Professeur d’Université à Lubumbashi et actuellement député, Alexis Takizala a passé plus de 35 ans au Katanga où il a investi sa personne comme il aime le dire. Cet originaire de la province de Bandundu devenu Katangais par adoption, s’est fait élire dans cette partie de la République. Selon lui, il se sent chez lui partout où il est et dans n’importe quel coin du pays.
Vous êtes originaire de la province du Bandundu, Comment vous vous êtes retrouvé au Katanga pour y être élu ?
Dans votre question, il y a énormément de choses et de sous entendus. Je me retrouve à Lubumbashi, cela fait 35 ans, simplement à la suite d’une décision administra tive qui a fait que la faculté de l’Université à laquelle j’appartenais a été envoyée la-bàs, dans le cadre de l’UNAZA. J’ai investi ma personne.
Donc un Katangais par adoption ?
Disons, je me suis intégré dans le milieu. Je crois que c’est cet effort d’intégration qu’il faut faire. Je me suis intégré parce que j’estime que partout où je vais, j’ai le devoir de vivre ma vie. La vie, comme disait quelqu’un, n’a pas de brouillons. Si aujourd’hui, vous ne vous intégrez pas là où vous êtes parce que vous dites que vous n’êtes pas de là, c’est que vous êtes en train de perdre votre existence parce que le jour passé vous ne le retrouvez pas.
Quand on parle décentralisation, certaines personnes pensent au régionalisme. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Pour parler de la décentralisation, nous devons partir d’un texte de base ; c’est la constitution : c’est un processus, si vous le voulez, qui a pour but uniquement de rapprocher l’administration des administrés. Cela suppose que le temps de l’administration se rapproche de la population. Un exemple banal : en son temps, quand il s’agissait de construire une petite route, un dispensaire ou une maternité, il fallait que Kinshasa autorise. C’était un non sens. Et les autorités provinciales disaient que Kinshasa n’a pas encore autorisé. Ce qui était une démission ou une fuite en avant. Maintenant, personne ne saura plus dire cela parce qu’on va lui dire : attention les compétences sont partagées de par la constitution. Donc, vous avez des compétences locales et c’est vous qui devez répondre de telle ou telle autre situation.
Il y a des problèmes qui peuvent se poser d’ordre politique, économique et administratif. Ce n’est pas pour rien qu’il y a eu toute une série des textes de lois sur lesquels nous avons travaillé et que nous avons votés. C’est de cette manière que la décentralisation doit se faire ; politiquement, mais il le faut d’abord sur base juridique. Parce que la politique a tendance, dans notre pays, de vouloir se mettre en marge de la loi. Donc la décentralisation n’est pas à confondre avec une régionalisation ou une sécession. Ça n’à rien avoir de commun.
Et si on arrive en 2011, le découpage territorial n’est pas effectif ?
Cela vaut aussi bien pour le Katanga que pour les autres provinces. La question qu’il faut se poser c’est celle de savoir ce que dit la constitution et ce que nous essayons de faire pour obéir à la constitution et l’appliquer. Mais, est-ce que matériellement, le Congo a les moyens de cette décision ou cette prise de position politique ? Donc matériel lement, nous allons être butés. Il y a des ces provinces qui seront complètement désemparées. Ce sont des provinces qui ne pourront pas vivre parce que le chef-lieu de cette province existe en point sur une carte géographique et puis c’est tout. Il n’y a aucune infrastructure, ni administrative, ni encore moins socio-économique.
Vous serez encore candidat à la députation dans votre province, le Katanga ?
Je crois que là, je suis entrain de vivre comme d’autres une expérience particulière. C’est vraiment quelque chose que j’étais loin d’imaginer. Des sollicitations sont telles qu’il faut réfléchir par deux fois avant de poser sa candidature en 2011. Parce qu’il y aura des comptes à rendre à la population. Je suis allé devant la population disant ceci ; disant cela, notamment que j’allais la défendre dans tel et tel domaine. Mais quand je vais retourner en 2011, si je décide de retourner, il faut commencer par faire le bilan. Et la population n’est pas naïve. Elle va me demander des comptes de cinq ans de travail. Qu’est-ce qu’il faut leur dire ? Si je dis que je vais vous défendre dans le domaine de l’Enseignement ; elle va me dire que vous avez déjà dit cela.
A vous entendre parler, c’est comme si vous brossez déjà un bilan négatif de votre mandat ?
Là, nous sommes à mi-chemin. En voyant le chemin parcouru en 2 ans, il est mitigé. Au point de vue législatif, parce que moi je suis législateur, je ne suis pas l’exécutif, nous avons fait un effort au niveau du Parlement concernant les productions des textes des lois. Mais il y a aussi l’aspect contrôle ; nous avons fait un effort. Mais notre population ne voit pas cela. Cela est dû à plusieurs raisons ; le niveau d’instruction et la misère de la population. D’une manière générale, la population attend de tout le monde, députés compris, la construction des routes , la réfection des écoles, des dispensaires, … Donc, quand je vais revenir en 2011, la population va dire que notre hôpital n’a pas été réfectionné. Si je leur dis que ce n’est pas à moi de le faire, elle va dire : allez voir ailleurs. Mais notre bilan au Parlement n’est pas si mauvais. Je dirai même qu’il est positif, lorsque les gens se mettent à confondre les institutions, cela devient problématique. Moi, je me bats pour notre population. Si elle dit que vous n’avez pas suffisamment travaillé, je dirai « amen » c’est vous qui décidez.
En tant que élu du peuple, avez-vous un message à la population ?
Ni vous, ni moi ; personne n’est maître de ses origines. Vous n’avez rien fait pour naître femme. Je n’ai rien fait pour naître au Bandundu. Je pose toujours la question : Quand vous dites que je suis d’ici ou de là, qu’est-ce que vous avez fait pour naître là où om vous êtes né. Une 2ème question ; depuis que vous êtes là, qu’est-ce que vous avez fait pour votre coin ? Ce pays est à moi. Partout où je suis, je dois contribuer à son développement. Un autre message est celui-ci : je crois que la politique vous amené au pouvoir et le pouvoir est un service. Puisqu’on prétend dans ce pays que nous sommes tous religieux, il n’y a qu’à regarder le nombre d’Eglises qui pillulent à gauche et à droite. En tant que ministre de Dieu, on est un serviteur. De même, le ministre au gouvernement est un serviteur. Il est là pour servir la population. C’est pareil avec servir la population. C’est pareil avec les députés. Je ne crois pas que nous avons le droit de tromper la population. Il faut dire la vérité et il ne faut pas l’endormir avec des cadeaux. En tant que député, j’ai des obligations vis-à-vis d’elle. Je n’ai pas de faveurs à lui faire. Propos recueillis par Dina BUHAKE