Il semble avoir perdu la boussole, le rebelle Nkunda. Il avait pourtant le vent en poupe dans toutes les chancelleries, depuis le déclenchement de son insurrection pour soi-disant protéger sa tribu, les Banyamulenge. De la défense d’une cause tribale, il en est arrivé à embraser la province du Nord-Kivu. Pour terminer, à Nairobi, il a exigé de faire tabula rasa de toutes les institutions de la République démocratiques issues des urnes. Nkunda, un insatiable, pour quelles causes ?
Versatile. L’adjectif n’est pas fort pour qualifier le comportement de Laurent Nkunda, leader rebelle du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).
Abandonnant toutes les revendications antérieures qui ont justifié sa dissidence, la guerre qu’il mène contre les Forces armées de la République, des centaines de milliers de Congolais en errance dans le Nord-Kivu, sans compter des milliers de morts, le voici, à l’ultime étape des négociations de Nairobi, déplaçant le sujet de discussion pour une énième revendication.
En effet, au deuxième round des négociations, qu’il avait pourtant exigées avec le gouvernement de la République, Nkunda surprend même ses soutiens extérieurs.
A la séance de jeudi, il n’a exigé ni plus ni moins que la présence à la table de négociations, en qualité de co-facilitateurs ou observateurs Léon Kengo et Vital Kamerhe, les présidents de deux chambres du Parlement ainsi que les délégués de l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) et de l’Opposition.
A travers la participation des deux chambres aux pourparlers de Nairobi, le CNDP espère légitimer l’éventuel accord qu’il devra signer avec le gouvernement. Il estime que cet accord impliquerait le vote de certaines lois. D’où nécessité de voir le Parlement s’imprégner, au préalable, de l’esprit et de la lettre dudit accord.
Cette vision n’a pas été partagée par la délégation de Kinshasa. «Le gouvernement est le seul à engager le pays face à ceux qui ont pris les armes», a-t-elle rétorqué. De même, la facilitation, présidée par Benjamin Mpaka, ancien président tanzanien et émissaire de l’Union africaine dans la crise du Nord-Kivu, aurait été irritée par l’insistance du CNDP. C’est pour cela qu’elle avait suspendu les discussions de jeudi, les renvoyant à hier vendredi.
Un combat sans visibilité
La versatilité du CNDP devient précocement légendaire. Le mouvement rebelle avait prétendu dès le début défendre les Tutsis Banyamulenge, qui auraient été, selon lui, marginalisés par le pouvoir. Sa deuxième exigence, par la suite, consistait à négocier avec Kinshasa pour parvenir à mettre un terme aux affrontements militaires qui ont causé 250 000 sans-abri au Nord-Kivu et près de deux millions de déplacés.
Maintenant que, grâce aux efforts diplomatiques déployés tant par l’Union africaine que par l’Union européenne et l’Onu, Kinshasa a accédé à la revendication du rebelle - négociation directe - Nkunda a exigé de négocier à Nairobi «la crise globale du pays», allant jusqu’à proposer la chute des animateurs et des institutions démocratiquement mis en place.
Or, le mandat de la facilitation ne concerne que la situation du Nord-Kivu. Ainsi, Nkunda n’ayant pas réussi à imposer sa volonté à la communauté internationale, revient aux prescrits du mandat d’Olusegun Obasandjo. Par réalisme tardif, sa délégation accepte de poursuivre les négociations selon le mandat qui a été confié à la facilitation, à savoir : la solution de la crise sécuritaire et humanitaire dans le Kivu.
Selon des chancelleries, le leader du CNDP exagère et exaspère. Il mène un combat sans plus de visibilité. Ses incessantes revendications, vite oubliées pour être remplacées par de nouvelles, sont assimilables à de la distraction. Le temps mort qu’il veut se donner, par des volte-face spectaculaires, est un leurre imaginé pour servir longtemps encore les trafiquants du coltan de sa zone d’influence. Il s’emploie à tirer les choses en longueur dans le dessein d’imposer la balkanisation de la RDC. Les négociations de Nairobi tendent vers un échec.
Dans tous les cas, quelque longue soit la nuit, dit le sage, le soleil finit par poindre. La versatilité de Nkunda laisse tomber ses masques et trahit éloquemment ses intentions.