Depuis le samedi 30 août le poste douanier de Bunagana situé à la frontière avec l'Ouganda dans le territoire de Rutshuru, est fermé sur décision du gouvernement central de Kinshasa, relayée par le gouverneur de la province du Nord Kivu. Julien Paluku l’a annoncé au lendemain de son retour de Kinshasa où il venait de participer avec ses homologues d’autres provinces à la concertation avec le ministre d’Etat à l’intérieur sur la rentrée scolaire avec à l’affiche la distribution des kits scolaires. On estime, à l’occasion, que le gouverneur Paluku aurait probablement reçu des instructions de la haute hiérarchie, en rapport avec la situation qui prévaut dans son fief.
De l’avis des observateurs et analystes, plusieurs raisons militent en faveur de cette décision gouvernementale.
Premièrement, sur le plan administratif, on relève que depuis qu’une partie du territoire de Rutshuru échappe au contrôle de l’Administration centrale à cause de la rébellion du CNDP, les recettes générées par le poste douanier de Bunagana n’arrivent plus à Kinshasa où se trouve la direction générale de l’entreprise, en l’occurrence l’Office des Douanes et Accises.
Ce qui cause un énorme préjudice non seulement au gouvernement qui a besoin de mobiliser des fonds pour la réalisation des 5 chantiers du chef de l’Etat, mais aussi à l’entreprise qui se retrouve handicapée pour son bon fonctionnement.
La deuxième raison se veut politique. Il a été constaté que les recettes générées par ce poste frontalier constituent l’une des ressources, si pas la principale, de la survie du CNDP. Ces recettes permettraient également à la rébellion le ravitaillement.
Donc sa fermeture risque de constituer un coup dur pour le mouvement du général dissident, Laurent Nkunda.
Il importe de signaler que la fermeture de la douane de Bunagana implique ipso facto celle de tous les services de l’Etat, notamment la DGM, l’ANR, etc.
Les élus s’impliquent
Le Phare a appris que la décision a été précédée par beaucoup de tractations parmi lesquelles celles des députés nationaux élus du Nord-Kivu. Et particulièrement ceux de Rutshuru et de la ville de Goma et environs.
Ces derniers ont eu des entretiens très serrés avec le président de leur institution, Vital Kamerhe.
Ces entretiens qui s’étaient déroulés à huis à l’Hôtel Ihusu lors du passage de Vital Kamerhe à Goma, en route pour Bukavu, ont porté sur l’exigence de la population locale. Pour celle-ci, la fermeture de Bunagana se voulait une nécessité. Car, estimait-elle, cela couperait la rébellion de ses mamelles financières.
Les députés nord-kivutiens à la tête desquels se trouvait Jean Bosco Barahima, élu de Rutshuru, et aussi ses collègues Mwami Buunda Barokide du même territoire, de Bakungu Mitonde et de Jean Claude Kahembe Rwandinda, respectivement élus de Goma et de Nyirangongo, ont exprimé au premier d’entre eux les desiderata de leurs électeurs.
En réponse, le président de la chambre basse a promis de s’impliquer. Est-ce la preuve de son implication ? D’aucuns n’excluent pas cette possibilité aussi longtemps qu’on reconnaît à Vital Kamerhe cette grande capacité de manœuvrer pour le compte de la population.
Surtout que dans ses vacances parlementaires aux allures nationales, parce que devant parcourir bon nombre de provinces de l’Est, le président de l’Assemblée nationale ne cache pas dans ses entretiens avec la population, qu’il est porteur d’un message du chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange.
Le bon geste de Kampala
Dans la même journée de samedi, soit quelques heures après l’annonce de la décision de Kinshasa de fermer le poste frontalier de Bunagana, Kampala a aussi pris la décision interdisant tout véhicule en provenance de l’Ouganda de passer par cette frontière.
Une façon claire de témoigner sa solidarité à Kinshasa et surtout sa volonté de respecter les accords conclus entre les deux gouvernements pour mettre fin aux mouvements des groupes armés et rébellions qui opèrent à leurs frontières communes.
Pour les observateurs de la scène politique dans les Grands Lacs, l’Ouganda vient de poser là un grand geste dont les autres voisins, notamment le Rwanda devra s’inspirer si on veut réellement mettre un terme à l’insécurité ayant élu domicile dans cette partie du continent.
L’ambassadeur ougandais en Rdc, Steven, joint au téléphone, a confirmé la mesure de son gouvernement, ajoutant qu’il venait de s’entretenir avec le ministre des Affaires étrangères, Mbusa Nyamwisi.
Avant de déclarer que Kampala, s’étant engagé dans la dynamique de la paix, ne pouvait pas agir autrement. Et que sa présence en poste à Kinshasa en est la preuve.