Le Commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire, Karel De Gucht, vient de connaître un triste sort en Belgique à la suite de sa dernière sortie médiatique, le week end dernier, contre le vice-premier ministre et ministre belge des Affaires étrangère, Vanackere. En effet, à l’occasion, hier, d’une cérémonie d’échange des vœux, Alexandre De Croo, Président du Parti libéral flamand (VLD) dont De Gucht est membre a ouvertement désavoué ce dernier en prenant ses distances par rapport à ses propos et en apportant son appui au ministre des Affaires étrangères. De Croo a rappelé que son parti s’en tient à l’option levée par le Gouvernement belge sur la RDC : respect et dialogue avec les dirigeants congolais. Pour le VLD donc, il n’est plus question de diplomatie du mégaphone dans laquelle s’est tristement distingué Karel De Gucht.
Dans la ville haute à Kinshasa, les derniers propos de Karel De Gucht ont été lus diversément comme uniéme acte d’indélicatesse envers les autorités congolaises à qui il tendait à attribuer la responsabilité directe de ce qu’il reprochait au Gouvernement congolais. En effet, son propos tendait à faire croire que c’est le Président Kabila et son Gouvernement qui commanditeraint les exactions et l’insécurité qui prévaudraient encore à l’Est du pays alors qu’il est bien connu que c’est le même Kabila qui, contre toute attente, a lancé les opérations en cours et qui sont entrées dans une phase de réduction des dernières poches des FDLR.
Par ailleurs, à présent que la haute direction du VLD s’est clairement prononcée sur le dossier congolais, un analyste à Kinshasa se demande comment réagiraient tous ceux qui, dans la classe politique congolaise, de l’opposition comme de la majorité, ont pris plaisir à relayer les propos de De Gucht ou à les comprendre ? Le même observateur déplore, par ailleurs, qu’il se soit trouvé des politiques congolais, toutes tendances confondues, à cautionner, directement ou indirectement, les propos de De Gucht. Et de s’interroger : « voulaient-ils être plus royalistes que le roi ? »
Pour rappel, le très bientôt ancien commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire reprochait à son successeur à la diplomatie belge d’avoir été, selon lui, «complaisant» avec le Chef de l’Etat congolais qui l’a reçu à Lubumbashi et avec qui il a partagé, toujours selon De Gucht, « un verre de bière ». Karel De Gucht faisait certainement allusion à une des photos immortalisant Kabila et Vanackere en train de trinquer avec des coupes de vin rouge, en tous cas pas des verres de bière.
Dans son envolée médiatique, l’ancien chef de la diplomatie belge dit ne pas comprendre une telle attitude de son successeur qui semble indiquer qu’en RDC, la paix est revenue à l’Est, que les viols ont cessé, que la corruption a été jugulée et que la bonne gouvernance a été instaurée ; bref, tous ces griefs qu’il ne s’embarrassait pas de cracher sans fard au visage des officiels congolais. Il se console, enfin, et ne regrette pas de n’avoir pas, lui, été « complaisant » avec les Congolais, vantant par là la rigueur, voire l’excès de ses propos qui avaient amené le Gouvernement congolais à suspendre les relations avec la Belgique pendant plus de huit mois.
Réponse du berger à la bergère, Steeven Vanackere n’a pas manqué de mot pour signifier à De Gucht, d’abord qu’il ne conçoit pas la diplomatie comme un promontoire d’où l’on donnerait des leçons. Ensuite, que son approche diplomatique est d’observer et écouter en ce moment où il prend à peine ses fonctions à la tête de la diplomatie belge. Enfin, que loin d’avoir été complaisant, il a eu, avec Joseph Kabila, des entretiens courtois au cours desquels tous les sujets ont été abordés.
Vanackere se dit également conscient qu’il y a du travail à faire pour rétablir complètement la confiance entre Bruxelles et Kinshasa. Dans cette perspective, il reconnaît, au détour des mots, que la visite attendue du Roi Albert II en RDC, à l’occasion des cinquante ans d’indépendance de ce pays, revêt un enjeu particulier. Il s’en convainc d’autant plus que bien d’autres chefs d’Etat sont attendus à Kinshasa qui, manifestement, attend du déplacement de Albert II un geste symbolique d’une normalisation complète. C’est, en tous cas, ce que l’on doit comprendre lorsqu’il dit : « j’ai le sentiment qu’il faut donner quelque chose pour avoir ce que l’on cherche en retour. »
En s’invitant dans les relations belgo-congolaises, lui qui est devenu commissaire européen, Karel De Gucht commet là une interférence dans la politique interne de la Belgique ; une intervention qui révèle à nouveau la psychologie qui continue de prévaloir au sein de la classe politique belge sur le dossier congolais. A n’en point douter, Kinshasa et Joseph Kabila continuent d’être des enjeux des rixes politiques entre les protagonistes belges. On retrouve, en effet, à l’avant-scène un libéral flamand (De Gucht) parmi les radicaux que compte l’establishment politique belge et un socio-chrétien flamand CDV (Vanackere) ; bref, la quasi configuration du conflit politique belge qui n’en a pas fini de ne pas se dénouer.