Changement de décor dans le camp de l’Opposition. Les «poids lourds» de l’Opposition séjournent actuellement à l’étranger. Outre qu’ils ont décidé d’améliorer leur image vis-à-vis de nos partenaires extérieurs, ils ont saisi cette opportunité pour tenter d’obtenir ce qu’ils n’ont pas pu avoir à Kinshasa. C’est-à-dire, poursuivre les entretiens et les négociations en vue de parvenir à un consensus autour d’une candidature commune à l’élection présidentielle 2011
D’où ces rencontres de Bruxelles, de La Haye et de Washington. En effet, Etienne Tshisekedi a rencontré successivement Thomas Lubanga de l’UPC, Jean-Pierre Bemba du MLC, Kengo wa Dondo de l’UFC. Il a été principalement question d’une candidature commune de l’Opposition à la présidentielle 2011. Etienne Tshisekedi s’est ensuite envolé pour Washington où il devrait rencontrer Vital Kamerhe, cette autre figure de proue de l’Opposition et également candidat à la présidentielle 2011. Mêmes entretiens pour le même objectif.
L’on signale aussi la présence en Occident de Mbusa Nyamwisi, président national du RCD–KML, un autre candidat à l’élection présidentielle. On dit de lui qu’il s’est auto-proclamé «modérateur» pour concilier les ambitions des uns et des autres de manière à parvenir effectivement à la désignation d’un candidat commun de l’Opposition à la prochaine élection présidentielle.
La distribution des cartes
De l’avis de certains observateurs, les négociations sont très avancées. Bien plus, ils demeurent optimistes et convaincus qu’à quelques heures de la clôture de la campagne électorale, toute surprise, surtout agréable, n’est pas à écarter. Tant mieux.
Toujours est-il que le chemin à parcourir pour parvenir justement à un consensus est parsemé d’épines et jonché d’embûches. En effet, sur les 10 candidats de l’Opposition qui ont été retenus, trois émergent du lot. Il s’agit d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, président national de l’UDPS ; Léon Kengo wa Dondo, président national de l’Union des forces du changement, UFC, et Vital Kamerhe, président national de l’Union pour la nation congolaise, UNC. C’est de ce tiercé sortira le candidat commun, lequel sera opposé au candidat de la Majorité présidentielle, Joseph Kabila Kabange, président en exercice de la RDC, avec cette possibilité de rempiler.
C’est dire que de tous les calculs à envisager, l’Opposition, si elle maintenait ses intentions de disposer d’un «candidat commun» face à Kabila, choisir le candidat qui réunira toutes les chances de «battre» le président sortant. Si tel n’était pas le cas, il faudrait se résoudre de prendre son mal en patience, en laissant évoluer chaque candidat de son côté, jusqu’au verdict des urnes.
Mais dans l’hypothèse d’un consensus autour d’un candidat commun, il faudra se mettre d’accord sur la répartition ou partage des rôles, des postes. Des accords doivent être signés et qui porteraient sur plusieurs cas de figure en fonction du vote des députés nationaux. Des cas de figure suivants sont possibles :
A.- Tshisekedi président, Kengo Premier ministre. Un ticket possible. Mais que deviendrait Vital Kamerhe ? Il aurait le choix entre la présidence de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
B- Tshisekedi président, Kamerhe Premier ministre. Une autre possibilité. Dans l’entourage proche de l’UNC, l’on affirme que cette éventualité aurait été évoquée dernièrement. Peu avant de se rendre à Washington, Tshisekedi aurait eu un long entretien téléphonique avec son interlocuteur pour que lui revienne le fauteuil de président de la République et à Kamerhe celui de Premier ministre. Mais quel poste qui reviendrait alors à Kengo ? Il n’aurait le choix que pour le Sénat.
