Lors d’une conférence de presse tenue le 24 mars dans son cabinet de travail, le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, a annoncé la mise en place d’un panel chargé de revoir les contrats miniers au lendemain de la publication du rapport final de la commission de révisitation mise en place par la Cellule Technique de Planification et Coordination Minière (CTPCM). Ce panel aura, entre autres, pour tâches, de rééquilibrer la part de l’Etat dans les différents partenariats, a precisé le ministre.
Le Panel, institué par le gouvernement, aura pour mission d’examiner les contrats au cas par cas, sans ambition de refaire des nouveaux contrats. Son travail va consister à signer des avenants, pour corriger toutes dispositions jugées comme déséquilibrées dans les anciens contrats, a affirmé Martin Kabwelulu. Le ministre a souligné que le panel pourra éventuellement garder la charpente des anciens contrats, et les modifications pourraient y être apportées après d’éventuelles discussions avec les partenaires.
Martin Kabwelulu, entend pour cela, élargir le cercle des discussions aux investisseurs étrangers et aux comités des entreprises publiques impliqués dans la signature des contrats. Les deux parties pourraient être entendues par le panel en cas de difficultés.
Selon le ministre, deux raisons essentielles militent en faveur de la décision du gouvernement: la validité de l’équilibre des contrats, et les vices de procédure constatées dans la conclusion de certains contrats ainsi que les problèmes liés au non respect des engagements pris par les parties.
Car depuis la mise en place de la Commission de révisitation des contrats par l’arrêté ministériel en janvier 2007, les deux objectifs pour lesquels cette institution a été créée ne sont pas toujours atteints: A savoir, la maximisation des recettes devant découler des différents partenariats et l’assainissement du secteur minier. En effet, malgré l’analyse de certains contrats, ces problèmes persistent toujours. D’où la décision de mettre en place ce panel chargé de résoudre les questions restées en suspend.
Le ministre a annoncé qu’avant la publication du rapport final, les notifications des conclusions de la Commission ainsi que les exigences du gouvernement ont été transmises aux partenaires. En retour, les réponses de ceux-ci ont été renvoyées au gouvernement.
Selon les conclusions de la commission, aucun contrat minier n’a été retenu dans la catégorie A. Sur la soixantaine de contrats, 5 ont été classés dans la catégorie B soit des contrats devant être renégociés, 6 dans la phase exploratoire tandis que les 49 autres font l’objet de trafics de tous genres sur les grandes places boursières du monde par leurs détenteurs sans un quelconque début d’exploration.
Ainsi, la Commission a proposé qu’une quinzaine de contrats dont six partenariats avec la Gécamines, soient résiliés.
Elle n’a pas non plus ménagé de géants miniers tels que le premier groupe minier mondial BHP Billiton, le géant de l’or sud-africain Anglogold Ashanti, le premier producteur mondial du diamant De Beers(sud-africain) et le géant américain Freeport-McMoRan, qui sont accusés d’avoir conclu des contrats léonins.
La Commission a aussi systématiquement relevé des exonérations injustifiées de taxes ou impôts, une part excessivement faible de l’Etat, soit 5 % dans le capital des sociétés mixtes et le non respect par les partenaires de leurs obligations sociales et environnementales alors qu’ils réalisent jusqu’à 600 % de profits sur la vente des produits d’exploitation.
Le rapport dévoile aussi l’absence de rigueur dans les négociations des contrats de la part de l’Etat congolais.
Au nombre des difficultés rencontrées lors des travaux, la Commission reconnaît le fait que le contrôle des contrats miniers ne lui a pas été rendu facile; les mandataires publiques et certains partenaires ayant refusé de donner des informations utiles dont elle avait besoin.
Les Régies financières comme la Direction Générale des Impôts, la Direction Générale des Recettes Administratives et domaniales ainsi que l’Office des Douanes et Assisses figurent parmi les services de l’Etat qui n’ont pas voulu collaborer avec les membres de la Commission.
Le ministre et le vice-ministre des Mines, qui ont conjointement animé la conférence de presse, ont insisté sur les équilibres à rétablir et les réajustements à faire dans le cadre des contrats qui posent problème afin de rétablir le peuple et l’Etat congolais dans leurs droits.
Pour M. Robert Mwambo, administrateur d’une société minière dans le Katanga, le rapport final de la Commission de révisitation a eu l’avantage de dévoiler les intentions de l’Etat dans l’administration du secteur minier.
«Maintenant nous savons ce que l’Etat pense de nous. Il y a donc lieu de capitaliser cette perception de l’Etat pour voir dans quelle mesure nous pouvons travailler ensemble» a-t-il précisé.
Pour les ONGs spécialisées comme la Ligue Contre la Fraude (LICOF), pour cette association, sans une décision d’autorité de la part de l’Etat congolais, le pillage des ressources naturelles à travers les contrats léonins va se poursuivre. Sinon comment peut-on comprendre la volte-face du ministre des Mines à ce sujet.
«A l’ouverture des états généraux des mines, il avait plaidé pour la révision de certaines dispositions du Code minier susceptibles d’ouvrir la voie à la fraude. Curieusement au cours de la conférence de presse, il soutient le contraire en déclarant qu’aucun contrat ne sera résilié. Ce qui est vraiment inquiétant pour l’avenir de notre peuple à qui l’on doit rendre des comptes» a souligné un membre de l’association.
De son coté, l’ONG britannique Global Witness, dans une revue en cours des différents contrats miniers passées ces dix dernières années, dénonce un manque de transparence dans le travail de la Commission. Pour elle, outre le caractère ombrageux qui a affecté pratiquement chaque aspect de cette révisitation, les rédacteurs du rapport ont fait part de pressions exercées sur eux pour boucler leurs conclusions dans des délais irréalistes et de l’insuffisance de garde-fous destinés à protéger leur indépendance dans le travail. Global Witness a dénoncé aussi la participation limitée de la société civile dans cette Commission.