Deux bonnes nouvelles pour le mois d’octobre : les Etats-Unis sortent de la récession économique, et la Chine vient de signer les avenants exigés par le Fonds monétaire international avant de conclure avec la RDC le nouveau Programme économique du gouvernement, PEG 2. Deux événements qui doivent certainement ouvrir des opportunités de développement à la République démocratique du Congo, avec cette reprise économique à travers le redressement de la production industrielle. La RDC étant productrice des métaux de base, l’on peut s’attendre à une amélioration dans le domaine de l’offre et de la demande.
Je relevais d’ailleurs dans ma réflexion Nota bene 4618, intitulé « Contrats chinois et tentatives de blocage occidentales » que depuis le mois d’avril 2009, on observait une variation positive des métaux de base tels que le cuivre, la cassitérite et ses dérivés, notamment le nickel et le zinc. Si je m’étais attardé sur ces métaux, je l’ai dit dans le chapitre précédent, c’est que mon pays, la République démocratique du Congo demeure l’un des pays producteurs. Dans cet élan de reprise, j’émettais un souhait ardent de voir le gouvernement conclure rapidement ce programme économique pour réhabiliter et construire des infrastructures de base. Question de permettre à l’Etat congolais de tirer l’essentiel de ses ressources dans les secteurs producteurs, principalement celui des mines.
Je ne peux que saluer la flexibilité des Chinois en acceptant de signer les avenants pour ne pas se constituer en obstacle dans les rapports entre la RDC et les institutions de Bretton Woods. Car je me suis toujours interrogé devant cette attitude de voir les contrats chinois faire jaser les Occidentaux. Je ne trouve d’ailleurs aucune menace contre cette présence. Une présence, j’en suis convaincu qui ne vise qu’une coopération mutuelle aux conditionnalités accessibles et acceptables, soulignais-je dans cette même réflexion.
Mieux, je disais ceci : « J’ai toujours vu le problème des rapports entre la RDC et les institutions de Bretton Woods sous un angle d’incompréhension, d’un diktat déstabilisateur du régime politique en place. Qui ne sait pas que la République démocratique du Congo sort d’une longue période de transition (16 ans) ; de guerre complexe (13 ans) ? Un pays post-conflit comme le mien devrait bénéficier des conditions préférentielles pour accéder aux facilités élargies des institutions de Bretton Woods. Mais qu’aujourd’hui les négociations de Washington achoppent sur les contrats chinois susceptibles d’apporter des capitaux frais pour la construction des infrastructures de base, il y a anguille sous roche. C’est même un dessein diabolique de vouloir maintenir la RDC dans un état de sous-développement, de pauvreté révoltant après lui avoir imposé des guerres destructrices (Ituri, Nord-Kivu et Sud Kivu) ».
Le moment est venu pour que le FMI et des pays occidentaux apportent un démenti à mon analyse. En effet, avec l’endossement par les entreprises chinoises des amendements portés sur le partenariat initial sino-congolais, l’on se rend bien à l’évidence que Kinshasa a compris les enjeux. Le gouvernement n’a pas résisté à la pression du FMI, il a fini par céder pour ne pas hypothéquer ses chances d’atteindre en 2010 le point d’achèvement de l’initiative d’allégement de la dette en faveur des pays très endettés.
L’on se souviendra que le 17 septembre 2007, le gouvernement congolais signait un accord de protocole avec trois entreprises chinoises (Exim Bank, China Railway Engineering Corp. et Sinohydro) concernant « le financement en vue du développement des travaux d’infrastructure, en échange de l’exploitation des ressources naturelles de la RDC». Pour l’exécution de l’accord, une joint-venture a été mise sur pied, avec une part de 32 % pour le Congo et une autre de 68 % au bénéfice des partenaires chinois.
Une première annexe de l’accord précisait les quantités de minerais qui seront exploitées : 8.050.661 tonnes de cuivre, 202.290 tonnes de cobalt et 372,3 tonnes d’argent. Comme lieux d’exploitation, on cite Mashamba, Dima, Dik Colline et Kolwezi. Une deuxième annexe énumère les travaux d’infrastructures à exécuter, dont le montant est estimé à 6,565 milliards de dollars, repartis en deux phases.
De ces 9 milliards Usd, il n’en reste plus que 6, soit trois milliards d’investissements à consentir dans le projet minier Sicomines en partage avec les entreprises chinoises et l’Etat congolais. Les trois autres milliards sont affectés au financement des travaux d’infrastructures tels que spécifiés dans l’accord initial.
Contraint par le FMI, le gouvernement s’est donc vu dans l’obligation d’abandonner le 2ème volet des investissements en infrastructures prévus dans le partenariat sino-congolais. Pour le FMI, les investissements prévus dans ce cadre portaient des germes d’un nouveau cycle d’endettement, incompatibles, selon lui, aux options à prendre en compte dans le programme triennal à soutenir du titre de la FRPC.
Dans son état actuel, la RDC a plus que besoin des investissements en infrastructures de base pour asseoir des fondements solides de sa reconstruction. Cependant, pour des raisons qu’il est, sans doute, le seul à connaître, le FMI s’est opposé à cette forme de coopération – nouvelle ou innovante, soit-elle - convenue entre le consortium chinois et la RDC. Garant des équilibres fondamentaux du cadre macro-économique congolais, et mandatés par divers créanciers de la RDC, dont les plus en vue sont ceux regroupés au sein du Club de Paris, le FMI a opposé son veto. L’étau s’est tellement resserré sur la RDC qu’asphyxiée, le gouvernement a fini par céder à la pression.
Pour la Chine, la signature de l’avenant au partenariat initial conclu avec la RDC n’est pas un geste de faiblesse. Son ambassadeur en RDC l’a bien expliqué lors de son passage à la rédaction du journal Le Potentiel. Selon lui, si la Chine s’est alignée derrière l’option levée par le FMI, ç’est pour ne pas porter le chapeau d’avoir envenimé les relations tendues entre la RDC et le FMI. Toutefois, avait-il prévenu : « J’espère que le FMI ne va pas après ce compromis évoquer d’autres points à changer dans ces contrats ».
Il revient à dire qu’avec cet avenant, les contrats chinois ne constituent plus un obstacle à la conclusion d’un PEG 2. Mais par contre, la RDC, un pays en pleine reconstruction, doit abandonner par le fait des exigences du FMI, 3 milliards Usd des investissements en infrastructures de base.
La Chine s’était montrée flexible et coopérante. Mais place le FMI devant ses responsabilités. Lors de son dernier séjour à Kinshasa, Dominique Strauss Kahn, directeur général du FMI, avait dit textuellement ceci : « Les services du FMI sont sur le point de conclure les négociations sur un nouveau programme appuyé par la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance, suspendu toutefois à l’établissement d’une solution cohérente avec la soutenabilité de la dette dans le dossier de l’accord de coopération sino-congolais sur les mines et grands projets d’infrastructures ».
La Chine vient de s’inscrire dans cette logique d’une solution cohérente. Qu’en pensent le FMI et les bailleurs de fonds traditionnels ? Le peuple congolais aimerait bien savoir.
En fait, le dilemme a déjà été posé par le directeur du FMI lui-même, toujours lors de son séjour à Kinshasa : « Obtenir d’un côté des investissements en renonçant à l’ allègement de la dette, c’est une perte pour la RDC : ou obtenir de l’ allègement de la dette sans que les investissements se réalisent, c’est aussi une autre perte pour la RDC ». Sincèrement, la Chine , la RDC et le peuple congolais ont placé le FMI devant ses responsabilités.