« Il faut que le parlement ait le courage de dénoncer la corruption. Il faut des agents indépendants pour agir contre la corruption, la création d’une juridiction indépendante pour combattre la corruption », a réclamé José Mbu de la société civile.
Il s’est également insurgé contre « le silence du peuple congolais face à ce fléau », dans un exposé le week-end dernier lors d’une tribune sur « La question de la corruption en RDC : défis, enjeux et perspectives de développement durable » organisée à Kinshasa par l’Institut des stratégies pour le développement durable (ISDD) en collaboration avec la fondation Hans Seidel (F.H.S).
En fait, a renchéri le député Jean-Lucien Busa du Mouvement de libération du Congo (MLC, opposition), « la corruption affecte l’économie et le développement social, surtout quand elle atteint les élites et les acteurs politiques ».
« Pour remédier à cette situation, la solution serait de respecter la Constitution et de laisser les Cours et Tribunaux faire leur travail sans interposition politique », a-t-il recommandé.
La conférence-débat visait à « permettre au peuple congolais d’avoir une compréhension extensive de la corruption et de ses conséquences, d’élaborer les mécanismes de décryptage des manifestations objectives de corruption et des moyens appropriés de lutte ainsi que de dégager les grandes lignes de la stratégie nationale de lutte contre la corruption en ayant connaissance du cadre légal et institutionnel ».
« Commencer par le haut » pour combattre la corruption
Dans sons dernier rapport sur l’indice de perception de la corruption pour l’année 2013 publié en décembre dernier, l’ONG Transparency international avait classé la RDC à la 154ème position sur 177 pays. Le pays gagne 6 places par rapport au classement 2012.
A l’occasion de la Journée mondiale des Nations unies de lutte contre la corruption, le Comité de lutte contre la corruption au Maniema avait affirmé en décembre dernier que « la corruption est à la base de la pauvreté qui mine la RDC, ce fléau entrave ainsi le développement de ce pays ».
« Lorsque nous voulons combattre la corruption, il faut commencer par le haut. Il faut promouvoir la bonne gouvernance, punir les auteurs de corruption et faire preuve d’une volonté politique solide pour combattre la corruption. La punition, c’est le monopole de la justice. Il faut que la justice ait les moyens nécessaires de sa politique », avait soutenu son président, Raphael Upelele.
Conscients de la gravité de la situation, les secteurs public et privé ainsi que la Société civile avaient alors signé le 9 décembre 2013 un Pacte national anti-corruption, en présence du Premier ministre Augustin Matata Ponyo et de toute l’équipe gouvernementale de la RDC.
« Ce Pacte constitue un instrument majeur pour éradiquer la corruption au pays. Par le Pacte national anti-corruption, les signataires s’engagent à s’abstenir de toute forme de corruption et à inculquer à leurs organisations respectives une culture des valeurs positives. Les signataires de ce pacte ont convenu à agir de manière exemplaire en respectant l’intégrité, la transparence et la bonne gouvernance », avait expliqué à la presse la présidente de l’Initiative anti-corruption pour le secteur privé, Marie-Chantal Kaninda,
Elle avait souligné que « ce Pacte est une détermination à éduquer la population afin d’éradiquer ce fléau ». Et, d’ajouter : « Nous voulons vraiment voir la corruption être totalement être éradiquée dans ce pays ».
« Il y a des actes, dans notre culture, qui relèvent de la corruption mais que les gens trouvent normal. La corruption ne concerne pas que les autorités, mais aussi la base », avait relevé à son tour la ministre de la Justice, Wivine Mbumba. Dans son entendement, « la lutte contre ce fléau doit concerner toutes les couches sociales, la population congolaise doit éviter les pratiques de corruption ».
La corruption coûterait entre 400 et 800 millions USD à la RDC
L’ONG Transparency international, qui avait placé en 2012 la RDC au 168ème rang sur 182 des pays les plus corrompus de la planète avec un score de 2 sur 10 sur l’échelle de perception de la corruption, avait indiqué que « la corruption coûterait entre 400 et 800 millions de dollars à la RDC ».
