Les Congolais et la communauté internationale espèrent voir la rencontre de Nairobi, qui réunit ce vendredi autour du secrétaire général des Nations unies les présidents congolais et rwandais, constituer l’occasion tant attendue de crever l’abcès qui gangrène la partie orientale de la République démocratique du Congo. Ce devra être le lieu où, sans fioritures, chaque partie étalera son jeu afin que, une fois pour toute, la paix revienne durablement au Kivu, en province Orientale et, globalement, dans la région des Grands Lacs. De jouer cartes sur table pour briser la quadrature du cercle.
Les yeux sont tournés vers Nairobi où s’ouvre ce vendredi 7 novembre un sommet international sur la situation explosive en République démocratique du Congo. Il ne s’agit point d’une première pour ramener la paix en RDC et dans la région des Grands Lacs. Mais une énième tentative de restauration de la paix qui risque de se terminer en eau de boudin si chaque partie ne fait pas preuve de volonté et de courage pour se dire les vérités, en jouant cartes sur table.
Il est un fait à retenir que ce chapelet de conférences n’a jamais apporté de bonheur dans la région des Grands Lacs. On sait ce qu’il est advenu aux régimes de Mobutu et de Laurent-Désiré Kabila. L’on a tourné en rond dans plusieurs capitales africaines pendant que les rébellions grignotaient du terrain au vu et au su de cette même communauté internationale. Avec Joseph Kabila, l’on a été à Gaborone, Addis Abeba, Sun City, période de transition, Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, Accord de Washington précédé par celui de Luanda, Tripartite plus 1, Accord de Nairobi, Conférence de Goma, déploiement de 17.000 casques bleus… la paix n’est toujours revenue en RDC et dans la région des Grands Lacs. Que nous réserve Nairobi II ?
FDLR CONTRE NKUNDA
Pour répondre à cette interrogation, il faudra éviter toute fioriture à Nairobi dans le but d’aller droit au but. Les discussions tourneront autour des rebelles rwandais, FDLR, et la rébellion de Nkunda. En effet, entrés en masse dans l’Est de la République démocratique du Congo, les réfugiés hutu rwandais (civils, ex-Far et Interahamwe confondus) sont devenus une véritable calamité pour les populations civiles des provinces du Nord et du Sud-Kivu. La communauté internationale, qui les y avait poussés, paraissant aujourd’hui n’avoir plus souvenance du programme qu’elle avait élaboré à cet effet.
Pourtant, il est important aujourd’hui d’en relire les détails en vue d’y déceler les failles. Kofi Annan, qui en avait reçu la supervision avant de devenir secrétaire général de l’ONU, aurait bien des vérités à dévoiler à ce propos. Or, il n’est pas sur la liste des invités. Qu’à cela ne tienne, les archives du Conseil de sécurité sont là pour apporter l’éclairage recherché.
La République démocratique du Congo, dont la première « faute » est celle d’avoir fait confiance aux Nations Unies en ouvrant ses frontières aux centaines de milliers de réfugiés rwandais pour des raisons d’ordre humanitaire, semble en avoir commis, aux dires du régime de Paul Kagame, une deuxième. Du point de vue de Kigali, dont les soldats ayant accompagné l’AFDL avaient massacré allègrement des milliers de leurs compatriotes accusés d’être des « rebelles », Kinshasa s’en serait faite « complice ». Ce qui justifierait son soutien militaire à la rébellion de 1998 partie curieusement de Goma (Nord-Kivu) et, en 2004, aux mutins de Bukavu appuyés par 4.000 éléments fidèles au général Laurent Nkunda en provenance des massifs du Nord-Kivu. De son côté, Kinshasa se défend de protéger ou de soutenir les rebelles rwandais, arguant les avoir convaincus de remiser les armes. C’était à l’issue des négociations engagées à Rome, sous la médiation de Sant’Egidio, et par lesquelles les responsables politiques des FDLR s’étaient engagés à ne plus recourir à la force pour rentrer chez eux.
Toutefois, ils avaient exprimé deux exigences : un dialogue inter-rwandais et des garanties sécuritaires de la communauté internationale en faveur de tous ceux qui décideraient de retourner vers la terre natale.
A ces deux conditions, Kigali avait opposé un non recevoir catégorique, le président Kagame ayant même menacé de « poursuites judiciaires » tous ceux qu’il qualifiait de « génocidaires ». Il publia, pince-sans-rire, une liste de « 6.000 génocidaires » installés en RDC.
L’HEURE DE LA VERITE
Les faits essentiels étant ainsi rappelés sommairement, non compte tenu de différents accords conclus depuis 2002 entre le Rwanda et la RDC, il revient au secrétaire général de l’ONU, aux présidents Joseph Kabila et Paul Kagame de dévoiler, chacun, sa part de vérité. Kinshasa a l’obligation morale et politique de démontrer sa volonté de se débarrasser des FDLR et les remettre à la communauté internationale afin de les replacer d’où ils sont venus. Ou alors, les délocaliser hors de la RDC. Comme ce fut le cas avec les rescapés de Gatumba, aujourd’hui replacés aux Etats-Unis, au Canada, avec le concours des Etats-Unis et de la Communauté internationale. Une autre possibilité de sécuriser le Rwanda si le rapatriement volontaire échouait. Dialogue inter-rwandais ou pas, ce n’est pas l’affaire de Kinshasa qui doit retourner le « colis empoisonné et encombrant » à la Communauté internationale. D’ailleurs, les FDLR n’ont jamais entrepris une action militaire contre le Rwanda. Contre, ils tuent les Congolais, violent les Congolaises…Inacceptable. Kigali est également invité à adopter la même attitude pour couper le cordon ombilical avec le CNDP et laisser les Congolais se réconcilier avec eux-mêmes dans leur diversité culturelle qui n’a jamais posé problème. L’opinion publique attend voir le secrétaire général de l’ONU répondre clairement à Kagame qui accuse la communauté internationale de faire montre de « faiblesse » et de « fuir le problème ». Et ce, dans la mesure où les Congolais n’ont jamais compris le « silence » de la communauté internationale quant à l’implication de Kigali dans les conflits armés en RDC et, surtout, son « refus » de le condamner en termes clairs et fermes. Ban Ki-moon devra se rappeler qu’en 1960, le Congo était menacé de partition avec la sécession katangaise. Son prédécesseur, Dag Hammarjöld avait donné le meilleur de lui-même, sa vie, pour préserver l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Etat congolais. Que sa mémoire soit honorée, maintenant à Nairobi, devant une autre circonstance analogue politique qui met à rude épreuve la crédibilité de la mission de paix de l’ONU. Somme toute, Nairobi II va servir de thermomètre de la volonté et de la détermination de tous les participants à mettre un terme définitif à la situation de guerre dans la région des Grands Lacs. Il faut donc jouer cartes sur table. Ce sera le grand mérite de ce sommet international qui s’ouvre ce vendredi à Nairobi.