Vêtu en costume gris et cravate rayée coloriée en bleu ciel, Jean-Pierre Bemba Gombo, leader du Mouvement de Libération du Congo, ex-Vice-Président et candidat malheureux de la présidentielle 2006, comparaissait ce lundi, à la Haye, au Pays-Bas, devant trois juges de la Cour Pénale Internationale. Les audiences de confirmation des charges iront jusqu’à jeudi, avant d’ouvrir la voie à l’âpre exercice de soixante jours, pour les trois juges, d’apprécier la teneur de cinq chefs de crimes de guerre et trois chefs de crimes contre l’humanité, en vue d’un procès. La défense, elle, parle d’un non-lieu. Les victimes aspirent à leurs droits à la justice. A 46 ans, le fils de Jeannot Bemba, n’aurait jamais cru qu’il passerait plusieurs jours, voire des années, à être entendu, pour des faits dont il n’est pas directement auteur. Bemba Jean-Pierre, 1,90 m de taille, était pourtant hier, devant ses juges, trois au total, à la Haye, au Pays-Bas. Depuis son arrestation, le 24 mai 2008, dans sa résidence de Rhode-saint-genèse, l’une des banlieues huppées de Bruxelles, c’est la deuxième fois qu’il comparait. La première, c’était uniquement pour l’identification. Et, ce lundi 12 janvier, c’est la deuxième fois. Il en a jusqu’à jeudi devant les trois juges, avant qu’il ne soit fixé sur son sort. Si oui ou non, un procès sera ouvert à son encontre. Les audiences de confirmation des charges ainsi ouvertes permettent au Procureur de la Cour Pénale Internationale qui aurait déjà compulsé un dossier de 10.000 pages de pièces à conviction, pour asseoir la culpabilité de Bemba, dans une affaire qui, en réalité, n’aurait pas de sens, si ses troupes dépêchées en mission, entre octobre 2002 et mars 2003, en République Centrafricaine à la rescousse de l’ex-Président Ange-Félix Patassé, n’y avaient pas commis d’actes jugés criminels par Luis Moreno Ocampo. Quand bien même il n’aurait pas été dans la chaîne de commandement lors de la commission de ces crimes, le Procureur de la CPI s’obstine à croire que c’est sur Bemba et non sur quelqu’un d’autre, que doit peser la responsabilité de ces actes. Pour l’essentiel, Luis Moreno Ocampo retient cinq crimes de guerre et trois crimes contre l’humanité. Endéans soixante jours, à compter de ce jeudi, après les audiences de confirmation des charges, les trois juges, siégeant en vertu de la compétence de leur Chambre préliminaire, ont la latitude d’examiner, à fond, ce dossier en vue de confirmer et/ou d’infirmer le procès contre Jean-Pierre Bemba. Hier, en effet, le Procureur Fatou Bensouda, devant un Bemba serein et mâchouillant sans cesse, est revenu sur la gravité des faits. « Jean-Pierre Bemba voulait traumatiser et terroriser la population afin de la décourager de soutenir les rebelles. Il a utilisé les viols comme arme de guerre, les viols des mères en présence de leurs enfants et d’enfants devant leurs parents forcés à regarder », a-t-il accusé, pour entraîner les juges, dans ses convictions suicidaires contre Bemba. Alors que Patassé et Bozizé fument le calumet de la paix en Centrafrique et circulent librement, Bemba, le mari de Lilia Texeira, du nom de son père, un portugais, serait sur le point de payer les pots cassés. Ses avocats plaident tout simplement non coupable et parlent d’un non-lieu. Le Mouvement de Libération du Congo, son propre parti politique, clame son innocence et dénonce la politisation de la Cour Pénale Internationale. Les victimes dont une représentante a été autorisée à participer à la procédure aspirent, quant à elles, à la reconnaissance de leurs droits à la justice et à la vérité. Ce procès se veut long. Tant, ses contours sont flous et complexes. D’une manière générale, l’on ne saurait pas l’épuiser, sans un jour entendre Ange-Félix Patassé et François Bozize, un ex-rebelle devenu Président Centrafricain. Les uns et autres ont une part de vérité à brandir, dans cette affaire qui ne fait que commencer. Les uns, pour avoir été au pouvoir, au moment de l’arrivée des troupes du Mlc. Et, les autres, pour avoir été dans la rébellion, au même moment. Ce procès est donc un procès à multiples rebondissements. Luis Moreno Ocampo saura-t-il attraper toutes les personnalités inscrites, dans sa petite liste noire ? L’histoire sera longue mais pas populaire.