« Le manque de volonté politique au plus haut niveau de l’Etat serait à la base de l’aggravation de la corruption en RDC, malgré les différents dispositifs de lutte contre cela », avait rapporté l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.
Il avait noté qu’« en RDC, les surcoûts associés à la corruption se chiffrent entre 30 à 40% de la valeur de la transaction, alors qu’ils ne sont que de 10 à 30% dans le reste de l’Afrique ; dans le pays, 90% de l’économie est dite +informelle+ et seulement 400.000 comptes bancaires sont ouverts, pour pratiquement 70 millions d’habitants ».
« La corruption est inscrite dans les mœurs du Congo et touche toutes les strates de la société. Les chauffeurs de taxi payent régulièrement différentes +taxes+, +droits de passages+ ou +pourboires+ aux forces de sécurité congolaises. Ces pertes peuvent aller jusqu’à 60% de revenus moyens des chauffeurs de taxi », selon l’économiste congolais Oasis Kodila Tedika.
Il estimait, au niveau de l’Etat, que « 55% de recettes échappent au Trésor congolais à cause de la fraude fiscale liée à la corruption, le manque à gagner serait estimé à 800 millions de dollars, soit environ 12% du PIB du pays ».
Entraves à la bonne gouvernance
En ce qui le concerne, le gouverneur Jean Bamanisa de la province Orientale a toujours averti que « la corruption constitue la principale menace qui plane sur la bonne gouvernance, le développement économique durable, le processus démocratique et la loyauté des pratiques commerciales ».
A son avis, « notre pays ne sera pas dans une ligne de progression si la monnaie n’est pas stable, si sa population n’a pas accès à l’instruction, si la bonne gouvernance n’est pas effective, si le crédit bancaire est inaccessible, si sa justice n’est pas fiable, si son administration n’est pas efficace, juste, et exempte des pratiques de corruption ».
« Je ne voudrais pas faire un bilan, mais il est un constat amer qui rentre finalement dans les habitudes, notamment d’accepter des formes de corruption, d’achat de conscience au sein de nos administrations, de notre justice, et dans le chef de nos gouvernants. Je voudrais parler ici principalement du milieu d’affaires, donc du monde du commerce, de l’industrie et d’autres secteurs face à l’administration et à la justice et même dans son propre milieu.
« La corruption constitue la principale menace qui plane sur la bonne gouvernance, le développement économique durable, le processus démocratique et la loyauté des pratiques commerciales », avait déclaré Jean Bamanisa lors d’une réunion avec le Full Gospel.
Il avait fait remarquer que le système congolais « sera prisonnier de la mauvaise gouvernance caractérisée par la corruption » tant que :
-il sera accepté que, suivant nos coutumes, il faut toujours remercier avec des cadeaux, qu’il faut que celui qui a des moyens subvienne aux besoins du plus démunis ;
- l’Etat, sachant que les taxes sont trop nombreuses et qu’elles ne produisent pas autant de recettes au Trésor, qui ne semble recouvrir que les 1/3 mais ne reforme rien;
- l’Etat sait que payer toutes les taxes et redevances et en plus 40 % sur le bénéfice n’est pas financièrement soutenable à une entreprise. Des études ont démontré qu’une entreprise qui paye régulièrement toutes les taxes, disparaît dans sa 2ème année de vie ;
- l’Etat, par ses décideurs les plus importants, sait que des mandataires se payent sur le dos du contribuable mais se tait ou soutient ;
-tant que la justice, pilier de la démocratie et du développement, sera sous le contrôle des groupes d’influences politiques ou financiers, et que cette justice ne garantira pas aux citoyens de toutes catégories de jouir de la protection de la loi;
-l’Administration avec ses hommes ne sera pas assainie, que les procédures de fonctionnement et les performances attendues ne seront pas transparentes.