwandaises dans le territoire de Rutshuru, toujours sous son contrôle militaire et administratif depuis mai 2012.
Avec cette nouvelle option, un nouvel Etat est en gestation, avec faux citoyens congolais prêts à négocier ou, à défaut, obtenir par la force, leur autonomie vis-à-vis du pouvoir en place à Kinshasa. La balkanisation du Congo, ce n’est plus une vue de l’esprit. Elle est en train de se traduire en réalité avec l’émergence de la Républiquette du M23, dont les dignitaires sont reconnus à la fois par les autorités congolaises et les décideurs de la communauté internationale, à travers les pourparlers de Kampala. Aujourd’hui, ils se réclament encore Congolais. Sait-on quelle nationalité ils vont revendiquer demain, avec un micro-Etat à eux ?
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