Dans une interview accordée à la télévision française et publiée par le journal "Le Révélateur" à Kinshasa, ce mardi 8 Juillet 2006, le chef de la MONUC, William Swing fait le point sur l?évolution du processus électoral et demande aux Congolais de patienter en attendant les résultats officiels des élections.
INTERVIEW
Pourquoi la Commission électorale indépendante (CEI), la Haute Autorité des Médias (HAM) et la MONUC s'insurgent contre la publication des résultas affichés devant les bureaux de vote par la presse?
La publication des résultats doit attendre quelques semaines du fait qu'on avait 50 mille bureaux de vote éparpillés à travers la RDC. Nous avons tous dit, dès le début, qu'il ne fallait pas que quelqu'un annonce sa victoire ou parler de la fraude avant que la CEI et la Cour suprême de justice n'aient eu l'occasion de remplir le mandat qui leur est assigné selon la loi électorale.
Oui, il y a eu certaines irrégularités, comme dans tout pays du monde. Mais il faut faire une distinction: les irrégularités ont été déjà, et en grande partie, dénoncées par la CEI. C'est pour cela que nous avons lancé un appel à tout le monde de garder le calme, de patienter car les résultats seront publiés par la CEI au moment opportun.
Mais lorsque la CEI permet aux bureaux de vote d'afficher les résultats, n'est-ce pas déjà les faire connaître à la population?
Oui et non! C'est très important, pour la transparence, que, dans chacun de près de 50 mille bureaux de vote, les observateurs internationaux et nationaux, les témoins des partis politiques ainsi que la population en général puissent voir le comptage pour être sûrs que c'est correct, qu'il n'y a pas tricherie ou fraude. C'est important, mais il ne faut pas faire la confusion entre cela et la compilation.
On ne peut pas extrapoler les résultats d'un seul bureau de vote aux 50 mille pour désigner déjà un vainqueur ou un perdant. Il faut attendre la compilation. Et ça, c'est uniquement de la compétence de la CEI. Il ne faut pas oublier que la CEI a dû former 260 mille agents électoraux qui travaillent dans les bureaux de vote, pour justement assurer un bon déroulement des opérations de vote, y compris la sécurité.
En tant que n°1 de la MONUC, vous présidez le Comité international d'accompagnement de la transition (CIAT) qui se réunit souvent avec l'espace présidentiel. Et dans la bataille électorale, on assiste à un duel entre Kabila et Bemba. Qu'est-ce que vous avez déjà fait pour approcher ces deux personnalités, seules à même de contenir cette effervescence, de contenir leurs partisans respectifs et leurs chaînes de télévision, les premières à rendre publics ces résultats ?
Vous avez posé une question clé parce que, même s'ils sont des candidats, le président et les quatre vice-présidents ont pris un engagement solennel le 30 juin 2003: faire fonctionner le gouvernement jusqu'à l'installation du nouveau gouvernement. Même si c'était plus difficile lors de la campagne électorale.
Le peuple va insister pour que le gouvernement continue à fonctionner et que le CIAT fasse de mieux pour encourager l'espace présidentiel à rester ensemble, continuer de s'entretenir régulièrement. Notamment avec le CIAT, parce que nous sommes là pour aider l'avancement du processus et le soutenir. Il faut absolument qu'ils restent ensemble et, dans cet esprit, nous avons déjà entamé les discussions avec tous les cinq.
Avez-vous vraiment l'impression que cette effervescence peut créer une perturbation de l'ordre public au pays ?
Par ailleurs, nous ne pensons pas! Nous croyons que la sagesse congolaise va un peu prévaloir. Les Congolais ont très longtemps attendu une bonne élection. Nous faisons beaucoup confiance au peuple congolais. Les Congolais veulent un résultat, lequel n'est pas à chercher dans la rue. Ils veulent voir un nouveau gouvernement installé.
Nous pensons que tout le monde a bien compris qu'il n'y a qu'un processus comme celui de la transition qui puisse guider le peuple vers la période de paix, de prospérité et de démocratie. Nous n'avons pas peur pour ça.
Interrogée sur le grand intérêt qu'elle accorde aux résultats, la population dit que c'est par précaution, parce que la Communauté internationale veut lui imposer un candidat qui lui est favorable. Elle veut être en mesure de vérifier que les résultats affichés par les bureaux ont été respectés. Alors, il y a un problème de crédibilité, une perte de confiance. Qu'en dites-vous ?
Je crois que c'est exactement le contraire. Les fiches qui circulent dans la ville de Kinshasa n'ont aucune validité. Il faut attendre la CEI. Pourquoi a-t-on investi des centaines de millions de dollars ici? C'est pour aider le peuple congolais à avoir une bonne élection. Nous sommes là pour soutenir un processus électoral qui soit crédible et qui vous donne un système électoral pour l'avenir.
Il ne faut pas oublier que, le 29 octobre, on va avoir au moins les élections pour les assemblées provinciales et le deuxième tour pour la présidentielle, s'il y en aura. Par la suite, plus ou moins six mois après l'installation du nouveau gouvernement élu, on aura des élections locales. Et nous évitons que les gens reçoivent de fausses informations et soient déçus. Il faut attendre, être patient. Ce n'est pas trop demander, après 15 ans de transition, de dire : «Attendez encore quelques jours, quelques semaines.» Les résultats finals, officiels arrivent.