Après la mort de Tabu Ley le 30 novembre 2013, la musique congolaise est de nouveau frappée par la disparition de King Kester Emeneya. Avec cette énième triste nouvelle, il y a lieu de constater qu’en RDC, l’art d’Orphée se vide de ses talents.
Le chanteur King Kester Emeneya, de son vrai nom Jean Emeneya Mubiala Nkwamambu, est décédé hier jeudi 13 février à 5h30’ à l’hôpital Marie Lannelongue en région parisienne à l’âge de 57 ans. A en croire Radio Okapi, le patron du groupe musical «Victoria Eleïson » était admis depuis novembre 2013 à l’hôpital français Marie Lannelongue pour des problèmes de cœur.
Kester Emeneya avait été secoué par la nouvelle de la disparition de Tabu Ley, cette icône de la musique congolaise qui était aussi son modèle. «King Kester a été retenu à l’hôpital par le staff médical depuis la disparition de Tabu Ley [le 30 novembre 2013]. King Kester n’allait pas bien ? Il avait reçu un choc en apprenant cette nouvelle qui l’avait perturbé. Nous étions ensuite nourris d’espoir de le voir récupérer sa santé mais il y a cette dégradation. Et aujourd’hui, c’est confirmé : Kester n’est plus », témoigne Rouf Mbutanganga, un journaliste très lié au disparu.
DES TEMOIGNAGES FUSENT DE PARTOUT
Comme dans les pareilles circonstances, les réactions fusent de partout. C’est le cas de Papa Wemba et Souzy Kasseya dont les témoignages n’ont pas tardé à venir. «Il faisait la pluie et le beau temps. Il a marqué le groupe de son professionnalisme. Il a façonné le répertoire du groupe. On a vécu ensemble, on a fait presque les cents coups ensemble, même s’il était un petit-frère. Paix à son âme. Il a beaucoup souffert de cette maladie. Je crois vraiment qu’il était temps qu’il aille se reposer auprès de l’Eternel », a témoigné le patron de l’orchestre «Viva la Musica », Shungu Wembadio, dit Papa Wemba. Joignant son mot à celui de son prédécesseur, Souzy Kasseya lance : « Que le panthéon, ce temple consacré aux hommes rares et émérites par leurs talents te réserve une place de choix. Paix à ton âme, jeune frère King. Ah ! Nos mémorables souvenirs de Libreville… ». « Maître, professeur des nuances et des notes, repose en paix », déclare avec émotion l’artiste congolais Koffi Olomidé, joint par Jeune Afrique entre deux répétitions. « Il aimait les belles mélodies, les nuances et ne supportait pas que quelqu’un chante faux », confie Koffi Olomidé, son « jumeau » de cœur. « L’intellectuel de la chanson », comme son ami le surnommait affectueusement, chantait « juste et vrai ». Amateur de beaux vêtements et de belles voitures, Emeneya incarnait aussi une figure de la sape congolaise. « C’est une perte immense pour la musique congolaise », déclare Koffi Olomidé.
Bien avant, la rumeur sur la mort de King Kester a fait le tour de la toile depuis un certain temps. Certaines personnes mal intentionnées, se sont donné un plaisir malsain de spéculer sur la santé de l’artiste congolais, allant jusqu’à annoncer, pince-sans-rire, son décès. Grâce au démenti de Tyty Levallois, ami et frère de Kester Emeneya, la rumeur donnant le musicien pour mort a pris d’autres proportions, surtout en l’absence d’un démenti de ses proches, au risque que Didi Kinuani s’est vu contraint de monter d’urgence dans un avion pour aller au chevet de son ami et frère.
Jean Emeneya Mubiala Nkwamambu, alias King Kester, est né le 23 novembre 1956 à Kikwit, dans la province du Bandundu. Il a laissé la veuve Florence Mbadu et cinq orphélins. Découvert par l’Afrique entière grâce au retentissant succès de son disque «Nzinzi » de 1987, celui qu’on appelait alors Jo Kester, Emeneya Mubiala à l’état-civil, était alors l’une des valeurs les plus sûres de la musique congolaise.
C’est en 1977 qu’il a fait véritablement ses premiers pas dans un orchestre professionnel, « Viva la Musica » de Papa Wemba. Ce talentueux chanteur va en tout passer 5 ans de formation chez Papa Wemba. C’est en 1982 qu’il va se retirer de cet ensemble musical, entraînant dans son sillage une dizaine de ses anciens compères. Il prend une direction personnelle en s’affublant du surnom de King Kester et fonde son orchestre « Victoria Eleïson » le 24 décembre 1982.
DES MERITES
De tout ce qui précède, des observateurs sont quasi-unanimes à reconnaître certains mérites à King Kester : une révolution dans l’instrumentation de la rumba, en particulier, et la musique congolaise, en général. Ce, avec la réintroduction des cuivres de l’époque des Grand Kallé, Rochereau, Franco et autres précurseurs ; l’introduction des synthétiseurs et ordinateurs dans cette musique dont le charme reposait jusque-là sur l’acoustique ; et son ouverture vers d’autres rythmes comme le rock-n-roll.
Pendant sa carrière, King Kester Emeneya reçoit de nombreux Prix, sur les plans international et national dont six fois successivement le Prix de vedette de l’année au Congo de 1983 à 1989. Il est un modèle pour la nouvelle génération de musiciens congolais, dont ses jeunes frères Werrason et JB Mpiana qui se sont servi de ses chansons et de son rythme musical pour créer le groupe Wenge Musica. Co-fondateur de la « sape » au Congo, on lui doit aujourd’hui la renommée de Masatomo et Giani Versace en Afrique.
Artiste de renommée internationale, Emeneya s’est produit dans les cinq continents.
Lors de ses productions en Europe en 2001, il s’était également produit à l’Olympia et au Zénith de Paris pour la deuxième fois. Une autre production avait eu lieu en Suisse devant plus de 12 000 personnes. Ce qui fut une première pour un artiste africain dans ce pays. Son plus grand événement en République démocratique du Congo fut son concert au Stade des Martyrs de Kinshasa en 1997, lors de son retour au pays après 7 ans d’absence devant plus de 60.000 personnes. Il fut le premier musicien congolais à réaliser cet exploit.
Avec plus de 400 chansons dans sa carrière, King Kester Emeneya a été reçu plusieurs fois par le président Mobutu Sese Seko, à 3 reprises par le président Laurent-Désiré Kabila et deux fois par le président Joseph Kabila. L’honneur lui avait été accordé par le président Mobutu d’agrémenter la soirée de la visite du président français François Mitterrand au Palais du peuple de Kinshasa.
C’est par cette note de mérites que la Rédaction du journal Le Potentiel présente ses condoléances à la famille biologique de l’illustre disparu, en particulier et, à celle de la musique congolaise, en général.