L’on assiste à une véritable passe d’armes subtile entre le Gouvernement congolais et l’ONU via la MONUC. Les incidents de Mbandaka ont servi de détonateur aux deux parties pour sortir de leurs gonds et pousser la polémique plus loin, même si elles refusent de l’admettre. Enquête succède à l’enquête, de part et d’autre, le tout sur fond de déclarations incisives. Et comme il fallait s’y attendre, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, responsable de la MONUC, Alan Doss, en séjour à New York, au siège de l’ONU, a présenté son rapport devant le Conseil de sécurité et qui se résume en ces mots : « pas question de départ précipité ». En d’autres termes, la MONUC refuse de partir.
Le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en RDC et patron de la MONUC, Alan Doss, a mis en garde, mercredi à New York, contre un retrait précipité de la mission au regard des derniers affrontements survenus à Dongo et à Mbandaka (Equateur), au cours desquels les casques bleus sont entrés en action aux côtés de l’armée congolaise pour y rétablir la paix. Alan Doss a présenté aux membres du Conseil de sécurité le 31ème rapport du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, sur la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (MONUC).
Il a exprimé « la nécessité d’autonomiser les institutions nationales et de les renforcer pour qu’elles soient en mesure d’endosser les responsabilités actuellement assumées par la MONUC. » Le représentant spécial a souligné que, tout en respectant pleinement les vues du gouvernement congolais concernant sa souveraineté, la présence de la mission dans l’ensemble du pays et en particulier sa capacité logistique ont fortement contribué à améliorer la protection des civils.
La présentation de ce rapport intervient au moment où les autorités de la RDC demandent clairement le retrait de cette mission, établie dans le pays depuis plus de dix ans. Au nom du secrétaire général, Alan Doss a exprimé toute sa confiance en l’avenir de la RDC, malgré les difficultés que ce pays traverse actuellement: « Dès le début, les Nations unies ont été un partenaire et un ami du Congo. Et je suis sûr et certain que cette relation continuera lorsque le pays entrera dans une nouvelle ère de son indépendance. » En décembre 2009, le Conseil de sécurité a prolongé le mandat de la MONUC en mettant l’accent sur le soutien aux efforts du gouvernement congolais dans la réforme du secteur de la sécurité. « Retrait responsable », « pas de retrait précipité ». Il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’ ONU et la MONUC conditionnent leur retrait de la RDC pour ne pas laisser un goût d’inachevé, au cas où il n’existerait pas d’ agendas cachés.
Polémique et des mots-clés
Cette passe d’armes, qu’on le veuille ou pas, démontre à suffisance que la RDC et la MONUC ne parlent plus le même langage. Pour ne prendre que le cas des incidents de Mbandaka, le porte-parole du gouvernement n’a pas été tendre envers la MONUC. Il a critiqué son attitude alors que les populations civiles étaient en danger. Pour le gouvernement congolais, la MONUC, conformément à sa mission de protection des populations civiles, devrait intervenir pour protéger les populations qui ont été tuées par les insurgés Enyele.
La réaction du porte-parole de la MONUC a été vive, sur fond de menace : « Au vu de la gravité de cette attaque et de pertes en vies humaines, la Mission onusienne avait déjà lancé une enquête sur cet incident inattendu pour déterminer les faits et savoir si des mesures auraient pu être prises pour prévenir la perte de vie et les dégâts qui ont touché et les Congolais et le personnel international qui servent la population congolaise. Les affirmations et ces accusations du porte-parole du gouvernement sont extrêmement graves et portent atteinte à l’honneur du personnel de la MONUC. La MONUC a tout intérêt de vérifier les faits et veut éviter toute polémique. Les résultats de l’enquête en cours seront rendus publics en toute transparence ».
Qu’on le veuille ou pas, la polémique est bien là. D’où l’on craint que les discussions qui se dérouleront les 17 et 18 avril 2010, avec l’arrivée de la délégation du Conseil de sécurité à Kinshasa, soient houleuses.
Polémique ? Oui. Parce que dans la déclaration d’Alan Doss à New York, deux mots ont retenu l’attention des observateurs avertis : « AUTONOMISER les institutions nationales et NOUVELLE ERE de son indépendance ».
Si l’on peut se permettre d’interpréter ces propos, c’est qu’à l’ONU, l’on n’est pas encore satisfait de la manière dont les institutions nationales fonctionnent. Allusion faite certainement à l’indépendance des institutions et à la séparation des pouvoirs afin qu’elles s’assument pleinement. C’est dire que le processus de démocratisation en RDC marque les pas.
Quelle est cette nouvelle ère de l’indépendance dont fait encore allusion Alan Doss ? Serait-ce le 50è anniversaire ou un événement attendu qui ne dit pas encore son nom ? Autant d’interrogations qui poussent à des réflexions profondes.
Car, après dix ans en RDC, que peut encore faire la MONUC, s’interroge une bonne partie de la classe politique. Elle n’a pas pu arrêter les 5 millions de morts que l’on déplore, le pillage systématique des richesses congolaises, l’absence d’une armée en RDC est encore une réalité vivante. Les mêmes personnalités s’étonnent de cette résistance de la MONUC de ne pas quitter la RDC et affirment que partout où elles sont passées, de la Bosnie Herzégovine au Rwanda en passant par la Somalie, l’Angola, les missions de paix de l’ ONU se sont toujours soldées par des échecs, des résultats mitigés. Partir, rendrait les autorités congolaises plus responsables.
L’autre son de cloche
Il est un fait que les avis sont partagés sur le retrait de la MONUC. Devant l’absence d’une armée dissuasive, certaines personnalités politiques croient qu’il faudra négocier en toute sérénité avec l’ONU pour réussir les grandes réformes portant sur l’armée, la Police, les services de renseignements et l’Administration publique.
Mieux encore, donner un deuxième coup de reins au processus de démocratisation pour que les institutions nationales fassent preuve de haute responsabilités politiques. La situation toujours préoccupante dans l’Est du pays, le cas de la province de l’Equateur les réconfortent dans leurs convictions de voir la MONUC demeurer encore en RDC. N’eut-été elle, la RDC n’aurait pas accompli des résultats positifs.
Laisser la MONUC partir dans les conditions actuelles équivaudrait à précipiter le pays dans le chaos, affirment-elles.