Sur un ton à la fois grave, sur fond de détermination à convaincre son auditoire, Stavros Papaioannou a tenu, debout, un point de presse au siège de sa société au quartier Bon Marché. La salle était pleine comme un œuf.
Mais, le patron de Hewa Bora a tenu à tirer le drap de son côté. Pour lui, son entreprise est irréprochable à tous points de vue. L’avion serait un aéronef de qualité capable de voler en toute sécurité. Quant au pilote, il serait très expérimenté, alignant plus de 5.000 heures de vol avec le Boeing 727. Il totalise 7.300 heures de vol de manière globale. Ce n’est donc pas à un débutant que Hewa Bora a confié l’avion.
D’ailleurs, pour étayer son argument, Stavros Papaioannou a affirmé que le commandant de bord avait servi même pendant les moments difficiles de la guerre dans la partie orientale du pays, avec courage et bravoure. Bref, un homme qui avait rendu d’énormes services à la Nation congolaise, avec toute sa compétence.
D’autre part, il a loué la qualité du travail de maintenance assurée par les agents de son entreprise. Il a rassuré que des contrôles sont systématiquement effectués sur les aéronefs de sa société, conformément à la réglementation.
Aussi, lance-t-il le défi de fermer Hewa Bora, au cas où l’enquête diligentée apporterait la preuve des défaillances qui lui serait imputables. Pour le PDG de Hewa Bora, il serait souhaitable que le fabriquant américain de l’avion fasse également partie de l’enquête. Hewa Bora attend les résultats de l’enquête dans le but, non seulement de sanctionner les coupables, mais aussi d’apporter des améliorations nécessaires pour une meilleure sécurisation des passagers.
La RVA chargée Pour Stavros Papaioannou, la plus grande responsabilité reviendrait à la Régie des voies aériennes, RVA. En effet, soutient-il, l’état de l’aéroport de Bangboka devrait amener les autorités de la RVA à le fermer. «Pourquoi pensez-vous que Kenya Airways n’atterrit plus à Kisangani ?», s’est-il écrié.
D’autre part, le PDG de Hewa Bora pointe du doigt le personnel de la RVA de l’aéroport de Kisangani. «C’était des stagiaires». Il les accuse d’avoir mal orienté l’avion. Au lieu d’indiquer la piste 13 qui était dégagé, les aiguilleurs auraient orienté l’avion à la piste 31 qui n’était pas dégagée. Ainsi, l’avion aurait heurté un arbre lors de son atterrissage à la piste 13 à 1 km du sol, causant des dégâts que tout le monde déplore.
HBA Ne convainc pas
Sans préjuger des conclusions de l’enquête diligentée, il apparaît que des zones d’ombre continuent de planer sur les éléments de défense présentés par Hewa Bora.
Le fait de reconnaître qu’il y avait mauvais temps à Kisangani, même pour les non spécialistes de l’aviation, la solution est de s’orienter vers l’aéroport le plus proche. Tous les experts contactés sont catégoriques à ce sujet, tout comme le très respecté commandant Ilunga. Le compatriote Stavros Papaioannou n’a pas fourni d’explication à ce sujet.
D’où cette intéressante interrogation : à bord des aéronefs de Hewa Bora, n’existe-t-il pas d’appareil pouvant permettre au pilote de se rendre compte que le vent qui souffle au sol ne permettrait pas un atterrissage en toute sécurité ? En plus, comment parler de «chance» dans un domaine où la précision est une règle d’or ?
Quant à l’assurance, les avions de Hewa Bora seraient assurés en Grande-Bretagne auprès de son assureur.
Martin Kabwelulu enfonce Hewa Bora
Quant au ministre intérimaire des Transports et Voies de communication, il est catégorique : «la surcharge et l’erreur de guidage sont à la base du crash de l’avion d’Hewa Bora». Des dysfonctionnements étaient constatés dans le chef des agents de la RVA. Notamment deux de la tour de contrôle et celui qui avait la charge du camion anti-incendie.
Quant à la surcharge, elle est de la responsabilité de Hewa Bora. Et là, il serait difficile d’incriminer les agents de la RVA d’autant que le transporteur a l’obligation de ne pas surcharger l’avion pour éviter les accidents. Par ailleurs, ne pas faire figurer des noms de passagers sur le manifeste est une faute grave aux conséquences lourdes. La radio onusienne citant le ministre Kabwelulu affirme que «les gens qui se sont retrouvés frauduleusement dans l’avion, alors que leurs noms ne figuraient pas dans le manifeste». La confirmation de cette allégation par la commission d’enquête tempérerait sans aucun doute l’arrogance du PDG de Hewa Bora.
Sous d’autres cieux, l’Autorité de l’aviation civile aurait dû commencer par clouer au sol les avions Hewa Bora jusqu’à avoir suffisamment de lumière sur ce qui s’y passe, ce qui s’est passé et qui risque de se reproduire encore. Ce qui vaut pour Hewa Bora vaut également pour toutes les autres compagnies congolaises de transport aérien.
Quant il s’agit des vies humaines, l’on ne doit pas se fier aux aléas, mais aux certitudes afin de limiter les dégâts. Tous les experts restent catégoriques : «l’accident de Kisangani pouvait être évité». Afin de tirer les leçons qui s’imposent, l’Autorité de l’aviation civile en RDC ainsi que le gouvernement sont dans l’obligation de prendre des besoins draconiennes allant jusqu’à des sanctions extrêmes.