Une scène surréaliste ! La ferveur s'est substituée, vendredi à la passion qui caractérise généralement les séances de l'Assemblée nationale consacrées à l'audition des membres du gouvernement sur des questions d'actualité.
L'explication : la lumière attendue des délégués de l'Exécutif sur les contrats miniers engageant la RDC et la Chine dans une aventure multisectorielle aux contours demeurés flous. Rappelons que la nature des contrats controversés ainsi que le contexte international entourant ce dealer en ont fait un mystère. Mystère dont la communauté tant nationale qu'internationale cherchait à percer le secret. Y parviendra-t-on après l'ouverture du débat parlementaire ? La République y gagnerait. Transparence oblige. L'heure est grave. La souveraineté de la RDC remise en cause. Les contrats signés entre la RDC et la Chine paraissent flous. Le Congo est le plus grand perdant dans ce dossier.
C'est ce qu'ont d'énoncé plusieurs députés de l'Opposition intervenant au cours de la plénière, hier vendredi 9 mai 2008. dans la salle de Congrès. C'est pourquoi, le ministre des Travaux publics et Infrastructures qui a signé ces contrats, pour la partie congolaise, était convié à éclairer la lanterne de la députation nationale sur ce dossier combien brûlant.
Contrairement à la pratique, hier, le président de l'Assemblée nationale a, pour prendre la parole, aligné d'abord les députés MLC, suivis de leurs collègues PPRD. Les députés du Mouvement de Libération du Congo (MLC) ont développé des arguments massues qui ont imposé un silence de cimetière dans la salle des Congrès du Palais du peuple.
Curieusement, dans le camp du PPRD et de l'AMP, tous les gros calibres connus se sont abstenus de prendre la parole. On dirait qu'ils étaient tous convaincus par le discours de MLC François Mwamba et Delly Sessanga, qui exigent la renégociation desdits contrats.
Nul n'ignore que, chaque fois qu'il y a débat sur un sujet d'actualité, si Delly Sessanga, Thomas Luhaka, Lucien Busa et François Mwamba de l'Opposition prennent la parole, la majorité réplique toujours à travers notamment Boris Mboku Laka, Aubain Minaku, Mwenze, Alexis Thambwe Mwamba et pourquoi pas Théophile Mbemba. Ce n'en était pas le cas hier.
P. Lumbi : « La Rdc ne tourne pas le dos aux Amis »
L'atmosphère était solennelle d'ans la salle. Dans son intervention, le ministre des Travaux publics et infrastructures, Pierre Lumbi, a indiqué que cette convention procède de la vision du président de la République. Joseph Kabila Kabange, ainsi qu'il l'a exprimée dans son discours du 06 décembre 2007 devant les deux chambres réunies en Congrès disant : « Les cinq chantiers pour changer le Congo, ce n'est ni un slogan, ni une utopie. C'est un projet. Mieux, c'est un contrat passé avec le peuple. Nous avons donc une obligation de résultat. Il nous faut trouver des ressources financières pour matérialiser ces chantiers sur le terrain... ».
« En échange de Concessions minières, exploitées en partenariat avec des entreprises publiques congolaises, donnant de l'emploi aux Congolais et produisant de la valeur ajoutée localement les banques chinoises acceptent de contribuer au financement de nos cinq chantiers. Pour la première fois dans notre histoire le peuple congolais pourra en fin voir à quoi aura servi son cobalt, son nickel ou son cuivre ».
Pour le ministre des TPI, l'objet de cette Convention porte sur le financement des travaux d'infrastructures de base à réaliser par le groupement des entreprises chinoises dont question. Ledit financement sera supporté par revenus générés par l'exploitation des concessions minières en partenariat avec la Gécamines. En ce qui concerne le volet minier entre la Gécamines et les entreprises sélectionnées dormants et dont les titres et droits miniers sont cédés par la Gécamines en vue de garantir le remboursement du financement requis.
