Le gouvernement britannique agit dans l'illégalité en refusant de recommander, en vue des sanctions ciblées de l'ONU, les entreprises et individus britanniques qui font le commerce de « minerais du conflit » congolais, déclare aujourd'hui le groupe de campagne Global Witness dans une demande de contrôle juridictionnel adressée à la Haute Cour de justice.
Le nom de plusieurs entreprises britanniques dont on sait qu'elles ont fait le commerce de minerais provenant de l'est de la République démocratique du Congo (RDC) aurait dû être communiqué au Comité des sanctions des Nations Unies en vertu des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptées en 2008 et 2009. Le gouvernement britannique, en s'abstenant d'enquêter de manière adéquate sur les entreprises et les individus, transgresse ses obligations légales internationales, déclare Global Witness dans sa requête soumise ce jour.
« Il est regrettable que nous devions intenter une action contre le gouvernement britannique, mais nous espérons que cette démarche marquera un tournant. Les questions en jeu ont une importance significative sur le mode de financement des guerres, qui se fait ressentir à l'échelle mondiale », affirme Gavin Hayman, directeur de campagnes de Global Witness. « Les entreprises qui ont profité d'un conflit d'une grande brutalité devraient faire l'objet des sanctions des Nations Unies - mais ces sanctions sont inutiles s'il n'existe pas de procédure gouvernementale claire et équitable permettant d'identifier si de tels individus ou entités doivent être inscrits sur la liste. »
La résolution 1857 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée le 22 décembre 2008, demande l'imposition d'une interdiction de voyager et d'un gel de leurs avoirs à tous les individus et entités qui soutiennent des groupes armés illégaux dans l'est de la RDC par l'intermédiaire du commerce illicite des ressources naturelles. Elle a été appuyée et renforcée l'année suivante par la résolution 1896, adoptée le 7 décembre 2009. Les États membres des Nations Unies sont encouragés à désigner les individus et entités susceptibles d'être ajoutés à la liste des personnes visées par les sanctions.
Des preuves édifiantes mises en évidence par Global Witness, le Groupe d'experts et d'autres intéressés indiquent que des entreprises britanniques ont soutenu des groupes armés en RDC en achetant des minerais dans des régions placées sous leur contrôle. Pourtant, le gouvernement britannique n'a jamais donné leurs noms en vue de leur inscription sur la liste des entités visées par les sanctions.
« Le lien entre les ressources naturelles et le conflit au Congo est bien connu. Des groupes armés qui contrôlent le commerce de minerais tels que l'étain et le tungstène utilisent les fonds pour acheter des fusils et financer leur violente campagne contre les civils. Les résolutions des Nations Unies reconnaissent que les entreprises qui s'approvisionnent directement ou indirectement dans la région constituent une partie du problème. Toutefois, malgré nos fréquentes requêtes, le gouvernement britannique s'obstine à refuser d'agir ; nous n'avons donc pas d'autre choix que de le poursuivre en justice », a ajouté Gavin Hayman.
Global Witness estime que le gouvernement britannique appuie son refus de désigner ces parties sur un raisonnement déficient. La réponse que le gouvernement a adressée à Global Witness révèle l'absence de procédure claire et équitable régissant la manière dont des acteurs doivent être inscrits sur la liste des individus et entités visés par les sanctions de l'ONU.
Le gouvernement soutient que les résolutions des Nations Unies n'ont pas d'effet rétroactif et que, par conséquent, toute preuve acquise avant l'adoption de la première résolution (en décembre 2008) ne peut démontrer le bien-fondé des sanctions. Global Witness estime que ce raisonnement est erroné. Les preuves rétrospectives sont suffisantes pour que des préoccupations soient soulevées de manière persistante - sauf preuve concluante du contraire -, autrement dit pour suggérer que les entreprises qui se sont approvisionnées dans des zones contrôlées par des groupes armés sont susceptibles de continuer de le faire.
Par ailleurs, le gouvernement britannique affirme que les preuves de violations des sanctions figurant dans le rapport du Groupe d'experts des Nations Unies sur la RDC de novembre 2009 sont insuffisantes pour justifier de placer ces entreprises sur la liste des entités visées par les sanctions. Cet argument est avancé alors que le rapport de 2009 du Groupe d'experts des Nations Unies mentionne que la fonderie THAISARCO, succursale thaïlandaise d'AMC, entreprise britannique, s'approvisionne auprès de groupes armés à travers sa chaîne d'approvisionnement. Le rapport nomme également Ketan Kotecha, ressortissant britannique et directeur d'Afrimex, comme travaillant avec un comptoir qui aurait préfinancé le groupe rebelle des FDLR. Le gouvernement n'a jamais expliqué pourquoi cette preuve experte était insuffisante.
Quoi qu'il en soit, et en faisant abstraction des suspicions de violations persistantes, le gouvernement britannique n'a pas vérifié indépendamment si AMC continuait de faire le commerce de minerais du conflit provenant de RDC.
Lorsque le rapport du Groupe d'experts des Nations Unies a été publié en 2009, le gouvernement britannique a modifié sa position quant aux preuves rétrospectives, affirmant à la place qu'il n'estimait plus que les preuves indiquées dans le rapport du Groupe étaient suffisantes, sans pour autant en donner les raisons.
Le gouvernement britannique a également déclaré qu'AMC n'achète plus de minerais provenant de l'est de la RDC et que, par conséquent, aucune action n'est nécessaire. Cependant, l'entreprise s'étant par le passé approvisionnée en minerais de manière indirecte auprès de groupes armés, Global Witness est fort préoccupée. Sans procédure solide permettant au gouvernement d'enquêter pour savoir si AMC (ou d'autres entreprises britanniques) achète des minerais du conflit de manière indirecte ou envisage de le faire, Global Witness ignore comment le gouvernement peut formuler des affirmations aussi catégoriques. Global Witness n'a certainement pas vu des éléments solides sur la base desquels de telles déclarations peuvent être faites.
Global Witness cherche à obtenir une injonction exigeant du nouveau gouvernement de coalition qu'il revienne sur la décision de ses prédécesseurs et qu'il communique le nom des ressortissants et entreprises britanniques portant atteinte aux modalités des résolutions des Nations Unies en vue de leur inscription sur la liste du Comité des sanctions. Une demande d'ordonnance de protection des dépens sera adressée au tribunal, ainsi qu'une permission de poursuivre sur la base d'une conduite illégale et déraisonnable.