Après le cuivre, le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbii revient à la charge en interdisant la sortie de sa province des minerais de cobalt non traités. La décision ne fait certainement pas l'unanimité au niveau de la corporation minière, exerçant dans la province du Katanga. Comme, avec le cuivre, il y a quelques temps, Moise Katumbi oblige maintenant tout opérateur minier exploitant ce minerai de se doter d'un concentrateur. Le débat est lancé. Et la bataille sera certainement rude pour autant qu'il s'agit d'une affaire de gros sous.
Plus question d'exporter du cobalt brut de la province du Katanga. La décision, rendue publique mercredi depuis Lubumbashi, est du gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe. Selon Radio Okapi, qui rapporte l'information, celui-ci reproche aux sociétés minières de la place, notamment d'«exporter même les minerais bruts interdits et de piller les richesses de la province ». Par extension, celles de la République démocratique du Congo.
Pour le gouverneur du Katanga, cité par Radio Okapi, les entreprises minières devraient désormais implanter des concentrateurs sur place et arriver à exporter les produits finis dans la perspective de donner une valeur ajoutée aux minerais qui sortent de la province. Décision qui découle de nombreux abus. « Il y a des gens qui ont des permis d'exportation du concentré, mais n'ont pas de concentrateur. A la place, des broyeurs. Donc, ils ne font que piller nos richesses », a déclaré Moïse Katumbi.
D'après le gouverneur du Katanga, une année avait été accordée aux entreprises concernées pour qu'elles construisent des usines métallurgiques.
LA RECIDIVE
Ce n'est la première fois que le gouverneur du Katanga s'attaque au puissant lobby qui opère dans les mines congolaises, spécifiquement dans les grandes réserves cuprifères et cobaltifères du Katanga. Il y a de cela quelques mois, le gouverneur de la pProvince du Katanga, Moïse Katumbi, avait vivement secoué le cocotier minier, exigeant des exploitants du cuivre, basés au Katanga, le traitement jusqu'au produit dérivé des minerais de cuivre, sous réserve d'interdiction d'exportation. La décision avait, en son temps, suscité un tollé général, suscitant une véritable panique, non seulement en RDC, mais surtout dans les grandes boursières du monde où sont cotées la plupart des entreprises minières présentes en RDC.
Mais, c'est surtout en Zambie qu'on a ressenti l'onde de choc de la mesure d'interdiction de toute exportation du cuivre à l'état brut. Car, il faut dire que la plupart des usines de traitement des minerais du cuivre ou des concentrés de cuivre extraits en RDC sont basées en Zambie. Lusaka n'a pas donc gardé silence face à ce qui apparaissait pour elle comme une condamnation à mort de ses usines métallurgiques du cuivre.
Cependant, avec la nouvelle mesure d'interdiction d'exportation du cobalt à l'état bruit, le gouverneur du Katanga vient de rouvrir un autre front. Alors que la premier ouvert depuis Kinshasa avec la commission de revisitation n'a pas encore révélé tout son secret.
Des observateurs avertis du secteur minier congolais sont de cet avis. Déjà, dans la capitale cuprifère, la panique est générale même si, jusque-là aucun écho défavorable n'a été entendu des bourses occidentales. Autant dire qu'on est encore dans l'expectative. Difficile de prédire avec certitude ce qui pourra se passer dans les jours qui viennent au regard de grands enjeux dans le secteur minier.
Pour illustration, avec le seul minerai de cobalt, la RDC représente à elle seule près de 36% des réserves mondiales prouvées de ce minerai.