C.- Kengo président, Tshisekedi Premier ministre. Un ticket quasi impossible quand on sait, et jusqu’à preuve du contraire, que Tshisekedi ne vise que la présidence de la République. En ce qui concerne Kamerhe, il aurait encore le choix entre la présidence de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
D.- Kengo président, Kamerhe Premier ministre. Un ticket possible. Mais il ne rencontrera pas l’approbation du président national de l’UDPS, Etienne Tshisekedi. Seule la présidence compte en vue du couronnement de ses trente ans de parcours politique. Et pourtant, certains observateurs n’excluent pas de le voir président du Sénat, comme cela lui avait été proposé aux ultimes moments du Dialogue inter congolais qui s’était tenu à Sun City, en Afrique du Sud.
Divergences idéologiques
Seulement voilà. Tout pourrait se compliquer avec les ambitions de l’un ou l’autre candidat.
En effet, dans toutes ses déclarations, Etienne Tshisekedi est suffisamment clair. Seule la présidence de la République l’intéresse pour couronner ainsi ses 30 ans de parcours politique, d’éternel opposant. Il l’a redit et souligné dans l’interview qu’il a accordée dernièrement à Colette Braeckman. Le temps de «Premier ministre de la CNS » est révolu. Il négocie avec ses collègues pour qu’ils comprennent le bien-fondé de sa démarche et se joignent à lui.
Deuxième obstacle à surmonter, le clan Kamerhe. Il place la barre très haut et estime que si cela ne marche pas, l’alternance serait possible même sans union, dans une déclaration faite à RFI. Guillaume Bonga de l’UNC/Kivu en rajoute : «Ses supporters auront beaucoup du mal à accepter que Vital Kamerhe se désiste en faveur de Tshisekedi. Jusqu’à présent, j’insiste que Kamerhe est le candidat président de la République pour le Sud-Kivu. En 2006, on s’est laissé tromper parce que c’est lui qui est venu nous présenter Monsieur Kabila ici comme candidat. Et s’il nous vient le lendemain avec quelqu’un d’autre, ça ne sera pas facile que ça puisse passer. Quoiqu’il en soit, si la discussion de Washington aboutit à un désistement, il faudra que Kamerhe en ressorte avec l’assurance d’être le vrai patron. Qu’il soit le chef de l’Exécutif et avec un pouvoir réel. Un véritable chef du gouvernement».
Toutes ces combinaisons sont fonction du nombre de députés nationaux. Plus on les aligne, mieux cela vaudrait pour faire monter les enchères. Or, dans l’hypothèse où les trois candidat seraient à égalité du nombre de députés nationaux, l’on assistera à une nouvelle étape de négociations de plus en plus cruciales tant les intentions de tous les candidats, celui de la Majorité présidentielle y compris, sont encore insondables à ce niveau. Avec ce spectre d’un «gouvernement d’union nationale».
Mais là où l’équation devient difficile, c’est que les trois personnalités ne partagent pas les mêmes convictions politiques. Tshisekedi est un socio-démocratique, versé vers l’économie sociale du marché. Kengo demeure un libéral avec l’initiative privée comme moteur du progrès. Tandis que Kamerhe se présente comme un élève assidu du Brésilien Lula, socialisant tourné vers la recherche appliquée partant des possibilités nationales. Il va de soi que les intérêts ne sont pas les mêmes tout comme les partenaires qui pourraient les soutenir.
Enfin, dernier obstacle : la «consigne polie» de Jean-Pierre Bemba. Nulle part, dans son message signé par son Conseil, Me Aimé Kilo Musamba, depuis La Haye (Pays-Bas), il ne donne des consignes précises en faveur de tel ou tel autre candidat. Bien au contraire, il propose la tenue, mieux l’élection des «grands électeurs» de l’Opposition, c’est-à-dire les «principaux leaders» de différentes formations politiques de l’Opposition pour désigner le «candidat commun». Une formule déjà préconisée par l’aile Sultani de l’Opposition. C’est ce candidat que le président national du MLC soutiendra, quel qu’il soit.
Ceci dit, l’Opposition n’est pas encore au bout de ses cogitations. Difficile s’annonce donc le partage des rôles.