Suite à la polémique sur la publication retardée d'un rapport sur les crimes perpétrés entre 1993 et 2003 en République démocratique du Congo (RDC), le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a affirmé mercredi que le document n'avait pas été « édulcoré » et a appelé le gouvernement et la société civile congolaises à s'impliquer dans la protection des civils.
« Le rapport n'a pas été 'édulcoré', comme certains l'ont clamé. Aucun accord n'a été conclu pour sauver la face de qui que ce soit ou pour la contribution de troupes de la part d'une nation », a déclaré mardi matin Ban Ki-moon lors de sa conférence de presse mensuelle au siège de l'ONU à New York.
Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a publié ce rapport le 1er octobre dernier. Une polémique avait débuté au mois de septembre après la publication de fuites de la version préliminaire dans le quotidien français Le Monde. Le journal avait focalisé l'attention sur le fait que les forces armées rwandaises auraient perpétré des actes en RDC pouvant constituer des crimes de génocide pendant la période couverte par le rapport. La Haute commissaire aux droits de l'homme, Navi Pillay, avait souligné que cela ne pourrait « être réglé que par un tribunal compétent ».
Le rapport de 550 pages liste 617 crimes les plus graves violant les droits de l'homme et le droit international humanitaire. La genèse du projet remonte à 2005 lorsque deux ans après l'accord de paix national, trois grands charniers ont été découverts à l'est du pays. Le HCDH en tête, plusieurs organes de l'ONU se sont accordés pour lancer en 2006 l'exercice de 'cartographie' de ces crimes.
Trente-trois équipes d'experts ont parcouru tout le pays pour interroger plus de 1.280 témoins et examiner plus de 1.500 documents afin de corroborer les informations. Le rapport précise qu'au moins 21 groupes armés étaient impliqués dans ces crimes ainsi que les armées nationales de huit pays.
« Il ne tient qu'au gouvernement de RDC, avec l'aide de la Haute commissaire, d'agir selon ses recommandations, spécifiquement celles relatives à la justice transitionnelle », a expliqué mercredi le Secrétaire général de l'ONU qui a dégagé deux points pour trouver les moyens de mieux protéger les populations des attaques, des viols et d'autres violations des droits de l'homme.
« Les auteurs de crimes et leurs dirigeants doivent être arrêtés et inculpés de crimes contre l'humanité, auprès de tribunaux nationaux ou internationaux », a déclaré Ban Ki-moon. « A cet égard, je suis encouragé par l'arrestation du 'Lieutenant Colonel' Mayele, le présumé chef du groupe armé suspecté d'avoir commis des viols de masse au début du mois d'août. C'est un bon exemple de comment les autorités congolaises et la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) doivent coopérer pour lutter contre l'impunité », a-t-il ajouté.
Le 'Lieutenant Colonel' Mayale est l'un des présumés responsables des viols de masses perpétrés dans plus d'une dizaine de villages au Nord-Kivu, à l'est de la RDC, au début du mois d'août. Ces actes auraient été commis par une coalition d'environ 200 membres de Maï Maï Cheka, des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ainsi que des éléments du Colonel Emmanuel Nsengiyumva, ancien membre de l'armée congolaise, sur au moins 303 civils, parmi lesquelles 235 femmes, 13 hommes, 52 filles et 3 garçons, selon le rapport préliminaire de la mission d'enquête du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'homme.
« Deuxièmement nous devons être réalistes sur l'aspect limité de nos ressources et notre mandat. Protéger tous les civils de RDC n'est pas simple. La superficie est trop grande et le nombre de Casques bleus est trop petit », a dit Ban Ki-moon en précisant que la MONUSCO était en train de renforcer « le système d'alerte civil ».
« Nous allons aussi changer la manière dont nous patrouillons dans les zones potentiellement à risques. Plutôt que de respecter un agenda fixe et prévisible, par exemple, nous allons faire davantage pour mener des patrouilles surprises », a expliqué le chef de l'ONU.
« Nous devons davantage engager la société congolaise pour répondre aux enjeux culturels et politiques qui contribuent à ce terrible cycle d'abus. Mon Envoyée spéciale, Margot Wallström, l'a très bien résumé hier lors de sa visite sur le terrain : la violence sexuelle est l'un des plus grands obstacles à la paix en RDC. Si elle reste incontrôlée, elle pourrait détruire le tissu social du pays », a-t-il conclu.
L'une des principales solutions recommandées par le rapport consisteraient en l'implantation de juridictions mixtes, qui impliqueraient des « tribunaux hybrides » avec du personnel national et international. L'établissement d'une Commission vérité et réconciliation ainsi que la mise en œuvre d'un programme de réparations pour les victimes et les réformes du système judiciaire et des forces de sécurités congolaises sont aussi recommandés par le HCDH.
Répondant à la presse, Ban Ki-moon a rappelé que le retrait de la MONUSCO l'année prochaine avait été planifié à la demande des autorités congolaises.
« J'ai rencontré le Président Kabila en septembre pendant l'Assemblée générale et je lui ai proposé que tout retrait supplémentaire de la MONUSCO soit basé sur une évaluation commune de la situation. Comme vous le savez nous avons déjà retiré 1.700 soldats », a expliqué Ban Ki-moon aux journalistes.
Il a souligné que « la RDC est presque aussi grande que l'Ouest de l'Europe » et qu'avec « seulement 18.000 Casques bleus » nous faisons « ce que nous pouvons avec ces ressources limitées » pour protéger les populations civiles.
Ban Ki-moon a indiqué qu'il conduirait une réunion stratégique cette semaine avec des conseillers de hauts niveaux afin « de penser aux types de mesures immédiates qui pourraient être prises et de réfléchir à comment changer la culture d'impunité qui prévaut en RDC ».
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