Effectivement, le vent électoral souffle dans la région de l’Afrique des Grands Lacs. Ce qui ne laisse pas les partenaires extérieurs indifférents, analysant moindre fait et geste. Preuve ? Cette réaction de la Communauté internationale. Plus particulièrement de l’ Organisation des Nations Unies, des Etats-Unis et de l’Union européenne qui viennent d’exprimer leurs inquiétudes quant au déroulement des élections en République démocratique du Congo. Ils ont fait part de leurs craintes au président de la République, Joseph Kabila Kabange.
Selon une information de l’AFP qui cite RFI, dans une lettre adressée au président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila Kabange, l’ONU, les Etats-Unis et l’Union européenne tirent la sonnette d’alarme sur les délais à respecter pour ne pas compromettre la tenue des élections générales en RDC en 2011.La communauté internationale souhaite que les étapes essentielles du processus électoral soient réalisées rapidement.
Dans cette lettre adressée au chef de l’Etat, les responsables occidentaux rappellent qu’ils accordent beaucoup d’importance à la réussite des élections générales de 2011. Preuve de cet engagement, plusieurs pays occidentaux ont d’ores et déjà apporté 82 millions de dollars en soutien au processus électoral, raison pour laquelle ils demandent à être fixés sur les étapes qui doivent conduire aux élections l’année prochaine.
Sous la signature du représentant spécial du secrétaire général Ban Ki-moon en RDC, Alan Doss, des ambassadeurs espagnol et américain, l’ONU, l’Europe et les Etats-Unis souhaitent qu’un calendrier des opérations soit fixé pour ne pas être pris de court par le temps et permettre la tenue des échéances de 2011.
Ils demandent également que le montage financier soit élaboré en tenant compte de la méthode choisie pour réviser le fichier électoral et des ressources financières qui doivent être mobilisées à temps. Les signataires de la lettre réclament aussi des clarifications sur l’assistance souhaitée par la République démocratique du Congo en vue d’organiser ces élections.
Pour examiner tous ces points, les responsables internationaux suggèrent à Joseph Kabila de réunir prochainement le comité de pilotage d’appui aux élections. Cette lettre au président congolais s’accompagne d’une fiche technique qui énumère les questions nécessitant une attention particulière.
Pour la communauté internationale il faut par exemple que la loi sur la CENI (Commission électorale nationale indépendante) et la nouvelle loi électorale soient votées rapidement, que l’argent prévu pour la Commission électorale soit déboursé par le gouvernement, que la révision des listes reprenne le plus rapidement possible et qu’un calendrier électoral intégral viable soit publié. Une lettre qui met donc les points sur les « i », souligne-t-on dans les couloirs de l’ONU, de Washington et des pays de l’Union européenne.
PRESSION
Cette lettre de la Communauté internationale ne signifie rien d’autre qu’une pression de plus sur le gouvernement congolais. Certes, elle exprime des inquiétudes quand on sait qu’il est de plus en plus improbable que les élections locales, municipales et urbaines puissent avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2010. Son déroulement est conditionné par la révision du fichier électoral sur toute l’étendue du pays. Jusqu’ici, cette opération ne s’est déroulée qu’à Kinshasa.
Dans sa décision rendue publique fin février, la CEI a présenté le calendrier de la révision du fichier électoral dans l’aire opérationnelle 2. Celle-ci comprend les provinces du Bas-Congo, Kasaï Occidental, Katanga et Maniema. Elle devrait aller du 25 février au 23 août 2010. Jusqu’ à ce jour, cette opération pour l’aire 2 n’a pas encore débuté. Or, il reste les provinces du Kasaï Oriental, Province Orientale, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Bandundu. Le calendrier pour l’aire 3 n’est pas encore rendu public. Ce qui a fait dire à un certain moment que ces élections locales, urbaines et municipales devraient se dérouler en février 2011. Mais avec cette précision d’introduire une nouvelle carte d’électeur, celle actuelle présentant quelques anomalies, le déroulement de ces élections locales devient problématique.
Bien plus, il s’agit maintenant de procéder à l’identification, au recensement avant d’appeler la population à l’enrôlement. Tout ceci se ferait-il en combien de temps ? Ceux qui ont un faible pour les mathématiques affirment qu’il faudra prendre au moins un minimum de deux ans. Si pas trois pour un travail scientifique fiable. A moins d’une réelle volonté politique, celle qui soulève des montagnes, pour accomplir tous les préalables en l’espace d’un an.
A cela s’ajoute le fonctionnement normal de la Commission électorale nationale indépendante, CENI. Certes, le Parlement a voté la loi sur l’organisation et le fonctionnement de la CENI en des termes différents. Il faudra commencer par harmoniser le texte avant de le soumettre au président de la République pour promulgation. Cela ne peut se faire que pendant la prochaine session parlementaire qui s’ouvre ce 15 mars 2010. Quant on connaît les matières sensibles à examiner tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, rien ne garantit que la question sera réglée dès la rentrée parlementaire.
Cependant, la question fondamentale est celle de savoir si l’on a tiré les leçons utiles des élections de 2006. En effet, les élections ne doivent pas être organisées pour les beaux yeux de la communauté internationale avec des agendas cachés, ni tout simplement pour les Congolais pour se faire bonne conscience, elles doivent l’être dans le but de jeter et de consolider les bases de la démocratie pour conduire la RDC vers un développement durable. Les prochaines élections sont condamnées à obéir à cette logique. Aussi, dans l’hypothèse des contestations, elles se feront dans le cadre juridique approprié, fiable et crédible. Par ces temps qui courent, il est question de se mettre autour d’une table pour savoir si les conditions ou les préalables d’une bonne élection sont réunies ou pourraient être réunies pour que les élections aient lieu dans un climat apaisé. Sans que la Communauté internationale soit derrière avec un « fouet ».
MOYENS FINANCIERS : NŒUD GORDIEN
L’organisation de ces élections est bien sûr liée à la disponibilité des moyens financiers. Dans sa lettre au président de la République, la Communauté internationale affirme que certains pays ont déjà respecté leurs engagements. 82 millions de dollars sont disponibles. La question est celle de savoir si cet argent sera affecté à l’organisation des élections locales, municipales et urbaines ou aux élections législatives et présidentielle de 2011. Jusque-là, aucune précision.
Toutefois, le coût des élections locales est estimé à 190 millions de dollars US, et que le Gouvernement congolais prend en charge 31 millions de dollars US. Rien n’est encore connu pour les élections présidentielle et législatives de 2011.
Devant cette circonstance, il convient avant tout de rassembler tous les moyens financiers disponibles afin de dénouer le noeud gordien de manière à ce que les élections de 2011 aient effectivement lieu. Le Gouvernement ne manquera pas d’apporter des précisions utiles sur ce point.
Voilà une pression qui remet, encore une fois de plus, la République démocratique du Congo sur des charbons ardents. Tenez.
Il y a déjà la délégation du FMI qui passe en revue le comportement des Finances publiques avant d’accorder le visa à la RDC pour atteinte du point d’achèvement. Cette délégation met un accent particulier sur le « climat des affaires » qu’un rapprochement est vite fait avec des entreprises minières TFM et KMT. Comme si cela ne suffisait pas, la « Communauté internationale politique » rebondit sur les élections pour obliger la RDC à ne pas s’écarter du processus électoral initial.
Il y a lieu de bien lire ces signaux, de les interpréter à bon escient, et de les apprécier à juste titre pour éviter tout effet de surprise désagréable.