SILENCE A KINSHASA
A Kinshasa, aucune réaction n'a encore été enregistrée au lendemain de la décision du gouverneur du Katanga. En a-t-il les prérogatives, commente-t-on dans les milieux spécialisés ? Toujours est-il que beaucoup de ceux qui opèrent dans le secteur minier reconnaissent que le gouverneur est dans ses droits de remettre de l'ordre dans le secteur minier de sa province. Surtout que l'on sait dans l'une de nos précédentes livraisons, allusion avait été faite à des « milliards de dollars US qui échappaient au gouvernement central par an avec cette exportation des produits bruts ». Pour le cuivre par exemple qui a comme dérivé le Nickel, la perte est estimée en millions de dollars USD par an pour la seule province du Katanga. La décision courageuse du gouverneur de la province du Katanga pourrait permettre à l'Etat congolais de maîtriser ce qui lui échappait. Mais, c'est plus l'attitude qu'adoptera Kinshasa que dépendra la suite des événements.
Car déjà, révèle Radio Okapi, des experts venus de Londres ? recrutés certainement par le gouvernorat du Katanga - vont descendre sur terrain à partir de lundi prochain pour voir celles des entreprises minières qui auront construit des usines de traitement de cobalt, selon les nouvelles instructions du gouvernorat. A en croire toujours Radio Okapi, des certificats devraient être remis à celles qui auront rempli cette condition pour leur permettre de poursuivre leurs exportations.
L'on devrait s'attendre dans les prochains jours à une vraie bataille juridique autour de cette décision, entre l'Etat congolais, représenté en province dans les mines par les gouverneurs de provinces, et différents opérateurs miniers, mis en cause dans la décision de Moïse Katumbi. Que l'on se souvienne de toute la man?uvre observée à la suite de la mesure d'interdiction de toute exportation de brut de cuivre. Pas du tout surprenant que l'on assiste dans un avenir proche à un véritable combat de « coqs ». En pareils cas, c'est le Code minier qui servira d'arme de dissuasion. Car, de l'avis du gouverneur du Katanga, des entreprises minières exploitant ont inscrit dans leur cahier des charges la construction d'un concentrateur pour la traitement du cobalt sans qu'il en soit ainsi sur le terrain.
Il se trouve, souvent, selon le cas d'espèce, que l'Etat congolais ait été floué. Autant le rétablir vite dans ses droits. D'où, la raison de cette mesure d'interdiction qui est une belle manière, pense-t-on, de faire respecter l'Etat congolais dans un secteur où l'anarchie se côtoie merveilleusement avec l'arbitrage.
Le cobalt est co-produit de l'extraction du cuivre en République démocratique du Congo et en Zambie, pour 38 % de la production mondiale, et co-produit de l'extraction de nickel (Russie, Canada et Australie, pour 39 % de la production mondiale.
La production du cobalt de la République démocratique du Congo provient principalement de la province du Katanga où les taillings (rejets miniers) des anciennes exploitations de la Gecamines renferment des quantités importantes de cobalt. C'est le cas du projet de traitement de rejets de Musonoi à Kolwezi par First Quantum Minerals qui envisage de traiter, pendant 50 ans, 112,8 millions de tonnes de minerai renfermant 1,49 % de cuivre et 0,32 % de cobalt, soit un total de 1,68 million de tonnes de cuivre et 360.000 tonnes de cobalt, avec une production annuelle de 32.000 tonnes de cuivre et 5.900 t de cobalt. Ce qui en fait l'un des plus importants gisements de cobalt dans le monde. La production actuelle est assurée, en partie, par de nombreuses exploitations artisanales, qui exportent, en grande partie illégalement, leur production. Il y a donc une très faible production métallurgique en RDC.
Raison sans doute de l'irritation du gouverneur du Katanga qui ne comprend pas que, six ans après la promulgation du Code minier, la RDC ne soit toujours pas en mesure de se doter, dans son territoire, de grandes unités de concentration de cobalt.
A ce jour, au Katanga, seule l'entreprise Boss Mining traite dans ses usines de Luila les minerais de cobalt pour en extraire le concentré de cobalt sous forme de carbonate de cobalt. L'entreprise Katanga Mining, née de la fusion Katanga Mining Ltd et DRC Copper and Cobalt project (DCP), ambitionne dans ses installations de Kolwezi de relancer la production congolaise de cobalt.