Une commission mixte mise sur pied pour discuter des expulsions mutuelles et d’autres contacts pour une gestion normalisée des relations entre les deux pays voisins
Après plus de trois semaines de tension larvée autour des expulsions croisées de leurs ressortissants respectifs, Kinshasa et Luanda viennent de décider une trêve en suspendant ces opérations. Selon des sources proches du ministère des Affaires étrangères, cette mesure a été prise pour permettre aux officiels de discuter sereinement sur les différends qui les opposent.
On indique, en effet, que les expulsions de ces dernières semaines ne sont que la manifestation d’une crise autrement plus sérieuse. Selon des sources bien introduites, cette crise tournerait autour de l’exploitation du pétrole dans la zone d’intérêt commun entre la RDC et l’Angola. L’affaire, rapportent nos sources, remonterait à l’accord ad hoc signé, voici plus d’un an, notamment par le ministre des Hydrocarbures d’alors pour le compte de la RDC. Mais, Luanda n’aurait pas digéré le revirement de Kinshasa qui, en adoptant la loi sur la délimitation des frontières maritimes, loi dont certaines dispositions auraient remis en cause les clauses de l’accord précédent. De plus, indique-t-on encore, la RDC aurait porté l’affaire aux Nations Unies, ce qui aurait aussi désappointé l’Angola dont les exploitations pétrolières sont très avancées dans la zone d’intérêt commun.
Hier, une délégation angolaise est arrivée à Kinshasa pour discuter avec les officiels congolais sous la conduite du ministre des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba. Cette délégation est composée des vice-ministres des Relations extérieures, de l’Intérieur et de la défense ainsi que d’un responsable de l’immigration. Rien n’a filtré des échanges d’hier qui se déroulaient à huis clos. On espère seulement qu’ils aboutissent à un terrain d’entente pour mettre fin à l’escalade diplomatique qui envenimait dangereusement les relations entre les deux pays.
Le gouvernement congolais a pris acte, hier lundi 12 octobre 2009, de la suspension des vols de la compagnie aérienne angolaise, TAAG, vers la RDC. C'est le ministre de la Communication et des Médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, qui l'a fait savoir à radiookapi.net tout en indiquant que l'Exécutif congolais n'a pas encore reçu la notification officielle de la décision angolaise sur la suspension des vols de la TAAG vers la RDC.
" Nous ne connaissons pas les motifs de cette suspension indéterminée des vols de cette compagnie commerciale. Nous allons probablement recevoir une communication du gouvernement angolais qui détaille les raisons de cette suspension. Nous attendons probablement la communication du gouvernement angolais avec les détails des identités de ses ressortissants illégalement expulsés de la RDC. Si ces cas se vérifient, cela fera partie de l'agenda des discussions prévues entre les deux pays ", a déclaré le ministre congolais de la Communication et des Médias à radiookapi.net. Lambert Mende Omalanga a précisé que le gouvernement congolais n'a pas encore reçu la notification officielle de la décision angolaise sur la suspension des vols de la TAAG. Pour lui, cette situation n'empêchera pas les deux pays de vivre en bonne intelligence.
Au sujet d'une commission mixte RDC-Angola mise sur pied pour discuter de la question des expulsions mutuelles, le ministre Lambert Mende a affirmé que la commission va se réunir prochainement, mais sans préciser de date. Il a encore souligné que d'autres contacts moins formels sont en cours entre les autorités congolaises et angolaises pour une gestion normalisée des relations entre les deux Etats. " Il serait irresponsable à ce niveau de porter cette question devant les instances de la SADC. Cela reviendrait à donner l'impression que les deux Etats ne croient pas en leurs capacités de gérer cette petite fâcherie au niveau bilatéral ", a précisé le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement congolais.
Sur le plan humanitaire, a souligné le ministre Lambert Mende, le gouvernement congolais fait de son mieux pour faire face à la situation humanitaire préoccupante des rapatriés.
Des vols suspendus depuis jeudi dernier
Pour rappel, l'Angola a suspendu, depuis jeudi 8 octobre dernier, les vols de sa compagnie aérienne nationale, la TAAG, à destination de la RDC. Une décision prise en riposte à l'opération de l'expulsion de milliers d'Angolais, selon un communiqué du ministère angolais des Relations extérieures. Les Angolais expulsés de la RDC résidaient légalement sur le territoire congolais, a indiqué radiookapi.net qui a exploité le communiqué du ministère angolais en charge des Relations extérieures.
Le gouvernement angolais a qualifié de disproportionnée et d'excessive l'expulsion de ses ressortissants de la RDC. Cette mesure de représailles n'a pas son pareil avec l'action légale et légitime du gouvernement angolais. Celui-ci a décidé de rapatrier les citoyens de la RDC en séjour illégal sur le territoire angolais, annonce le même communiqué. Les Congolais expulsés s'adonnaient à l'exploitation et au trafic illicite du diamant, perturbant ainsi la loi et causant de sérieux dommages à l'économie, à l'environnement et à la stabilité de l'Angola, selon le même communiqué. C'est depuis lundi que la RDC a généralisé les expulsions des Angolais en situation irrégulière en RDC. Près de 16 mille Angolais ont été rapatriés, selon les chiffres fournis par les autorités angolaises.
Du côté angolais, l'expulsion des Congolais se poursuit. Près de mille Congolais expulsés ont regagné le pays par Boma dimanche. Ils proviennent des provinces angolaises de Cabinda et de Soyo. Ces Congolais affirment qu'ils sont butés à plusieurs difficultés sur le chemin de retour. Ils manquent de nourriture et des structures d'accueil. Beaucoup d'entre eux parcourent de kilomètres à pied pour rejoindre les villes congolaises frontalières à l'Angola.
En Angola, les Congolais vivent dans la peur
Les Congolais restés en Angola vivent dans la peur de leur rapatriement. Des témoignages recueillis par radiookapi.net indiquent que les autorités angolaises expulsent indistinctement les Congolais vivant en situation régulière et irrégulière. "Le Congolais vit un calvaire ici en Angola. On nous maltraite, nous poignarde, et dépouille de tout. Nous sommes humiliés par la population angolaise en collaboration avec les agents de l'ordre depuis que cette opération de rapatriement des Angolais a commencé. C'est vrai qu'il y a beaucoup de Congolais qui vivent illégalement ici; mais, il y a aussi ceux qui vivent légalement. Les services de la migration avaient émis une carte de résident; et le comble est que les autorités de la DEFA (l'équivalent de la Direction générale des migrations congolaise) déchirent le dit document, alors qu'il nous a été vendu à au moins 600 $. ", a déclaré un Congolais qui vit encore en Angola.
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