Les parties civiles ont claqué la porte dans le procès qui oppose le ministère public aux assassins présumés de Floribert Chebeya. Cause du conflit : réflexions du président de la Cour sur la requalification des infractions d’association de malfaiteurs et d’assassinat en homicide involontaire.
Hier jeudi 12 mai, les répliques n’ont pas eu lieu comme prévu dans le procès qui se déroule devant la Cour militaire de Kinshasa/Gombe sur l’assassinat des défenseurs des droits de l’Homme Floribert Chebeya Bahizire et Fidèle Bazana Edadi. Car, la bataille a dû changer de camp. En effet, il y a eu un malentendu entre les parties civiles et le premier président de la Cour militaire sur la requalification des infractions qui figurent sur la décision de renvoi.
L’audience à peine ouverte, les parties civiles ont déclaré à la Cour qu’elles voulaient avoir le cœur net sur les propos tenus par le juge président Masungi à l’audience du lundi 9 mai 2011. Propos dans lesquels ce dernier, se référant à l’article 256 du Code judiciaire militaire, avait évoqué la possibilité de requalifier les infractions d’association de malfaiteurs et d’assassinat qui pèsent sur les prévenus en celles d’homicide praeter intentionnel et arrestation arbitraire accompagnée de tortures ayant entraîné la mort.
A l’audience d’hier jeudi donc, les parties civiles ont voulu savoir si ces opinions de juriste allaient influer sur le délibéré, et dans le cas contraire, que le premier président de la Cour militaire puisse se rétracter, et que cela soit acté par le greffier. Mais le colonel magistrat Masungi a gardé sa position en brandissant plusieurs cas de jurisprudence. Devant ce dialogue de sourds, les parties civiles ont sollicité une suspension de l’audience pour 15 minutes, afin d’aller se concerter sur le comportement à adopter.
Procès sensible
A la reprise, le bâtonnier Jean-Joseph Mukendi wa Mulumba a pris la parole pour dire que ce procès n’est pas une propriété des avocats. C’est ainsi qu’après concertation entre les parties civiles veuve, frères et enfants Bazana, la VSV, le Renadhoc ; et après avoir été en communication avec la veuve Chebeya qui se séjourne au Canada, toutes les parties ont voulu faire acter que la position prise par le premier président de la Cour préjudicie leurs intérêts. Elles ont donc décidé de se retirer et de laisser le procès se poursuivre sans elles.
Abordé par la presse, le bâtonnier Mukendi wa Mulumba a d’abord relevé que dans ce procès, il y a question du meurtre de deux défenseurs des droits de l’Homme. Dans cet incident de procédure, le juge président voudrait arriver à la conclusion qu’il y a eu mort sans l’intention de la donner. Or, a ajouté le coordonnateur du collectif des conseils des parties civiles, les avocats ne veulent pas cautionner une position qui est défavorable à leurs clients.
Le bâtonnier Jean-Joseph Mukendi a dit pour terminer : « Nous demandons à l’opinion de se rendre compte que cette décision-là ne nous lie pas. On nous empêche de jouer notre rôle. Que l’opinion nationale et internationale en tire les conséquences du droit ». En résumé, les parties civiles ont décidé de ne pas revenir aux audiences tant que le premier président de la Cour aura maintenu sa position.
Après le départ des parties civiles et leurs conseils, le ministère public a, par la bouche de l’auditeur militaire supérieur Molisho Bomeza, annoncé qu’il n’était pas en mesure de répliquer. Plus explicite, l’auditeur général Agabu Paryo a fait comprendre à la Cour que ce procès étant sensible, il faudrait que toutes les parties soient présentes.
Quant à la défense, elle a prié la Cour de se référer à sa sérénité en s’exprimant ainsi : « Qu’ils se soient retirés, cela ne nous surprend pas. Vous avez été corrects durant toute l’instruction. Quand le ministère public parle d’un procès où il y a trop de susceptibilités, ce n’est plus alors le droit. C’est pour empêcher que ceux qui sont détenus ici connaissent leur sort. On ne doit pas continuer à retenir des innocents ». C’est sur cette note que la prochaine audience a été fixée au jeudi 19 mai 2011.