Dénonçant les faiblesses de " Ngokas " à assurer le rassemblement, des voix invitent l'autorité morale de l'AMP, qui est annoncée pour bientôt à Mbuji Mayi, à sauver la majorité locale d'un naufrage certain
Les élections locales s'annoncent inexorablement. La Commission électorale indépendante (CEI) met les bouchées doubles pour réunir les moyens qu'il faut. Elle avance déjà la période de juin 2010 pour leur tenue.
Les enjeux des locales
Loin de constituer une formalité juridique pour compléter les scrutins prévus dans la constitution et la loi électorale, ces échéances vont être un grand moment d'évaluation des capacités de différentes forces politiques à la fin de la législature en cours et à l'orée des élections générales de 2011. Les différents états-majors l'ont compris et s'emploient déjà à préparer leurs arsenaux pour ce grand derby du jeu démocratique.
Se voulant avant-gardiste, le MLC a pris son bâton de pèlerin pour aller à la rencontre, non seulement de ses militants, mais aussi de tous les Congolais afin de les mobiliser à sa cause. L'UDPS également, malgré ses contradictions internes actuelles, a décidé de prendre le départ, ce qui va, à coup sûr, apporter une nouvelle donne dans le jeu électoral. Ce qui fait dire aux observateurs que son poids sociologique impose aux autres forces politiques de diversifier leurs stratégies et considérer que rien ne sera comme en 2006.
Cet avertissement, indique-t-on, passe particulièrement pour un avertissement à l'endroit de la majorité au pouvoir. En effet, comme sous d'autres démocraties à travers le monde, c'est à la majorité que revient généralement la grande responsabilité de faire les jeux pour défendre ses positions face aux assauts d'autres formations politiques. Pour le cas spécifique de la RDC, la majorité n'aura pas la tâche facile, et cela pour deux raisons majeures.
Implications pour la majorité
La première est liée aux promesses électorales en général et, en particulier, au niveau de leurs réalisations qui sera constaté au moment des élections. Pour cela, la majorité sera amenée à défendre son bilan avant de solliciter un nouveau mandat. La tâche, il faut le reconnaître, ne sera pas de tout repos en raison du marasme socioéconomique général qui, on le sait, apportera de l'argument au moulin de l'opposition. Normal pour les pays africains, et particulièrement un Congo post-conflit, où l'appréciation de toute action gouvernementale se fait à l'aune du tube digestif.
La seconde est tributaire de la capacité de mobilisation et de fidélisation dont cette majorité aura fait montre tout au long de son mandat et au moment décisif des scrutins. Cet exercice aura à être des plus délicats lorsque l'on observe la configuration géopolitique de la RDC où la majorité n'a pas eu la tâche facile pour maintenir ses assises populaires après les élections générales de 2006. Il s'agit, plus spécifiquement, des grands bastions politiques où cette majorité a eu, certes, l'avantage de prendre le contrôle de leur direction, à savoir la gestion de l'exécutif et de plusieurs assemblées provinciales.
L'AMP en difficultés
Cependant, si ce tour de force de la majorité, réalisé jusque dans des bastions qui lui étaient sociologiquement hostiles, a été possible par le fait que le jeu politique s'est joué dans un cercle restreint de la classe politique, c'est-à-dire au niveau des députés provinciaux, les joutes au niveau local ne seront certainement pas faciles à gagner, puisqu'elles se dérouleront à la base, là où s'exprimera plus significativement la volonté du souverain primaire. Cette perspective impose donc que la majorité, et même l'opposition, ait pris le temps d'établir des rapports plus solides, voire sociologiques, avec ces bases au-delà des calculs politiciens qui, à ce niveau, seront plus délicats à conduire.
Pour être plus concret, la majorité aura des coudées beaucoup moins franches dans des bastions traditionnellement hostiles comme les deux Kasaï. Ceci, non seulement en raison de la dimension hautement politique qui a toujours caractérisé ces deux provinces, mais surtout par le réveil de l'UDPS qui s'y trouve dans son bastion historique. Les leaderships politiques de ces deux provinces pour la majorité y ont-ils songé ?
La question se pose et est beaucoup plus lancinante au Kasaï Oriental qui, comme on le sait, est, non seulement, l'une des provinces hostiles à la majorité, mais qui a connu des remous politiques de nature à émousser les avancées que la majorité y aurait réalisées après des résultats politiques fort mitigés en 2006, et cela pour toutes les forces politiques, en raison du très faible taux de participation dû à l'absence de l'UDPS.
Ngoyi Kasanji pointé du doigt
Alors qu'ici, le leadership local devait s'atteler à consolider ces avancées et proposer une nouvelle alternative à toute une génération qui ne pouvait pas continuer à être délaissée, le leadership incarné par Alphonse Ngoyi Kasanji a clairement peché par une distraction, si pas une indifférence ou un excès de confiance et de zèle dans la gestion des acquis politiques et leur fructification. Ceux qui connaissent la province du Kasaï Oriental notent unanimement que là où "Ngokas" devait jouer au rassembleur et à la mobilisation derrière une action de sauvetage de la province, il a plutôt pêché par une conflictualité qui a, non seulement refroidi l'enthousiasme dans les rangs locaux de la majorité, mais surtout consolidé l'opposition dans ses convictions et sa détermination à demeurer à l'abordage, assurée que, cette fois-ci, le Kasaï Oriental n'a jamais été aussi mûr pour être cueilli.
