Finies les vacances ! Vive la rentrée parlementaire ! Le décor est déjà planté. Cette session sera fertile en rebondissements. Les discours d’ouverture tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale ne laissent planer aucun doute. Le gouvernement aura à s’expliquer sur sa gestion devant le Parlement. Premier constat d’amertume : le projet de Budget 2009 n’a pas été déposé devant l’Assemblée nationale le 15 septembre conformément aux prescrits de la Constitution. Manquement grave.
La rentrée parlementaire s’est effectuée hier lundi, au Palais du peuple, conformément à la loi. Elle s’est déroulée en deux temps. D’abord au Sénat par le président de cette institution, Léon Kengo wa Dondo. Ensuite, à l’Assemblée nationale, par le vice-président Christophe Lutundula.
Bien sûr, deux grandes absences ont été constatées. Il s’agit du président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, et du Premier ministre, Antoine Gizenga. Si le président de l’Assemblée nationale, compte tenu de la situation préoccupante au Kivu et en sa qualité de vice-président du Programme Amani, se trouve aux côtés du chef de l’Etat à Goma, rien n’a été dit sur l’absence du Premier ministre. Soit.
Il ressort de deux discours prononcés en cette circonstance et en présence des ambassadeurs accrédités en République démocratique du Congo, les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale ont mis un accent particulier sur le caractère budgétaire de cette session. Mais ils n’ont pas manqué de rélever que les parlementaires se pencheront également sur les arriérés législatifs pour doter les institutions des éléments juridiques nécessaires à l’accomplissement de leur tâche. Mais d’emblée, ils ont reconnu que la « moisson est abondante », une façon d’interpeller tous les parlementaires pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes afin que cette session qui marque la mi-parcours de cette législature, soit différente des précédentes pour une bonne suite des événements. On s’attend donc à ce que les « grands gabarits » du Sénat et de l’Assemblée nationale sortent du lot pour une participation active. Allusion faite aux sénateurs Lunda Bululu, Henri-Thomas Lokondo, Moïse Nyarugabo, d’une part, et de l’autre les députés François Muamba, Kiakwama kia Kiziki, Evariste Boshab, Sessanga, et nous en passons.
INTERPELLATION A L’HORIZON
Mais comme pour annoncer les couleurs, les présidents de deux chambres du Parlement ont eu des convergences parallèles, relevant des insuffisances somme toute graves, qui ont émaillé l’action du gouvernement. Le président Léon Kengo wa Dondo, a constaté que le gouvernement n’a pas su tenir ses engagements en exécutant le budget 2008 conformément à ses prévisions. Cette exécution qui s’est faite d’une manière erratique a été émaillée par une inflation toujours galopante. Elle se situait au 25 août à 34,54% contre 24 prévue au 31 décembre 2008. Le taux de réalisation des recettes a été de 41% au 22 août tandis que celui des dépenses à 32%.
Faits plus graves, l’on a noté des dérapages dans le cadre macro-économique. Le plus souvent, l’exécution du budget s’est traduite par un écart considérable entre le budget voté et le budget exécuté. Devant cette situation, le président de Sénat attend du gouvernement des explications.
Le vice-président de l’Assemblée nationale a quasiment abondé dans le même sens. D’entrée de jeu, il a tenu à faire remarquer le non respect de la Constitution par le gouvernement en matière de dépôt du projet de budget. Selon la Constitution, ce dépôt doit s’effectuer le 15 septembre, le jour de l’ouverture de la session budgétaire pour permettre à l’Assemblée de l’examiner dans les meilleurs délais. Ce qui n’a pas été fait hier. Aussi, a-t-il rappelé les dispositions constitutionnelles selon lesquelles si 15 jours avant la fin de la session budgétaire, le projet de budget n’est pas déposé, le gouvernement doit se considérer comme démissionnaire.
Haussant le ton, le vice-président de l’Assemblée nationale a fait observer que le gouvernement doit prendre en considération les questions sécuritaires et salariales. Aussi, a-t-il émis le vœu de voir le gouvernement prévoir des moyens conséquents pour la Défense et sécurité, les salaires des enseignants, des médecins, professeurs et fonctionnaires de l’Etat. Pour Christophe Lutundula, il n’a plus d’excuses pour que satisfaction ne soit pas donnée dans la mesure où les infrastructures de base sont retenues dans la convention sino-congolaise et que les cadres politiques ont convenu de consentir des sacrifices sur leurs émoluments.
Mais, Christophe Lutundula s’est étonné de constater que le gouvernement a mal exécuté son programme pour autant que les objectifs annoncés n’ont pas été atteints. Notamment l’augmentation des salaires qui n’a pas eu lieu, les bourses d’étude payées sporadiquement, le Collectif budgétaire promis mais pas déposé. « L’exécution du budget a été timide et le gouvernement n’a pas respecté ses engagements », a dit le vice-président de l’Assemblée nationale.
Aussi, le gouvernement devrait déjà se sentir interpellé pour fournir des explications, a-t-il insisté en épinglant le dysfonctionnement de l’Exécutif. On se demande si ce n’est déjà fait, car le CDC de Kiakwama et Mokonda Bonza a promis de « déposer une notion de censure » contre le gouvernement. Pour le vice-président de l’Assemblée nationale, cette institution doit changer désormais les choses, jouer son rôle de contrôle de l’Exécutif. Dorénavant, la Cour des comptes sera associée pour des contrôles efficaces.
ACCELERER LES REFORMES
Les deux présidents du parlement se sont longuement attardés sur la lenteur constatée dans la mise en œuvre des réformes. Ils ont par conséquent insisté sur l’urgence qu’il y a à engager des réformes structurelles dans les secteurs des mines, des hydrocarbures, de la forêt, de l’énergie, dans l’administration publique.
Ils ont regretté que le gouvernement ne soit pas capable d’offrir un bon climat d’affaires aux investisseurs, l’environnement économique étant caractérisé par l’absence de la sécurité juridique et judiciaire, l’inflation des taxes, les tracasseries policières, et nous en passons. Ou encore la fuite des cerveaux qui pénalise le pays, le privant des compétences alors que la Banque Mondiale a suggéré de prendre en charge leurs émoluments. Mais faute d’un programme qui réunit tous ces préalables, les réformes structurelles tardent à se concrétiser.
Les deux présidents du Parlement se sont également appesantis sur la décentralisation qui doit marquer le changement de comportement. Mais les écueils sont de plus en plus visibles devant cette vision écourtée de la décentralisation, le dysfonctionnement de l’Exécutif, le manque de maîtrise des objectifs de la décentralisation au risque de susciter des conflits de compétences. Le danger, au bout du tunnel, la résurgence de la « dictature » au niveau provincial.
La solution réside donc dans l’accélération des réformes. Mais surtout dans la prise de conscience par tous les Congolais de faire face aux défis de la renaissance d’un Etat congolais.