Il pleut à nouveau des sarcasmes et des invectives contre la République Démocratique du Congo et ses dirigeants. Relayés aux quatre vents, ils ont pour sources certains officiels et des médias en Belgique.
Le Gouvernement congolais ne peut pas se permettre de garder plus longtemps le silence à ce sujet, au risque de cautionner une vision de ce pays grossièrement déformée par des milieux manichéistes et nostalgiques d’un passé colonial révolu.
Nous, Congolais, croyions avoir tout vu pendant les années du régime colonial. Nous nous attendions à tout dans nos relations avec l’ancienne métropole sauf à voir une invitation aux festivités commémoratives des cinquante ans de notre indépendance, geste d’amitié par excellence donner lieu à une véritable volée de bois vert déclenchée depuis que le Président Kabila a convié le Roi des Belges à cette commémoration.
Des acteurs politiques belges relayés par les médias ont entretenu un humiliant suspens sur cette visite à coups de débats sur l’opportunité pour le Roi Albert II de répondre à l’invitation du président congolais. Débats surréalistes. Vous vous souviendrez que la RD Congo était simplement jugée indigne d’une visite du Souverain belge pour ne s’être pas transformée assez rapidement en un pays de rêve sans conflits, sans inégalités sociales, sans pauvreté, sans crimes et sans corruption. Tout s’est passé comme si le péché du Congo était de ne pas être devenu un paradis que l’on chercherait en vain partout ailleurs sur la planète terre.
On a eu droit notamment à la très bizarre affaire d’une invitation purement imaginaire de militaires belges à défiler à Kinshasa à l’occasion de la parade du cinquantenaire pour éviter toute proximité des militaires belges avec les violeurs et pillards des Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc). Comble de ridicule, les grandes gueules qui se sont préoccupées d’éloigner les pandores belges des soldats congolais qu’ils qualifient de « criminels » ont laissé leurs plus hautes autorités (Roi, Reine et Premier Ministre) venir recevoir les honneurs et la protection desdits « criminels » pendant trois jours à Kinshasa.
Le séjour kinois du couple royal belge a été émaillé par d’autres saillies anti-congolaises qui ont parfois pris la forme d’un véritable lynchage médiatico-politique :
Délectation chez les uns lorsqu’il fut annoncé que le Roi des Belges n’allait prononcer aucun discours à Kinshasa, même si ce fut le cas de tous les autres Chefs d’Etats invités comme lui en cette circonstance (quinze en tout) ;
Acrimonie chez d’autres à cause du silence du Souverain qui aurait dû, devant tant de misère, taper du poing sur la table et admonester le « mauvais élève » congolais;
Persiflage d’un important personnage de la suite royale belge devant la réussite de la commémoration qui « avait dû coûter énormément alors qu’il y a des pauvres au Congo » comme si plus aucune misère n’existait dans son propre pays avant qu’il n’embarque dans un vol spécial Bruxelles-Kinshasa et retour dont le coût est tout sauf bon marché. Les milliers d’Africains interdits de travail et expulsés sans ménagements par ceux qui déclarent ne plus vouloir porter sur leurs épaules la misère du monde mais s’apitoient hypocritement sur les pauvres Congolais apprécieront.
On a l’impression que les grands travaux d’infrastructures lancés un peu partout dans le pays et particulièrement dans la capitale Kinshasa et l’ordonnancement impeccable des cérémonies commémoratives du Cinquantenaire ont surpris certains officiels et médias belges.
Ils se sont alors lancés dans une fébrile collecte de faits divers plus ou moins croustillants pour alimenter les habituels lieux communs apocalyptiques qui collent mieux à l’image qu’ils ont de ce pays qu’ils ont inoculé à leur public.
Ils se sont déclarés émus de ce que les salariés congolais ne sont pas satisfaits du niveau de leurs rémunérations, de ce que les justiciables se plaignent de la lenteur des procédures devant les cours et tribunaux soupçonnés de corruption, de ce que les femmes et jeunes filles sont violentées dans des zones de conflit à l’Est du pays. Des choses vues et entendues de tous temps et sous toutes les latitudes. Seule la mauvaise foi de ceux qui veulent faire feu de tout bois ose indexer la RD Congo et les Congolais à cet égard pour les discréditer.Mais la médisance et la malveillance n’ont pas disparu avec l’extinction des lampions de la fête. Dès le retour de la délégation royale à Bruxelles, les cadeaux offerts à Kinshasa au Roi et à la Reine, comme à tous les autres Chefs d’Etat et Premières Dames présents à Kinshasa, ont été une nouvelle opportunité pour crucifier notre pays.
A ce sujet, il importe d’abord de restituer la vérité des faits. Le Président de la République Démocratique du Congo n’a offert aucun cadeau privé à ses invités au Cinquantenaire. Chaque Chef d’Etat ou de Gouvernement présent aux festivités a reçu un cadeau officiel d’une montre frappée à l’effigie du logo du Cinquantenaire. Mais il semble que ce qui fait couler tant d’encre et qui aurait même fait l’objet de délibérations d’un Conseil des Ministres (!) à Bruxelles c’est un cadeau privé que la Reine aurait reçu de la part de la première dame de la RDC à l’instar de toutes les Premières Dames présentes à Kinshasa.
