L'article 115 de la Constitution fixant la première session ordinaire du 15 mars au 15 juin, c'est demain vendredi que s'ouvre la double session parlementaire pour l'Assemblée nationale et le Sénat. D'où la séance de travail que les présidents des deux chambres, en chair et en os, ont eue mardi dernier au Palais du peuple en vue d'harmoniser le calendrier des travaux et, surtout, apaiser une rentrée qui s'annonce chaude en raison du caractère sensible des arriérés législatifs, mais aussi des nouveaux dossiers qui s'ajoutent à ceux, demeurés brûlants, de l'année dernière.
Bundu dia Kongo et Ne Muanda Nsemi
Actualité oblige, le dossier Bdk pourrait requérir un traitement en urgence parce qu'il va falloir répondre à deux questions de fond. La première sur la nature du mouvement ; la seconde sur la qualité de député national de Ne Muanda Nsemi.
Effectivement, Bdk refuse jusque-là de se déterminer. Il se veut à la fois une organisation religieuse et une organisation politique. Or, l'article 1er de la Constitution consacre la laïcité de la RDC et la loi n°04/002 du 15 mars 2004 toute assimilation des partis politiques à des organisations religieuses. De ce point de vue déjà, Bdk n'est pas une organisation politique. A l'alinéa a de son article 5, cette loi dispose que « Dans leurs création, organisation et fonctionnement, les partis politiques veillent à leur caractère national et ne peuvent ni s'identifier à une famille, à un clan, à une tribu, à une ethnie, à une province, à un sous-ensemble du pays, à une race, à une religion, à une langue, à un sexe ou une quelconque origine, ni instituer toutes discriminations fondées sur les éléments ci-dessus ». Donc, Bdk a tout d'une organisation religieuse. Seulement voilà : il fonctionne en plus en violation de la Constitution dès lors qu'il entretient au travers de ses « Makesa » quelque chose de semblable à « des formations militaires, paramilitaires ou des milices privées » ou à « une jeunesse armée ». (article 190).
En ce qui le concerne, Ne Muanda Nsemi s'est volontairement défait de sa nationalité congolaise pour en avoir appelé à la balkanisation du pays. Dans son interview à Rfi, répondant à la question de savoir s'il revendiquait l'indépendance du Bas-Congo, il s'est clairement prononcé pour un Etat fédéré réunissant les Bakongo de la RDC, de l'Angola, du Congo-Brazzaville et du Gabon ! Ce qui a pour conséquence logique de lui faire perdre la nationalité congolaise et son mandat de député national !
Loi sur l'Amnistie
Actualité oblige également, le cas Nkunda Nkunda pourrait requérir le même traitement en urgence. Signataire, par le Cndp interposé, de l'Acte d'Engagement issu de la Conférence de Goma, le général démissionnaire attend de la partie institutionnelle (Gouvernement et Parlement) l'édiction de la loi sur l'amnistie. Pour rappel, le Gouvernement a eu 5 engagements avec les groupes armés congolais dont le premier consiste à présenter au Parlement le projet de loi dont question.
Dans une interview à Rfi avant-hier, il dit n'avoir jamais été accusé de crimes de guerre. « Je n'ai jamais commis un crime de guerre, donc je suis confortable dans cette amnistie. Ils ont parlé d'un mouvement insurrectionnel, c'est cela l'infraction », a-t-il déclaré, ajoutant au sujet du mandat lancé contre lui à la suite des événements de Bukavu en 2004 qu'il « n'a pas été renouvelé » et que « il est nul et sans effet » !
Il n'empêche qu'au-delà des considérations d'ordre politico-juridico-judiciaire, il y a la tragédie humaine occasionnée au Kivu par ceux autour de qui gravitait Nkunda et ceux qui gravitent autour de lui. Selon les ong humanitaires internationales, la guerre du 2 août 1998 avec ses « dérivés » ont fait près de 5.600.000 morts pour causes directes ou indirectes. Un vrai génocide quand on applique le principe établi par Ryszard Kapuscinski dans son ouvrage « Un siècle de barbarie ». Ce chercheur dit du génocide qu'il « ?est un acte criminel prémédité, systématiquement organisé et mis en ?uvre, avec pour objectif l'extermination des communautés choisies selon des critères de nationalité, de race ou de religion ». Au Parlement, des voix pourraient se lever pour conditionner l'amnistie à laquelle prétend Laurent Nkunda.
