Est-ce la fin de l’état de grâce pour le Rwandais Paul Kagame ? En tout cas, c’est ce qui ressort du rapport que s’apprête de rendre public en septembre prochain le Haut Commissariat des Nations -nies aux droits de l’homme (HCDH). La lecture de ce document dont certains médias européens ont obtenu des copies, indique que le régime de Kigali pourrait répondre devant la justice internationale des actes commis par ses troupes en RDC entre 1996 et 2003. Actes que l’ONU assimile aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et au génocide. La réaction du gouvernement congolais ne s’est pas fait attendre. Dans un volumineux document de plusieurs centaines de pages, Kinshasa a rejeté certaines allégations contenues dans le rapport de HCDH.
A première vue, le rapport du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) est accablant. C’est l’avis émis par le journal Le Monde qui a pu se procurer une copie du document dont la parution est projetée pour septembre prochain.
En réalité, le HCDH dresse le bilan de dix ans des guerres sur la période allant de 1993 à 2003. Il s’est appesanti sur les crimes commis entre 1996 et 1998, période où il est répertorié le plus grand nombre d’exactions que l’organe spécialisé de l’Onu assimile aux « crimes de guerre, crimes contre l’humanité voire au génocide ».
Ce rapport a l’avantage de changer la donne dans la région des Grands Lacs, dominée pendant longtemps par le spectre de la victimisation des Tutsi par leurs frères Hutu. Le HCDH ne bronche pas sur les faits. Sans détours, il conclut qu’il y a bel et bien génocide sur les Tutsi autant il y en a eu sur les Hutu. Et, lorsque l’organe spécialisé des Nations unies se lance dans ses affirmations, il se base sur des éléments fort probants pour faire passer sa thèse. Des faits et des témoignages ont été rassemblés pour soutenir cette thèse.
GENEALOGIE DES FAITS
Le rapport fait mention de la nature systématique, méthodologique et préméditée des attaques contre les Hutu qui se sont déroulées dans chaque localité où des réfugiés ont été dépistés par l’AFDL/APR sur une très vaste étendue du territoire de la RDC. Des camps entiers détruits. Des survivants poursuivis et privés d’aide humanitaire. « L’usage extensif d’armes blanches et les massacres systématiques des survivants après la prise des camps démontrent que les nombreux décès ne sont pas imputables aux aléas de la guerre », note le HCDC. Parmi les victimes se comptaient des enfants, des femmes, des personnes âgées et des malades.
D’ores et déjà des analystes pensent qu’il est temps de conjuguer le règne de Paul Kagame au passé, car malgré toutes les tentatives d’étouffer le rapport du HCDH, il devra répondre de toutes les exactions commises par ses troupes en RDC.
A ce propos, le quotidien français indique qu’ayant eu vent du rapport, le président rwandais avait menacé directement le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, de retirer ses troupes des missions de maintien de la paix de l’ONU. C’était en juillet dernier à Madrid, fait observer Le Monde.
Tout récemment, c’est-à-dire début août, Kigali est revenu à la charge, cette fois par le biais d’une lettre dans laquelle il entendait « revenir sur ses divers engagements auprès des Nations unies tout particulièrement dans le domaine du maintien de la paix dans le cas où ledit rapport serait rendu public ou ferait l’objet des fuites dans la presse ». Le Monde fustige dans le même ordre la tentative ratée de Ban Ki-moon de pousser la Haut Commissaire pour les droits de l’Homme, Navanethem Pilay, à retirer le mot génocide du rapport. Peine perdue.
Les complices de Paul Kagame dans cette épopée meurtrière dont le bilan macabre avoisine les 6 millions de morts devraient se tenir prêts à répondre de leur participation.
Le rapport n’est pas tendre sur les présumés coupables de ce désastre qui se recrutent bien au-delà du territoire rwandais. Le rapport note que l’offensive militaire de l’armée de Paul Kagame a été menée sous le couvert de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) dont les troupes, l’armement et la logistique étaient fournis par le Rwanda.
Il faut noter ici que le Rwanda n’est pas le seul pays indexé. L’Ouganda, l’Angola, le Burundi, entre autres, sont cités et des faits précis sont expressément mis à leur charge.
ASSAINIR LES MŒURS DANS LES GRANDS LACS
Si jamais elle était mise en marche, la machine judiciaire internationale n’épargnera pas non plus les parrains de l’homme fort de Kigali. Le but poursuivi par l’ONU étant de rendre justice aux victimes et de rompre le cycle d’impunité qui prévaut dans la région des Grands Lacs avec l’appui des puissances occidentales. Et dans le cas précis, suggère le HCDH, de nouveaux mécanismes judiciaires devront être vite trouvés, car la plupart des crimes commis l’ont été avant la mise en œuvre de la Cour pénale internationale.
Il s’ensuit que le règne des hommes forts dans les Grands Lacs touche à sa fin et que l’on ne devrait plus se leurrer sur l’aboutissement du processus démocratique, de la promotion des droits de l’homme et de l’instauration de l’Etat de droit.
Le glas a sonné pour l’état de grâce jusque-là reconnu à Paul Kagame mais également à tous les faiseurs de guerres et auteurs ou co-auteurs de divers crimes décrits dans le rapport coupe-gorge du HCDH.