L'organisation internationale Greenpeace vient de rendre public un rapport accablant contre un exploitant forestier opérant en RDC dans le secteur du bois. Près de 8 millions d'euros dus au Trésor public ont pris une destination inconnue à travers des mécanismes de sous-facturation et de minoration de l'assiette de recettes fiscales. La firme incriminée rejette ces accusations, jugée « sans fondement ». A l'heure de la conversion des titres forestiers, la RDC doit ouvrir l'?il et le bon.
Ce que Greenpeace appelle « arnaques au Congo » est le résultat d'une enquête menée par cette organisation internationale de protection de l'environnement. Dans le rapport rendu public hier à Zurich et à travers le monde où il est actif, Greenpeace démontre les mécanismes par lesquels la filiale d'une firme internationale « blanchit ses profits à l'étranger pour échapper à la fiscalité locale ».
A travers « un système sophistiqué », la multinationale de nationalité allemande fait le transfert de ses profits réalisés en RDC dans des comptes bancaires en Europe. Greenpeace soutient que la comptabilité tenue en République démocratique du Congo est différente de celle élaborée en Europe, a confié un membre de cette organisation à Kinshasa.
MANQUE A GAGNER EVIDENT
Les pertes cumulées pour les deux Congo sont évaluées par l'organisation internationale à plus de 8 millions d'euros. Ce montant représente « cinquante fois le budget de fonctionnement du ministère de l'Environnement de la RDC », regrette Greenpeace.
Plus explicite, l'organisation internationale considère la sous-évaluation du prix de vente des grumes à sa correspondante établie en Suisse. Des valeurs plus basses sont déclarées en RDC alors qu'à l'extérieur les prix appliqués sur les marchés internationaux sont de loin supérieurs. L'objectif visé est de ne pas payer conséquemment les taxes dues à l'Etat.
Au même moment, l'exploitant forestier industriel incriminé par le rapport déclare des pertes en fin d'exercice en RDC. Pour les mêmes exercices, dans une période de six ans, des ressources conséquentes ont alimenté les comptes bancaires, révèle Greenpeace. Dans ces conditions, l'assiette imposable devient étroite et le manque à gagner évident pour le Trésor public. L'impôt sur le bénéfice n'étant pas payé.
Cette stratégie était également de mise dans le paiement des salaires des expatriés. Des salaires réels sont versés dans des comptes bancaires en Europe plutôt qu'en RDC afin d'éviter que l'imposition de 25 % ne leur soit appliquée. Sans être affirmatif, Greenpeace révèle aussi que des investissements promis dans le cadre du Code des investissements ou du Code forestier n'ont jamais été réalisés. Et pourtant, des exonérations ont été effectivement accordées par la partie congolaise sans contrepartie de la part de l'exploitant soumis à l'enquête.
Toutes ces pratiques ne permettent pas aux gouvernements nationaux et régionaux, les propriétaires forestiers et les communautés locales de bénéficier des produits issus de l'exploitation des forêts en RDC.
GERMES DE LA FRAUDE
Greenpeace qui s'intéresse à l'exploitation durable des forêts congolaises, tient à ce que les exploitants respectent la législation laborieusement mise en place, en payant toutes les taxes revenant à l'Etat congolais. Non seulement la redevance sur la superficie mais également la taxe à l'exportation des grumes et toutes les autres prévues par la loi.
Aussi, ne faudrait-il pas que le processus de conversion des titres forestiers en contrats de concessions forestières ne porte en elle les germes de la fraude qui s'appliquent dans la fiscalité.
A Zurich où elle a animé une conférence de presse, Michelle Medeiros, coordinatrice de campagne forêts en Afrique de Greenpeace international, a déclaré que « la RDC est un des pays les plus pauvres de la planète et le fait que des entreprises étrangères cherchent par tous les moyens à ne pas payer les taxes est tout simplement scandaleux ». Elle ajoute : « le pire est que la communauté internationale dépense des milliards d'euros pour aider la RDC à se redresser des années de guerre, et reste impassible quand des entreprises étrangères continuent de piller les forêts du Congo en pratiquant l'évasion fiscale et la fuite des capitaux ».
NOUVELLE APPROCHE
Afin de mettre fin à ces pratiques et décourager des émules, il est proposé que l'IASB, le bureau des standards comptables internationaux, impose à l'ensemble des entreprises multinationales de déclarer, dans leurs comptes consolidés, leurs activités commerciales pays par pays. Cette approche permettrait d'identifier les revenus et dépenses internes et externes d'un groupe dans chacun des pays où il opère et de minimiser les risques d'abus sur les prix. Une telle exigence imposée par IASB aurait valeur de loi internationale, suggère l'ONG internationale.
Sur le site web de la firme allemande accusée, les allégations de Greenpeace sont considérées comme sans fondement d'autant que toutes les taxes sont régulièrement payées conformément à la législation fiscale en vigueur en RDC.
D'ailleurs lit-on, plus de trois millions de dollars américains dans le secteur social au bénéfice des riverains