Le panier des cadres de l’Administration publique et des régies financières révoqués à la lumière de dernières ordonnances présidentielles pèse plus lourd, dans l’opinion publique congolaise, que ceux contenant les retraités et les promus. L’explication est à chercher dans le rapprochement automatique que l’on opère désormais entre la campagne de « tolérance zéro » et toute sanction présidentielle contre les compatriotes exerçant des charges publiques et de gestion financière.
Les cadres de la Fonction Publique et des régies financières (DGI, Ofida, DGRAD) démis de leurs fonctions, même s’ils ne croient pas tous aux ravages de la corruption dans leurs rangs mais, à tout le moins, ils y pensent. De ce point de vue, l’on se réjouit de la volonté du Chef de l’Etat de se montrer impitoyable dans le processus d’assainissement de l’environnement social et économique national.
Toutefois, la gangrène de la corruption est si profondément ancrée dans le mental congolais que son éradication exige un changement radical des mentalités. C’est dans cet ordre d’idées que d’aucuns estiment que la culture de la probité morale devrait commencer par ceux qui occupent les premières lignes au niveau des ministères, des entreprises publiques, des missions diplomatiques, des gouvernorats de provinces, des cours et tribunaux, etc. Une vielle sagesse africaine rappelle que le poisson commence à pourrir par la tête.
En clair, la reconversion tant espérée des mentalités risque de rester longtemps du domaine de l’utopie si les personnels politiques d’appoint, les fonctionnaires, les cadres et agents des entreprises publiques, l’homme de la rue… continuent de manquer de modèles en matière de bonne gouvernance.
« Monsieur 40 % », un modèle démobilisateur…
Le Forum sur la lutte contre la corruption, organisé à la mi-décembre au Palais du Peuple, a apporté entre autres données celle relative au prélèvement de 40 % de commissions par certains ministres sur les marchés publics. Une expression peu honorable veut que le responsable d’un portefeuille ministériel reconnu chaud partisan de cette pratique soit baptisé sous le nom de code de « Monsieur 40% ».
Et pince sans rire, l’intéressé n’appose sa signature sur les contrats relatifs aux marchés publics ou aux partenariats commerciaux que s’il a la certitude de percevoir ses 40 % de ristourne, en-dessous de table. Quel message un tel citoyen envoie-t-il en direction d’un Secrétaire général, d’un Directeur, d’un chef de division, d’un chef de bureau ou d’un agent de l’administration publique ? Naturellement, il pousse tout le monde à la tricherie, à la fraude, au pillage, au vol.
Des exceptions rarissimes
L’environnement national n’est heureusement pas exempt d’exceptions en matière de gestion. Les Congolais ne vont pas oublier de si tôt le passage spectaculaire de certaines entreprises et services publics du statut de canards boiteux à celui de poules aux œufs d’or. L’on pense notamment à l’Ofida, à l’Ogefrem et à la DGM, dont les responsables ont réussi le pari de les remettre financièrement à flots en bouchant les circuits de la fraude et en prêchant par la bonne gestion des fonds.
Il va de soi qu’un cadre ou un agent aurait peur de voler dès lors qu’il serait convaincu que son Adg n’est pas à l’école du pillage et du gaspillage des ressources financières. A contrario, la corruption bat son plein là où les échos des vols de plus hauts responsables alimentent la chronique quotidienne. Et, c’est malheureusement le cas en RDC, tel qu’en témoigne le classement mondial en la matière. Erigé en système, ce fléau a encore de beaux jours devant lui au vu du nombre impressionnant de ses « affiliés ». D’où, le couperet du Chef de l’Etat devrait prendre de la hauteur pour frapper dans la sphère de ceux qui gangrènent la société à partir de leur position sociale privilégiée.