Un climat délétère règne, en effet, à Mbuji Mayi où l'on croise régulièrement des fils et filles de la province qui ne cessent de déplorer le fait que Ngoyi Kasanji «se la joue en solo, régnant en maître suprême prêt à réduire au silence toute velléité jugée contrariante. Ainsi déplore-t-on " cette inquisition pratiquement gratuite qui tend à faire voir qu'ici l'autorité n'a pas besoin du peuple pour mener à bien ses attentes, comme pour faire croire que les actions menées en sa faveur son une faveur relevant de la magnanimité de l'autorité provinciale suprême.» On parle alors de menaces à peine voilées que l'autorité et ses affidés ne cessent de proférer, à tous ceux qui les contrarient de ces sévices que subissent des contrevenants à la résidence officielle du Gouverneur de province où encore de la discrimination dans le traitement des fournisseurs et autres créanciers au moment de l'apurement des créances, etc.
" Puisque Ngoyi Kasanji est parvenu à faire main basse sur l'assemblée provinciale en y installant un bureau à sa solde, comment saura-t-on assurer un contrôle objectif de l'action de l'exécutif ? ", s'interroge, amer, un député provincial en séjour à Kinshasa.
Colère aussi ches les diamantaires
Dans les milieux du diamant, poumon de l'économie de la province, la même récrimination est enregistrée. Ici on déplore surtout " ces suffisances du Gouverneur qui a transposé les rivalités de la profession diamantaire dans sa nouvelle stature d'autorité politique pour continuer à brimer ses concurrents ", ajoute un autre opérateur économique de la province. Celui-ci revient sur la récente crise du diamant née de la décision unilatérale du Gouverneur Ngoyi Kasanji d'instaurer une taxe de 500 Usd pour la sortie de tout colis de plus ou moins 50 carats. Une initiative vigoureusement dénoncée par la profession diamantaire qui y a trouvé une double taxation, rappelant que l'Etat prélève déjà 2% à l'exportation de tout colis, sur lesquels 1% est reversé aux provinces productrices.
C'est la vigilance de ces diamantaires qui a pu faire fléchir " Ngokas " et l'amener à rabattre le taux à Usd 100, mais sans calmer l'amertume des diamantaires décidés, cette fois, à en découdre avec lui jusqu'au bout. «Il aurait été humble en négociant avec les diamtaires que cela se seront pâssé autrement», déplore un opérateur du secteur.
Serge Kasanda, dit Serkas, diamantaire bien en vue dans la province, n'avait pas manqué de monter au créneau pour' réserver ses considérations. Il est, en effet, allé plus loin pour dénoncer la paralysie volontaire des structures du secteur diamantaire pour des raisons facilement imaginables. On rappelle, en effet, qu'à son élection à la tête de la province, Ngoyi Kasanji y avait emporté son cabinet de la Fédération congolaise des diamantaires (FECODI) en y laissant des animateurs à sa solde pour maintenir sa mainmise sur le secteur. Même mouvement du côté du CPD (Comité provincial des diamantaires).
Une situation que Serkas et d'autres opérateurs est-kasaïens ont décidé de dénoncer en proposant l'organisation des élections pour doter ces structures de nouveaux comités directeurs. Un nouveau bras de fer s'annonce donc, indique-t-on, puisque, tenant à sa suprématie " divisionniste ", Ngoyi Kasanji semblerait déterminé à maintenir ses assises dans le secteur " à travers des hommes de paille ", commente encore un interlocuteur manifestement avisé.
Sauver le navire du naufrage
L'on peut ainsi multiplier des exemples et des situations pour faire voir qu'à ce stade, "le leadership politique du Kasaï Oriental aura œuvré pour ses intérêts personnels en perdant de vue le grave préjudice qu'une telle attitude inflige à la majorité dont il est pourtant issu. " A Mbuji Mayi, des voix s'élèvent pour inviter le Chef de l'Etat, qui y est annoncé pour bientôt, à prendre des mesures qui s'imposent afin de sauver le navire de la majorité, dont il est l'autorité morale, d'un naufrage certain pour les prochaines élections locales et, plus loin, législatives et présidentielles. Ce sauvetage devrait passer par des ajustements de fond, au besoin par l'instauration d'une autorité morale locale qui prendrait en main réellement les intérêts de la famille politique, à défaut de pouvoir imposer, faute de temps, des ajustements au niveau de l'exécutif provincial.
Ceux qui soutiennent cette thèse sont convaincus que si rien n'est fait, l'AMP n'aura qu'à assumer ses responsabilités après tant de signaux d'alerte que n'ont cessé d'émettre ceux qui voient loin et sont préoccupé par la santé de leur famille politique au Kasaï Orientale. Dossier à suivre.