Le 25 septembre 2009, la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a rejeté l’appel interjeté par Germain Katanga contre la décision rendue le 12 juin par la Chambre de première instance II, qui avait déclaré l’affaire le concernant recevable devant la CPI.
En février 2009, Germain Katanga a déposé devant la Chambre de première instance II une exception d’irrecevabilité de l’affaire devant la CPI. Il a fait valoir, entre autres, que la République démocratique du Congo (RDC) était en position de le poursuivre et que, par conséquent, il ne devrait pas être poursuivi devant la CPI. Il a également fait valoir que le Procureur aurait dû, dans sa requête aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt, communiquer à la Chambre préliminaire des documents indiquant que Germain Katanga faisait l’objet d’enquêtes en RDC, ce qui aurait rendu l’affaire irrecevable devant la CPI. Le 12 juin, la Chambre de première instance II a rejeté l’exception d’irrecevabilité. La Défense a interjeté appel de cette décision.
Aujourd’hui, M. le juge Daniel David Ntanda Nsereko, en sa qualité de juge président dans cette affaire, a donné, lors d’une audience publique, un résumé de l’arrêt de la Chambre d’appel. Il a exposé chacun des cinq moyens d’appel et les conclusions de la Chambre :
- La Défense avait fait valoir que la Chambre de première instance a eu tort de considérer que l’exception d’irrecevabilité avait été déposée tardivement et aurait dû être présentée avant « l’ouverture du procès ». La Chambre d’appel a noté que Germain Katanga lui-même reconnaît qu’il n’a souffert d’aucun préjudice en raison de l’interprétation prétendument erronée du Statut de Rome donnée par la Chambre de première instance, puisque cette dernière avait néanmoins décidé de se prononcer sur le bien-fondé de l’exception. En l’absence d’un préjudice, la Chambre d’appel a considéré qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le bien-fondé de ce premier moyen d’appel.
- La Défense avait en outre fait valoir que la Chambre de première instance II a eu tort de considérer que la Chambre préliminaire I avait, à bon droit, déclaré l’affaire recevable, alors que le Procureur ne lui avait pas communiqué des documents pertinents relatifs aux attaques lancées contre Bogoro, pour lesquelles un mandat d’arrêt contre Germain Katanga était demandé. La Chambre d’appel a considéré que si elle avait à examiner le bien-fondé de ce deuxième moyen d’appel, elle serait en réalité amenée à examiner la décision de la Chambre préliminaire de délivrer un mandat d’arrêt, et non pas la décision de la Chambre de première instance, qui fait l’objet de l’appel.
- Les troisième et quatrième moyens d’appel concernaient le respect du principe de complémentarité, qui accorde la primauté aux systèmes nationaux. En effet, la CPI ne remplace pas les systèmes nationaux de justice pénale, mais les complète. La Chambre d’appel a considéré que le principe de complémentarité, selon le Statut de Rome, établit un équilibre entre, d’une part, la préservation de la primauté des procédures nationales vis-à-vis la CPI et, d’autre part, le but du Statut de Rome tendant à « mettre fin à l’impunité ». Si un Etat n’ouvre pas d’enquête ou est dans l’incapacité de le faire et, le cas échéant, ne poursuit pas les auteurs des crimes relevant du Statut, la CPI doit pouvoir intervenir. La Chambre d’appel a également noté qu’au moment de la procédure d’examen de la recevabilité de l’affaire, aucune procédure n’avait été engagée en RDC à l’encontre de Germain Katanga relativement aux crimes pour lesquels il est poursuivi devant la CPI, ou d’autres crimes allégués. En revanche, la RDC a clairement indiqué qu’elle souhaite qu’il soit poursuivi, mais devant la CPI.
- Selon le cinquième moyen d’appel, la Défense de M. Katanga a contesté qu’un État puisse être autorisé à décider de poursuivre ou non les auteurs de crimes internationaux sans avoir à justifier ou à expliquer son « manque de volonté ». Selon la Défense, ceci aurait pour conséquence de priver l’accusé de son droit à contester d’une manière effective la recevabilité d’une affaire sur la base du manque de volonté ou de l’incapacité de l’Etat concerné à poursuivre les auteurs de tels crimes. La Chambre d’appel a toutefois considéré que cet argument n’est pas valable. La détermination de l’admissibilité d’une affaire revient à la CPI, qui examine tous les faits pertinents selon les critères de l’article 17 du Statut de Rome.
Pour ces raisons, la Chambre d’appel a confirmé la décision rendue le 12 juin 2009 par la Chambre de première instance II, et a rejeté l’appel.
Germain Katanga a été transféré à la CPI le 17 octobre 2008. Les charges ont été confirmées par la Chambre préliminaire I le 26 septembre 2008. Lui et Mathieu Ngudjolo Chui auraient conjointement commis, par l’intermédiaire d’autres personnes, des crimes contre l’humanité (meurtre, esclavage sexuel et viol) et des crimes de guerre (le fait de faire participer des enfants de moins de 15 ans à des hostilités ; le fait de diriger intentionnellement une attaque contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités ; homicide intentionnel ; destructions de biens ; pillage ; et esclavage sexuel et viol). Le début du procès dans l’affaire Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui est prévu pour le 24 novembre 2009.