C’est le lieu de faire observer qu’il est de bonne tradition chez nous que la Première Dame hôte offre aux Epouses des Hautes Personnalités en visite un cadeau privé constitué de produits de l’industrie ou de l’artisanat national. Cette mobilisation de la Première Dame comme ambassadrice pour la promotion de nos produits s’inscrit bien dans nos Intérêts Nationaux dont la définition n’appartient à personne d’autre qu’à nous-mêmes. Que ceux qui ont crié à un prétendu « cadeau empoisonné » se le tiennent pour dit une bonne fois pour toutes. Il est inadmissible, cinquante ans après notre accession à la souveraineté nationale et internationale, que dans l’ancienne puissance coloniale l’on se complaise dans de telles attitudes paternalistes.
La Belgique serait-elle devenue une championne de la bonne gouvernance et de la générosité ? Les pauvres Congolais en seraient ravis, eux qui attendent toujours en vain depuis les années ‘40 la contrepartie de l’Uranium de Shinkolobwe (Katanga) qui, vendu par la Belgique aux Etats-Unis, avait permis la victoire des Alliés contre les puissances de l’Axe en 1945 sans que le produit de cette transaction ne leur revienne. Ils apprécieraient aussi que soit soldé de manière juste et équitable le fameux contentieux belgo-congolais qui hypothèque depuis 1960 leur développement économique. Que dire du préjudice imposé à notre peuple du fait de la séparation nette du budget de la colonie de celui de la métropole en 1960 ? Ou des inestimables trésors culturels de notre pays stockés sans espoir de retour à Tervueren ? Que dire du silence des bien-pensants lorsque leur propre pays rechigne à rémunérer les anciens combattants congolais de 1940-1945 qui ont pourtant versé leur sang pour la Belgique ?
L’enfer est pavé de bonnes intentions. La pauvreté des Congolais qui triment depuis que le pouvoir colonial belge a piégé la décolonisation économique de notre pays n’est certainement pas la véritable motivation des donneurs de leçons.
La grosse manipulation qui entoure cette nième campagne de dénigrement systématique de la RD Congo explose comme une baudruche. Au fil des terribles épreuves que leur ont imposées les seigneurs de guerre et leurs commanditaires dont la plupart se terrent dans des niches européennes, notamment en Belgique, les Congolais ont appris à déceler la supercherie et l’hypocrisie des officines nostalgiques. Le discours pessimiste sur la RD Congo que répandent aux quatre vents ces milieux plus intéressés par le Congo et ses richesses que par les Congolais ne procède nullement de la philanthropie, sinon, ces « rédempteurs » autoproclamés n’auraient pas versé dans l’insulte et l’anathème.
Ce n’est pas un hasard si la quasi-totalité des dirigeants qui se sont succédés à la tête de l’Etat congolais depuis l’indépendance ont fait les frais de l’hostilité de nos anciens colonisateurs. Ni Patrice-Emery Lumumba le père de l’indépendance, ni Mobutu Sese Seko qui servit avec un certain zèle leurs intérêts en dépit de querelles ponctuelles vers la fin de son règne, ni Laurent-Désiré Kabila le tombeur de Mobutu n’ont trouvé grâce aux yeux de ces « bienfaiteurs » autoproclamés de ce pays. Même Joseph Kabila, l’actuel président de la République, très démocratiquement élu en 2006, n’a cessé de subir les grossières provocations d’hommes politiques belges de tous les bords.
On en vient à se demander si, au-delà de ses élites et de leurs particularités, ce n’est pas la souveraineté même du Congo qui dérange en définitive.
Le Congo Bashing (médisance malveillante sur la RD Congo) a tellement influencé les mentalités dans l’ancienne métropole qu’on en vient à s’y scandaliser de ce que les Congolais aient aussi le nez au milieu du visage comme tout autre être humain.
Notre souci de préserver de bonnes relations entre nos deux pays unis par une longue histoire commune n’a pas anesthésié notre capacité à répliquer de manière appropriée à quiconque, Belgique ou ailleurs cherchera à nous rendre injustement coupables de ce dont nous sommes victimes.
Les diamants de sang ne sont pas à Kinshasa. Il faut prendre les gens pour des imbéciles pour prétendre qu’un Etat souverain en possession de son impérium peut promouvoir ses substances minéralogiques en offrant à ses illustres visiteurs des produits d’un trafic illicite ou criminel. Quiconque s’intéresse à la traçabilité des diamants du sang peut aisément en suivre le sillon meurtrier jusqu’à des niches en Belgique.
L’existence de ces criminels qui, à partir de leurs bases européennes, s’enrichissent en faisant tuer des Congolais ne doit en aucune façon servir d’alibi pour bloquer les programmes de reconstruction du Gouvernement.
Notre pays ayant particulièrement souffert ces dix dernières années de son incapacité à protéger ses richesses, il est pour le moins surprenant d’entendre un ami de la RD Congo railler les efforts du Gouvernement pour accroître les capacités dissuasives du pays par une comparaison douteuse entre la parade militaire du 30 juin et la pauvreté des Congolais. Reconstituer et équiper l’Armée ne peut être considéré comme un gaspillage pour un pays comme la RD Congo, sauf à vouloir nous maintenir impuissants face au premier prédateur venu ».