Le Tribunal militaire de Garnison des Cataractes et de la Lukaya à Mbanza-Ngungu, siégeant en matière répressive au premier degré, a tenu une audience foraine le 1er avril 2008 à Lukala, à environ 150 km de Matadi, dans un dossier de viol avec violence sur mineurs.
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Les faits
Charlotte - appelons-là ainsi par souci d'anonymat - participe avec ses parents à une fête dans une église de Lukala. Elle ressent un besoin physiologique pressant et s'éloigne d'une trentaine de mètres environ pour le satisfaire. Malheureusement pour elle, chemin faisant, elle tombe sur un agent de police. Il s'agit de Miandambu Kalume, de la Police Nationale Congolaise (PNC) affecté au poste de garde de la radio de la Société d'Exploitation Pétrolière du Congo (SEP) de Lukala. Il braque son arme sur elle et lui déclare qu'elle est en état d'arrestation. Il lui intime alors l'ordre de le suivre au poste de police.
A environ 800 mètres de son poste de garde où il était seul, l'agent Kalume entraîne Charlotte dans la brousse, la fouille et lui prend les 1.700 francs congolais qu'elle a sur elle. Il lui arrache ensuite violement ses vêtements, la bâillonne avec sa chemise et la viole. Charlotte n'a que 14 ans. Elle saigne abondamment. Elle vient de perdre sa virginité.
Son agresseur la menace de mort si elle révèle son viol. Audacieux et sans scrupules, il l’a raccompagne jusqu'au lieu où il l'a trouvée, à proximité de l'église. Il tombe nez à nez sur les parents de Charlotte qui étaient déjà activement à la recherche de leur fille.
Plus tard, la mère voyant sa fille saigner, la conduit à l'hôpital. Le médecin diagnostique un traumatisme génital post sexuel. La mère de Charlotte, sous le choc, parle avec sa fille, puis décide de porter plainte pour viol sur son enfant.
Entre temps, l'agent Kalume est arrêté par son supérieur pour abandon de poste. Interrogé après la plainte, il affirme qu'il était parti chercher des cigarettes et est tombé sur une dame à qui il a proposé une relation sexuelle.
Le plaidoyer
Pour la défense, la preuve de la minorité de la victime n'est pas établie car aucune pièce d'identité n'a été présentée devant le tribunal, même si la victime paraît jeune. Par ailleurs, elle indique que c'est plutôt le présumé qui aurait remis 650 francs congolais à la victime après le rapport sexuel en payement de l'acte alors que celle-ci exigeait 1.500 francs. Enfin, la défense se plaint du défaut d'un acte de l'état civil qui pourrait établir le lien de filiation entre la plaignante et la victime.
Le verdict
Après le délibéré des juges, l'agent Kalume, conformément à la constitution de la RDC et aux différentes dispositions du code militaire et civil, est condamné à 18 ans de servitude pénale pour viol et vol avec violence assortis d'un renvoi de la police et d'un payement de dommages et intérêts d'un montant de 10.000 dollars US à la victime.
Le condamné a 5 jours pour formuler un recours en appel.
Pour le Président du Tribunal, la justice militaire a lancé une campagne pour décourager les viols d'une manière générale, et plus particulièrement, ceux commis par les forces de l'ordre et de sécurité. Le processus va donc se poursuivre dans d'autres localités.
Ce qu'en pense la population
Selon plusieurs témoins, l'agent Kalume n'est pas à son premier forfait, tout comme d'autres policiers et militaires violeurs qui sont toujours en liberté. Pour les habitants de Lukala, le tribunal a prononcé un bon jugement qui débarrasse la localité d'un bourreau.
Près de 1000 personnes ont assisté à ce procès ouvert au public. Une affluence qui va sans doute permettre aux nombreuses victimes encore silencieuses d'avoir le courage de dénoncer leur bourreau.