Le vendredi 8 octobre 2010, la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a annulé les décisions par lesquelles la Chambre de première instance I avait ordonné la suspension de l’instance dans l’affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo et la remise en liberté de l’accusé. En exécution de cet arrêt, Thomas Lubanga Dyilo restera sous la garde de la Cour pour la durée de son procès, qui peut à présent reprendre son cours.
Le 8 juillet 2010, la Chambre de première instance I avait ordonné la suspension de l’instance dans l’affaire Thomas Lubanga Dyilo, considérant qu’un procès équitable n’était plus possible du fait de la non-exécution par l’Accusation des ordonnances de la Chambre. Celle-ci avait auparavant ordonné au Bureau du Procureur de communiquer à titre confidentiel à la Défense le nom de l’intermédiaire 143 ainsi que d’autres informations permettant de l’identifier. Toutefois, l’Accusation n’a pas exécuté ces ordonnances. À la suite de la décision de suspendre l’instance, la Chambre de première instance I avait ordonné, le 15 juillet, la remise en liberté de l’accusé. Le Procureur avait alors interjeté appel de ces décisions.
Le juge Song, juge président dans le cadre de ces appels, a résumé l’arrêt en audience publique, expliquant que la Chambre d’appel rejetait les deux moyens avancés par le Procureur, à savoir que la Chambre de première instance avait eu tort de conclure qu’il avait refusé de se conformer aux ordonnances de la Chambre et que celle-ci s’était méprise quant à la position adoptée par le Procureur s’agissant de son devoir de protéger, entre autres, les victimes et les témoins.
Dans son résumé de l’arrêt, le juge Song a souligné qu’il ne faisait aucun doute que le Procureur ne s’était pas conformé aux ordonnances de la Chambre lui enjoignant de révéler l’identité de l’intermédiaire 143, alors que les ordonnances rendues par les Chambres ont caractère contraignant et devraient être considérées comme telles par l’ensemble des parties et participants tant qu’elles n’ont pas été suspendues par la Chambre d’appel. Le juge président a également souligné qu’en vertu du Statut, la Chambre de première instance est en définitive garante de l’équité et de la rapidité du procès, sous réserve uniquement des pouvoirs de la Chambre d’appel.
La Chambre d’appel considère toutefois que la Chambre de première instance a eu tort de recourir immédiatement à la solution de la suspension de l’instance plutôt que d’imposer d’abord des sanctions afin de contraindre le Procureur à se conformer à ses ordonnances. Les sanctions constituent pour les Chambres un outil important leur permettant de contrôler les débats dans le cadre du procès et de garantir l’équité de celui-ci sans avoir à recourir à des mesures extrêmes telles que la suspension de l’instance, a déclaré le juge Song dans son résumé de l’arrêt.
Enfin, la Chambre d’appel conclut également que comme la décision de remettre Thomas Lubanga Dyilo en liberté reposait entièrement sur la décision de suspendre l’instance, l’annulation de cette dernière emporte annulation de la décision de remettre l’accusé en liberté.
Thomas Lubanga Dyilo est accusé d’avoir commis, en tant que coauteur, des crimes de guerre consistant à procéder à l’enrôlement et à la conscription d’enfants âgés de moins de 15 ans dans les rangs des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) et à les faire participer activement à des hostilités en Ituri, un district de la province Orientale de la République démocratique du Congo, entre septembre 2002 et août 2003.