A quand un tribunal pour la RDC ? Après plusieurs années de travail, le rapport du Haut commissariat aux droits de l’homme (HCDH) des Nations unies dresse enfin la liste incontestable des crimes et massacres commis en RDC pendant une décennie placée sous le signe du feu.
Les concepteurs de ce texte ont décidé de se pencher sur la période 1993-2003. C’est celle où furent commis les crimes et massacres les plus graves. Depuis, l’impunité n’a pas cessé, et les Congolais sont encore martyrisés. Que faut-il pour que ce drame d’une ampleur exceptionnelle mobilise ce qu’il faut bien appeler la « communauté internationale » - l’ONU, ses agences spécialisées, les grandes puissances du Nord et du Sud émergent, ces pays qui, souvent, sont les premiers à exploiter les richesses minières de la RDC ?
Le rapport du HCDH ne révèle que peu de chose. La plupart des actes recensés étaient connus. La nouveauté (révélée dans notre édition du 27 août) est de réunir l’ensemble de ces faits, de préparer le terrain pour de futurs procès et d’envisager de qualifier certains actes de « génocide ».
S’il est un génocide reconnu dans la région, c’est celui des Tutsi dans le Rwanda voisin en1994. Il a fallu du temps pour que s’impose l’idée de l’ampleur de ce dernier crime. Il s’agissait là non de massacres aveugles, mais d’une tentative claire de faire disparaître un groupe humain. Les responsables de ce projet répondent aujourd’hui de leurs actes devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), installé à Arusha, en Tanzanie. Cette juridiction est pleine d’imperfections. Certains « génocidaires » continuent de lui échapper. Mais mieux vaut cette justice rendue tant bien que mal à Arusha que l’injustice permanente à laquelle demeurent condamnées les victimes congolaises.
L’expérience des fins de conflits récents montre qu’il n’y a pas de retour à la paix sans une manière de justice. La Sierra Leone, déchirée pendant une guerre marquée par des atrocités, a bénéficié, dans le cadre d’un processus de paix, d’un tribunal spécial. L’ex-Yougoslavie est à peu près dans le même cas. Au Cambodge, les procès des anciens Khmers rouges ont commencé.
Partout, des mécanismes judiciaires ou parajudiciaires tentent d’aider les survivants à faire le deuil de crimes inhumains. Pourquoi la RDC, ce pays grand comme l’Europe de l’Ouest qui sert de terrain de jeux meurtriers depuis deux décennies aux Etats de la région, Rwanda en tête, échapperait-il à cette règle ? La réponse, jusqu’ici, a été éludée, en partie en raison de l’ombre gigantesque du génocide commis à ses portes, au Rwanda.
Il est grand temps de prendre en compte les crimes d’une ampleur historique perpétrés en RDC. Le rapport de l’ONU offre la base pour que soit constitué un tribunal, avec un appui international, pour que soient jugés ceux qui en sont les auteurs. Il est grand temps de rendre un semblant de justice aux centaines de milliers de Congolais tombés sur le sol de ce pays martyr.
Source: Editorial: Le Monde
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