Après la motion de Clément Kanku en 2009, cassée par une contre-motion incidentielle de Pius Muabilu, puis celle de Lucien Bussa il y a quelques mois à peine, sanctionnée par un voté négatif sur fond d’un grave flottement au sein de l’Alliance de la Majorité Présidentielle (AMP), Adolphe Muzito a fait face vendredi au Palais du peuple à des «tirs nourris» venant aussi bien de l’opposition que de l’Alliance de la Majorité Présidentielle. Que la famille politique du Chef de l’Etat en soit arrivée à donner sa caution à une nouvelle attaque frontale des députés contre le Chef du gouvernement paraît comme l’expression d’un profond malaise en son sein.
Les observateurs constatent qu’entre la paix des braves signée en octobre dernier à Kingankati, dans la ferme présidentielle située dans la banlieue Est de Kinshasa, et les réalités du terrain, il y a un grand fossé.
Les sons discordants qui continuent d’échapper des rangs de l’AMP, à une année des élections présidentielles, font penser à une crise interne dont les contours restent flous. L’on se demande si tous ceux et toutes celles qui ont juré de soutenir la candidature de Joseph Kabila à l’élection présidentielle, afin qu’il puisse « tuer le match » dès le premier tour, sont d’accord pour cheminer ensemble jusqu’à cette échéance.
Sur la place de Kinshasa, il se trouve des analystes politiques qui croient que la longévité de Muzito au poste ne plairait pas à certains. Voudrait-on créer un second foyer de mécontentement, après que l’Udemo (Union des Démocrates Mobutistes) de Nzanga Mobutu ait été totalement ignorée dans le partage des postes réservés à la majorité au pouvoir au sein du Bureau de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) ?
La chute de Muzito serait-elle sans conséquence ?
Après ce qui s’est passé vendredi, deux hypothèses sont envisageables. La première serait la formulation, par n’importe quel député, d’une motion de défiance contre un ou plusieurs ministres jugés coupables des dérapages monétaires présumés. La seconde hypothèse serait le dépôt, auprès du Bureau de l’Assemblée Nationale, d’une motion de censure contre le Premier Ministre, 50 signatures suffiraient pour actionner une motion de défiance tandis que pour une motion de censure, il faudrait 125 signatures.
Le rapport des forces entre l’AMP et l’opposition parlementaire étant connu, il est impossible d’en arriver à la motion de censure sans le concours des députés de la majorité au pouvoir. Bref, cela devrait passer par de nouveaux cas de «trahison» ou de «rébellion», comme par le passé.
La grande inconnue de l’heure serait de savoir si le départ d’Adolphe Muzito de la tête de l’Exécutif national serait souhaité sans conséquence. Les observateurs s’accordent à admettre que dans l’hypothèse du limogeage du Premier ministre par une motion ficelée au Palais du Peuple, le retrait du Palu de l’AMP serait inévitable.
S’il est admis qu’Antoine Gizenga avait lourdement pesé dans la balance, en apportant à Joseph Kabila des millions de voix de l’espace Ouest du pays, il est logiquement à craindre l’effet contraire lors des scrutins de 2011. Est-on sûr, à l’AMP, qu’un mot d’ordre de vote émanant du patriarche du Palu appelant au rejet du Raïs ne serait pas suivi ? Les « kabilistes » purs et durs auraient-ils pris les dispositions requises pour faire face à une éventuelle mauvaise humeur du lumumbiste et de ses partisans ?
S’il existe, au sein de la majorité présidentielle, des partis qui se reconnaissent dans le combat politique d’Antoine Gizenga, ne risquent-ils pas de prendre leurs distances vis-à-vis de la plate-forme?
Coup monté contre Muzito ?
On est mécontent, dans les milieux proches du Palu, du fait que la Commission Economico-Financière de l’Assemblée Nationale, qui a découvert un solde négatif de plus de 60 milliards de Francs congolais dans l’exécution du Budget 2009, et plus précisément dans le volet réservé aux dépenses du 1er semestre, se soit arrêtée là. Elle a poussé ses investigations jusqu’à l’époque où Adolphe Muzito était ministre du Budget et où le portefeuille des finances était tenu par Matenda, qui n’est plus au gouvernement. Pourquoi les députés n’ont pas revisité les comptes d’autres structures telles que la Présidence de la République, le Sénat et l’Assemblée Nationale ? La question reste posée.
Et, à cette étape, il est reproché aux députés membres de la commission précipitée de n’avoir pas donné l’occasion à l’accusé de s’expliquer sur sa gestion. Aussi, l’on s’accorde à penser, du côté du Palu, que le Premier ministre serait victime d’un coup monté.
Certes, la tolérance zéro exige d’être appliquée dans tous les cas de mégestion ou d’abus de pouvoir dans la direction des affaires publiques, mais certains souhaitent que l’on ne sanctionne éventuellement des mandataires publics qu’après avoir réuni des preuves suffisantes de leurs turpitudes.
Vers un remaniement à la Sarkozy ?
La RDC s’apprêterait-elle à vivre un remaniement à la Sarkozy ? Il est difficile de le soutenir avant d’avoir vu clair dans le dossier de l’Ecofin. Toutefois, dans les cercles politiques de Kinshasa, d’aucuns voient dans la nouvelle velléité de sanctionner le chef du gouvernement, l’ombre du courant radical de l’AMP, qui ne cesse de caresser l’idée de la gestion de la campagne électorale de Joseph Kabila par des fidèles des fidèles appartenant à son parti politique, le PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie).
Adolphe Muzito ne faisant pas partie de la « cour présidentielle », il ne serait pas surprenant que par le biais de la motion de censure, la vacance tant rêvée par certains interviennent enfin à la tête du gouvernement.