Décentralisation et Magistrature
En ce qui concerne les Lois sur la Décentralisation et sur le Conseil supérieur de la magistrature, il est important de rappeler que la première est déjà malmenée par l'action judiciaire ouverte à charge de la loi budgétaire pour l'exercice 2008 tandis que la seconde énerve le corps judiciaire à la suite des nominations et mises à la retraite opérées au sein de la Magistrature. L'auteur de la demande d'abrogation totale de la loi budgétaire pour « inconstitutionnalité » est l'honorable sénateur Vincent de Paul Lunda Bululu. Pourtant, la loi sur la Décentralisation sur laquelle devra s'appuyer la loi budgétaire est encore sous examen au Parlement. On s'attend à un débat intellectuel fort éloigné des préoccupations premières du citoyen.
Quant à la loi sur le Csm, elle est également sous examen au Parlement. Elle fait cependant parler d'elle depuis la promulgation des ordonnances présidentielles du 9 février 2008. Le débat, tout aussi intellectuel, portera sur la fonctionnalité du Csm sans les lois organiques portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat.
En effet, à l'article 152 relatif à la composition du Csm, la Constitution prévoit parmi les vingt membres de cet organe le Président de la Cour constitutionnelle, le Procureur général près la Cour constitutionnelle, le Premier Président de la Cour de cassation, le Procureur général près la Cour de cassation, le Premier Président du Conseil d'Etat et Procureur général près le Conseil d'Etat. Or, ces magistrats n'existent pas étant donné que les ordres au sein desquels ils sont censés évoluer n'existent pas non plus ! Le Parlement devra s'attendre à des Cicéron, Démosthène, Isocrate, Eschine et autres Antiphon pour soutenir ou non la thèse de la violation de la Constitution par le président de la République.
Sort des rapports des missions d'enquêtes
On se souviendra qu'au cours de l'année 2007 ? la première de son fonctionnement ? le Parlement a initié une bonne dizaine d'enquêtes dont, parmi les plus connues, celles relatives à Kahemba, à Bundu dia Kongo, à Katanda et au crash de Kingasani. Fait curieux : même quand il a été question d'en débattre à huis clos, certains rapports sont demeurés « muets » ! Le cas du rapport Bdk est des plus édifiants puisqu'il a fallu les derniers événements au Bas-Congo pour qu'on entende Ne Muanda Nsemi évoquer la recommandation parlementaire d'une table ronde sur le Bas-Congo ! A l'occasion de la session qui s'ouvre demain, il est déjà sûr et certain que les députés nationaux ou les sénateurs vont réclamer des éclaircissements sur les raisons pour lesquelles ces rapports des missions sont couverts d'une grosse chape de silence. Première patate chaude.
Quid du moratoire sur la double nationalité
On se souviendra aussi que la motion sur la double nationalité a été la première à « saluer » la session extraordinaire consacrée à l'installation de l'Assemblée nationale en janvier 2007. Du nom du député national Mlc José Makila ? élu sur ces entrefaites gouverneur de la province de l'Equateur ? cette motion avait failli faire de la chambre basse un mort-né quand on s'était rendu compte que les honorables visés étaient aussi bien à l'Amp et à l'Un que chez les Indépendants ! Trois mois leur avaient été donnés pour se conformer à la loi. On en est maintenant au 14ème ! Avec la session de demain, cette autre patate chaude pourrait revenir sur la table.
Porte-parole de l'Opposition politique
La troisième patate est déjà sur la table d'une Opposition politique obligée de se saisir de la session mars-juin pour procéder à la désignation de son porte-parole. Il est vrai que le règlement intérieur de l'Opposition n'est pas encore adopté ; l'une des raisons du retard étant les vacances parlementaires prises par bon nombre d'élus. Mais, il est tout aussi vrai que le temps pressant, l'Opposition - forte de sa loi - a besoin d'user des droits qui lui sont conférés dont celui d'être tenue informée par le Gouvernement de toute question d'intérêt national. Les empoignades s'annoncent fortes dans la mesure où le Mlc revendique le poste dans l'espoir d'obtenir par ricochet le retour de son président national. Or, les autres acteurs majeurs de l'Opposition ne l'entendent pas de cette oreille. Gilbert Kikwama de la Cdc, par exemple, anime la croisade anti-Mlc à cet effet.
Pouvoir requinquant
La session ordinaire de mars s'annonce donc chaude parce qu'en plus, elle coïncide avec l'An 1 du Gouvernement Gizenga et s'ouvre la veille du démarrage effectif des 5 Chantiers ; double événement au c?ur des rumeurs ayant donné Kabila pour « mort », Gizenga pour « séquestré », Kengo pour « exilé » et Kamerhe pour « démis ». Ayant fait preuve de pondération dans la gestion des sessions ordinaires et extraordinaires de l'année passée, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat sont conscients de l'impératif de calmer le jeu. On peut leur faire confiance?
Omer Nsongo die Lema