Comparaison n’est pas raison, certes. Toujours est-il que l’Afrique politique nous ramène souvent à des faits similaires. Tenez. Macky Sall, était le président de l’Assemblée nationale du Sénégal. Proche du président Abdoulaye Wade, il a osé entendre Karim Wade, fils d’Abdoulaye Wade sur la tenue du dernier sommet de l’Organisation de la communauté islamiste, OCI, à Dakar. Il a été évincé de la présidence de l’Assemblée nationale sénégalaise, accusé de vouloir « éclabousser » le président Wade. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, est poussé à la démission. Sa dernière déclaration sur Radio Okapi, ignorant l’entrée des troupes rwandaises au Kivu, et la mise en circulation d’une pétition visant la convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale peuvent faire que la foudre lui tombe sur la tête. On lui reproche de chercher à « humilier » le chef de l’Etat. Il est désormais dans le collimateur des « faucons » du PPRD.
Démissionnera ? Ne démissionnera pas ? L’interrogation est sur toutes les lèvres dans les cercles politiques et le milieu diplomatique en poste à Kinshasa. De fait, le président de l’Assemblée nationale défraie la chronique depuis qu’il a « osé défier » le gouvernement et, selon ses détracteurs, « le chef de l’Etat » en affirmant n’avoir « pas été informé » de l’entrée du contingent rwandais au Kivu, le mardi 20 janvier 2009.
Depuis, les choses semblent aller trop vite et les rumeurs s’amplifient chaque jour davantage sur une démission imminente de Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale. Les « faucons » du PPRD et de l’AMP ne lui pardonnent pas d’avoir fait cette déclaration sur Radio Okapi, ignorant l’entrée des troupes rwandaises en RDC, alors qu’il est connu qu’une telle décision ne pouvait qu’avoir le quitus du président de la République.
D’autre part, au niveau de l’Assemblée nationale, environ 250 députés signataires d’une pétition exigent « la convocation immédiate d’une session extraordinaire du Parlement afin d’examiner les accords conclus par le gouvernement avec l’Ouganda et le Rwanda sur les opérations militaires conjointes pour désarmer les rebelles ougandais et rwandais » installés en province Orientale et au Kivu. Des rumeurs persistantes lui attribuent la paternité de cette initiative.
Ajouter à cela les propos du chef de l’Etat sur l’existence de réseau maffieux au Nord et au Sud-Kivu à décapiter. Le rapprochement est vite fait pour affirmer que Vital Kamerhe est dans le collimateur des « Faucons » du PPRD qui l’accusent de « trahison ». Il est poussé à la démission. A en croire le scénario probable, il devrait présenter sa démission dès l’ouverture de la prochaine session parlementaire.
La « messe du 3 février » à la ferme présidentielle
Le mardi 3 février 2009 à la ferme présidentielle de Kinshasa, une trentaine de personnalités de la famille politique du chef de l’Etat ont pris part à une réunion du bureau politique du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), aux côtés de Joseph Kabila.
Au cœur du débat, a figuré le « comportement de Kamerhe. La réunion, qui a duré près de sept heures, a permis de faire un déballage et de découvrir ce qui se tramait dans le cœur des uns et des autres », a-t-on indiqué, soulignant que « tous les participants étaient contre Kamerhe, sauf trois ou quatre et le chef de l’Etat qui lui a renouvelé sa confiance ».
Pour des observateurs avertis, le sort de Vital Kamerhe serait scellé à partir de cette « messe du 3 février » à la ferme présidentielle. Allusion a été également faite à cette interview accordée à Jeune Afrique, laissant apparaître les « ambitions démesurées » de Kamerhe. (Sic)
Deux « poids lourds », qui siègent à l’Assemblée nationale mais dont l’identité est gardée secrète, mèneraient le jeu. L’un d’eux aspirerait à occuper le perchoir afin, dit-on, de « protéger les intérêts de la majorité, mieux que ne le fait actuellement Kamerhe ». Ses pourfendeurs lui reprochent également ses « amitiés avec des députés de l’opposition », en faisant passer leurs « idées » dans les lois et les résolutions votées en plénière. Quels bénéficies va tirer l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) de la démission de Kamerhe, considéré il y a peu de temps comme le « fidèle des fidèles du président » ?
La maison se lézarde
Effectivement, la maison PPRD ou AMP, c’est selon, se lézarde. Si les « Faucons » tiennent à avoir la tête de Kamerhe en cette période cruciale de l’Histoire nationale, il y a lieu de tirer toutes les conséquences qui en découleront.
S’il faut se reporter au cas du Sénégal, l’agitation qui prévaut actuellement dans ce pays pourrait avoir des répercussions sur le processus politique dans ce pays à l’approche de prochaines élections. Le président Wade qui défait et refait ses relations avec ses proches collaborateurs, avec à l’ombre l’entrée en politique de son fils Karim Wade, pourrait provoquer une période d’instabilité au Sénégal.
Certes, le Sénégal n’est ni la RDC, et vice-versa. Plus encore Vital Kamerhe n’est ni Idrissa Seck ou Macky Sall. Mais ce ne sont pas de raisons valables pour avoir une vision écourtée et étriquée des analyses politiques.
Si demain les « Faucons » parvenaient à avoir la tête de Vital Kamerhe, le PPRD et l’AMP devraient également tirer toutes les conséquences. A deux ans de prochaines élections, un tel bouleversement politique ne serait pas sans risque pour la stabilité des partis politiques, des plates-formes politiques, des institutions et le bon déroulement d’une démocratie naissante. Si problème il y a, il s’impose une réflexion profonde, éviter toute délation ou clientélisme politique qui n’aura aucun apport positif sur les actions politiques du président de la République. A moins que l’on soit tout simplement friand du « chaos politique ».