A en croire le ministre des TPI, l'engagement de la partie chinoise porte sur les points ci-après :
(1) mobiliser et mettre en place le financement nécessaire au développement minier et au financement des infrastructures. La valeur de ces investissements, en attendant La confirmation des études de faisabilité est de l'ordre de 3,25 milliards USD pour les investissements miniers et 6 milliards pour le développement des infrastructures en deux tranches de 3 milliards chacune ;
(2) assurer la formation, le transfert des technologies, le renforcement des capacités, le contrôle de l'ouvrage à réaliser, le volet social et le respect des normes environnementales ;
(3) financer la Gécamines sans intérêt, à concurrence de 30 % du capital, dans le cadre du développement minier au litre d'apports d'associés, à valoir sur les dividendes de celle-ci ;
(4) verser, après approbation de l'étude de préfaisabilité sur les investissements miniers, un pas-de-porte de 350 millions USD, dont 250 millions au titre d'appui budgétaire pour l'exercice 2008 de la solde en faveur de la Gécamines ;
(5)- prêter à la Gécamines sans intérêt 50 millions de USD en équipements remboursables sur les dividendes de celle-ci ;
Devant les députés, Pierre Lumbi a saisi l'occasion pour rassurer solennellement les partenaires traditionnels que la RDC ne tournera jamais le dos à ses amis. L'option levée par le Gouvernement de diversifier sa coopération ne remet pas en cause ses engagements vis-à-vis de ceux-ci. « Nous sommes conscients que l'assistance qu'ils accordent à notre pays à un moment si difficile est importante, irremplaçable et déterminante. Ils ont donc droit à la reconnaissance du peuple congolais. La nouvelle option de coopération diversifiée ouvre des nouvelles perspectives de développement par l'apport des ressources additionnelles et les nouvelles méthodes de travail profitables pour tous », a-t-il déclaré.
F. Mwamba : « des conditions pour renégocier »
Ouvrant le premier le débat, François Mwamba, président du Groupe Parlementaire et secrétaire général du MLC a fustigé La Convention dont question. Au nom de son parti, il a rejeté les contrats que la RDC a signés avec le Groupement d'entreprises chinoises dans leur formulation actuelle. Il a soutenu les cinq chantiers et souhaité que les autorités créent des conditions pour renégocier.
D'après François Mwamba, la coopération avec la Chine est floue. « Comment comprendre que pour 4 km de route qui coûteraient 7.000.000 Usd d'après le devis confidentiel de nos ingénieurs, les Chinois exigent 17.000.000 USD. Qui aide qui? S'est interrogé le secrétaire général du MLC ». Avant de déplorer le fait que sur 100% de la production, « les amis qui viennent mains vides doivent gagner 68% tandis que 32% reviennent à la RDC ».
Delly Sesanga : « c'est un contrat léonin »
Delly Sessanga, président de la Commission Politique, administrative et judiciaire de l'Assemblée nationale, a jugé ce contrat de Léonin. « Il faut renégocier ». Il a recommandé que le Premier ministre vienne faire une déclaration devant l'Assemblée nationale pour confirmer la renégociation du contrat, car le ministre des TPI signataire de la Convention n'a pas qualité d'engager le pays à ce niveau là.
Boshab : « il n'existe pas de contrats parfaits »
Pour sa part, Evariste Boshab, secrétaire général du PPRD, a fait savoir que sur cette terre des hommes, il n'y a pas de contrat parfait en droit, il y a toujours à dire sinon à redire tant et si bien que la plus grande prudence serait de ne jamais conclure pour ne pas être floué... Mais il faut toujours conclure, en essayant de tirer le maximum que l'on peut...
Le contrat sous analyse n'est pas le premier du genre. Lorsque la RDC, à l'époque Zaïre, avait cédé la SOMINKI à un groupe canadien, pour crée la SAKIMA, notre pays n'a eu droit qu'à 7% du capital. Si l'on n'accède pas à la logique de ce genre de contrat, on peut s'en offusquer et crier au scandale, pourtant, il n'en est rien, car il faut tenir compte des trois paramètres », a-t-il souligné.
Il s'agit des réserves géologiques qui constituent une denrée aléatoire qui peut à tout moment être contredite dans l'exploitation effective ; la deuxième contrainte c'est le temps en ce que les prix des métaux oscillent entre la hausse et la baisse. C'est donc un risque que prend tout investisseur. Et la troisième contrainte porte sur les conditions de génie civil particulièrement difficiles dans notre pays où il y a souvent glissement des terrains et éboulement.
Dans sa conclusion, Evariste Boshab estime que « dans la vie d'une nation et même dans sa survie, la décision de mise en place des infrastructures pour permettre le décollage économique et social ne se prend pas deux fois. On la prend une seule fois quitte à pouvoir apporter des correctifs sinon les adaptations en raison des impondérables... Pour une fois que notre pays vient de prendre cette décision, nous avons le devoir d'offrir aux générations à venir les conditions meilleures par rapport aux nôtres.
Saisissons cette occasion pour que notre pays prenne date avec l'humanité. Certes, il y a des inquiétudes, mais celles-ci sont mineures par rapport aux avantages attendus par toute la nation, a-t-il conclu.
(Ern.)
Le Potentiel