Après la confirmation des charges retenues contre lui par les juges, Jean-Pierre Bemba paraît ne plus pouvoir contourner la perspective douverture de son procès à la Cour Pénale Internationale (CPI). Deux scénarii sont désormais possibles : soit sa lourde condamnation à au moins 30 ans, soit son acquittement pur et simple. Et, dans les annales de La Haye, lon a déjà enregistré pareil cas avec lancien président de Serbie, Milan Milutinovic, remis en liberté il y a quelques semaines, après quun jugement du tribunal pénal international par lex-Yougoslavie eut reconnu sa non implication dans les crimes de guerre et crimes contre lhumanité mis à sa charge.
Même si son cas nest pas totalement désespéré, Jean-Pierre Bemba nen court pas moins le risque, à 46 ans, dêtre doublement frappé dans lhypothèse dune condamnation, par la perte de ses droits civils et politiques. Un verdict allant dans le sens dun emprisonnement de plus de 30 ans ou perpétuité signerait sa mort politique. Cest précisément la décapitation brutale du MLC qui fait frémir cadres et militants de ce parti. La question qui reste brûlante sur toutes les lèvres est celle de savoir si cet ex-mouvement rebelle est suffisamment solide pour survivre à son leader charismatique.
Terrible challenge pour F. Muamba, Luhaka, Makila, Sessanga, Mpeti, Alex Kande
Jusquici, la barque du Mouvement de Libération du Congo est tenue par François Muamba, son Secrétaire Général. En août 2008, à loccasion de la fête de son dixième anniversaire de naissance, il avait réussi une belle démonstration de force à la Fikin, où il avait attiré des dizaines de milliers de ses cadres et militants. Tout récemment, le MLC a encore soulevé des foules à Kananga et Mbuji-Mayi, dans la foulée de la tournée du même haut cadre, assisté plusieurs de ses collaborateurs, dont lobjectif était dévaluer à mi-mandat le travail des animateurs des institutions de la République.
A travers le feed-back négatif enregistré auprès du souverain primaire, qui a déploré le gaspillage de ses voix en 2006, au profit délus préoccupés plus par leur enrichissement personnel que par le sort du grand nombre, le MLC a cru comprendre quil avait un défi à relever, celui de se battre pour gagner les scrutins locaux de 2009 et nationaux de 2010 pour gérer autrement le pays à la fin de législature en cours. Mais, pour gagner un tel challenge, limpression de lheure est que lombre de Jean-Pierre Bemba est inévitable. Le « Chairman » est si présent dans les esprits que pour daucuns, sa condamnation à la CPI serait un coup dur aux conséquences difficiles à imaginer.
Remous entre « héritiers »
Entre 2004 et 2007, le Mouvement de Libération du Congo avait connu aussi sa vague de défections, liée essentiellement à des conflits dintérêts ou dhumeurs entre lancien Vice-président Jean-Pierre Bemba et certains de ses compagnons de lutte dans le maquis. On avait alors assisté à des départs massifs des cadres vers dautres cieux, notamment Antoine Ghonda, Thambwe Mwamba, Lunda Bululu, José Endundo, Olivier Kamitatu, feu Kisombe Kiaku Muisi. Quant à Yves Kisombe, il avait été exclu du parti pour non respect des consignes.
On noubliera pas de sitôt les remous soulevés par la dernière restructuration du Parti, en marge des festivités du 10me anniversaire. Lon a vu notamment Sessanga et José Makila tenir des propos et poser des actes de nature à faire croire à leur désaccord avec ce quils considéraient comme le conservatisme et le déficit de débat démocratique au sein de leur parti. Il a fallu beaucoup de sagesse et de diplomatie à François Muamba pour ne pas provoquer une nouvelle vague de départs.
Dix mois après, les fissures paraissent avoir été réparées. Jean-Pierre Bemba, qui continue de gérer le MLC à partir de sa cellule de La Haye, ne serait pas étranger à lharmonie retrouvée.
Parti national ou provincial ?
Le Mouvement de Libération du Congo va être contraint, vraisemblablement, à affronter les élections urbaines, municipales et locales de 2010 sans son leader et fondateur, de même que la présidentielle et les législatives de 2011. Cest lors de ces scrutins, pense-t-on, que chacun serait fixé sur le caractère national ou provincial du parti. Si les velléités dindépendance qui se sont manifestées en août 2008 refont surface, lon assistera à une dispersion des voix telles que le MLC perdra son assise nationale pour nêtre plus quun conglomérat de leaders provinciaux se battant chacun pour sa survie politique et son émancipation. Quon se souvienne de laprès-Ngunz à lUferi, de laprès- Mobutu au MPR, de laprès Kibassa au sein de son aile dissidente de lUDPS, de laprès-Lumumba au MNC, de laprès- Kasa Vubu à lAbako, de laprès-Tshombe à la Conakat, etc. En RDC, les partis politiques ont du mal à survivre à leurs créateurs.