La RDC n’a plus qu’un palier à franchir pour atteindre la production annuelle d’un million de tonnes de cuivre. Plus d’une décennie après la mise en œuvre du Code minier (2002), c’est seulement maintenant que le pays commence à en récolter les fruits, voulus à la fois attractifs et révolutionnaires, pour le secteur minier congolais.
Décidément, la RDC a réussi son coup. Car depuis un temps, le secteur minier est en pleine embellie. Des projets mis en œuvre au début des années 2000 sont arrivés désormais à maturité. Mieux, ils portent déjà des fruits. En 2013, pour la première fois depuis la déconfiture de la Gecamines, la RDC a pu rivaliser avec son éternelle concurrente, la Zambie. La production du cuivre a, selon des données gouvernementales, franchi la barre de 900 000 tonnes. Un chiffre qui représente le double de celui réalisé par la Gecamines à son apogée.
L’on se rappelle cependant qu’à l’époque, la Gecamines parvenait à couvrir à elle seule près de 70% des ressources budgétaires. Sa chute, intervenue au début des années 1990, a plongé l’Etat congolais dans un vide budgétaire indescriptible.
La suspension dans la même décennie de la coopération structurelle avec divers partenaires au développement, principalement le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, a finalement plombé les finances du pays. Conséquence : recours à la planche à billets pour combler le déficit chronique du Trésor.
La reprise, dès 2001, de la coopération structurelle a permis, certes, de réanimer le pays ; cela par voie des appuis budgétaires. Toutefois, elle n’a pas pu combler le vide laissé par l’implosion d’un secteur minier porté jadis par la Gecamines.
Aujourd’hui, la RDC doit s’appuyer essentiellement sur les régies financières traditionnelles (DGI, DGRAD et DGDA) et certaines ressources extérieures sporadiques (appuis budgétaires, ressources PPTE, etc.) pour financer son budget. Mais à y regarder de près, c’est à peine si on peut retrouver traces des revenus substantiels du secteur minier.
Et pourtant, c’est depuis quelques années que la RDC a renoué avec une production largement positive. En agrégé, la production minière pour la seule filière cuprifère avoisine les 920 000 tonnes. Un chiffre de loin supérieur à ce qu’a réalisé la Zambie en 2013.
Le paradoxe
Par principe, ce record, jamais réalisé dans l’histoire minière de la RDC, suggère une amélioration sensible du quotidien des Congolais au regard de l’enviable taux de croissance fixée à 8,5% en 2013. Un coup d’œil sur le budget de l’exercice 2014 laisse dubitatif.
La part des mines dans les recettes de la République ne dépasse guère les 10% du budget national. Qui bénéficie donc du fruit de la bagatelle de 6 milliards USD tirés pour la seule année 2013 dans le secteur minier ? Il appartient aux pouvoirs publics concernés d’y répondre. Entre-temps, toutes les prévisions entrevoyaient une croissance significative de la production du cuivre en 2014. En interne, le pays a mené des reformes dans le secteur.
A ce jour, la RDC a repris sa place de leader continental dans la production cuprifère, détrônant la Zambie sur l’échiquier africain. Malheureusement, cela ne se ressent pas dans le budget national qui, apparemment, ne tire pas un meilleur parti des ressources du secteur minier.
Le constat fait c’est que, malgré l’embellie, l’on est encore loin, très loin de l’époque de la Gecamines qui faisait plus avec une production moyenne. La situation actuelle appelle explications. Où se situe le goulot d’étranglement ? Qu’est-ce qui empêche le pays de tirer les dividendes bien mieux en ce moment où foisonnent des « minings » de toutes les dimensions dans la province du Katanga ?
Il devient clair que quelque part, l’Etat congolais a perdu de son influence sur une quotité non négligeable de son revenu issu de la production cuprifère. Sur les 920 000 tonnes de la production de 2013, la Gecamines - seule société commerciale du secteur détenue entièrement par l’Etat congolais - ne peut revendiquer que la modeste production d’environ 50.000 tonnes, soit 5% du total de la production de l’année 2013.
Le reste de la production, soit près de 95%, est réparti entre toutes les multinationales qui opèrent dans le secteur, notamment Tenke Fungurume Mining, et ENRC, lesquelles bénéficient entièrement de la manne budgétaire au grand dam de la RDC. Celle-ci a pris l’habitude de se contenter de maigres impôts, droits et autres taxes recouvrées dans le secteur.
A quand peut-on espérer que tout l’argent perçu dans le secteur atteindra réellement le compte général du Trésor ? Seule la volonté politique suffit.
Dans ces conditions, l’on ne peut pas s’étonner que, malgré une production annuelle de cuivre avoisinant le million de tonnes en 2013, le gouvernement ne parvienne à aligner qu’à peine 7% des ressources tirées du secteur minier.
Changer de cap
Ce décor offre le cliché instantané de ce que la RDC est en droit d’attendre de l’investissement qui lui revient de droit. La différence du chiffre d’affaires est contrôlée ailleurs. Dans le cadre des joint-ventures conclues avec les privés, le Trésor public ne perçoit plus que des redevances, des impôts et autres taxes. Lors du partage des bénéfices, l’Etat congolais ne peut prétendre qu’à une portion congrue.
Quelle serait alors la voie de sortie ? Elle n’est pas loin en tout cas. Car pour que l’Etat tire profit de l’embellie minière, principalement dans le cuivre et le cobalt, il doit se jeter dans la pâture en s’investissant dans la production, au lieu de se contenter de maigres perceptions fiscales.
En son temps, la Gecamines parvenait à couvrir 70% des ressources budgétaires. Cette époque est pour l’instant révolue ; l’Etat congolais ayant depuis le Code minier de 2002 décapité la Gecamines en concluant des partenariats avec des privés. Aujourd’hui que le cuivre a repris de la vigueur, ce sont ces opérateurs miniers, privés, qui tirent leur épingle du jeu.
Si, pour le moment, notent les experts du secteur minier, l’heure n’est plus à l’euphorie de la fin des années 2000, les mines africaines voient le bout du tunnel. Elles viennent de faire leur retour sur la scène internationale, prédisent-ils. Les métaux attirent à nouveau les investisseurs. C’est une des conclusions qui s’est dégagée de la conférence Mining Indaba, qui s’est achevée début février 2014 à Cape Town, en Afrique du Sud.
Regroupant les acteurs les plus importants du marché des métaux, la conférence d’Indaba prédit de belles perspectives pour les mines africaines, spécialement le cuivre. C’est dire que la RDC a tous les atouts pour franchir la barre d’un million de tonnes de cuivre en 2014. Mais, saura-t-elle cependant tirer son compte dans ce rebond de la production ? C’est toute la clé de l’énigme. ’’Qui veut, peut’’, dit-on. Il s’agit de s’y mettre, sérieusement.