C’est vraiment au bon moment que cette histoire arrive. C’est au moment où la crise financière internationale secoue tous les pays. Plus particulièrement, pour le Gouvernement congolais dont le projet de budget 2009 devrait bénéficier des financements extérieurs. C’est au moment où la voirie du pays entier doit être restauré et adaptée aux besoins de la nation. C’est au moment où les professionnels de la craie menacent d’aller en grève, faute de conditions de vie adéquates.
C’est aussi au moment où des millions de Congolais errent à l’Est du pays, espérant en la charité de la Communauté internationale pour avoir eau, nourriture, bâche, produits pharmaceutiques, habits, ... C’est également en cette période de fin d’année que la majorité des Congolais s’apprêtent à passer dans la méditation parce que des fêtes, il n’y en aura pas. Le dollar n’est pas à la portée de tout le monde. Bref, c’est à un moment où le gouvernement congolais doit mobiliser le plus de recettes possible -c’est d’ailleurs pour cela que les émissaires congolais sillonnent le monde entier, la main tendue- pour résoudre des urgences qui ne peuvent pas attendre (permettez-moi cette insistance). C’est en ce moment que nous apprenons que la Suisse s’apprête à mettre à la disposition de son héritage, la fortune de Mobutu faute de preuves de détournement lui fournies par le gouvernement congolais.
La fortune de Mobutu, parlons-en. D’où est-ce qu’il tient «sa fortune»? Officiellement, Mobutu est né fils d’un cuisinier employé par des missionnaires blancs à l’époque de la colonisation. C’est à ces missionnaires qu’il doit son éducation. Ensuite vint l’armée dans laquelle il est enrôlé. En autodidacte, il apprend le journalisme grâce auquel il parvint à la Table ronde parce que remarqué par Patrice Emery Lumumba. Notons que jusque là, notre homme n’est pas encore «millionnaire».
Avec la Table ronde, Mobutu est désormais dans les couloirs du pouvoir. Quelques temps après, profitant du désordre qui fait suite à l’indépendance, il organise son coup d’Etat. Le voilà Président du pays qu’il va rebaptiser «Zaïre». Il se considère comme le «père» de la nation. Il change même la monnaie qui porte désormais son effigie. Il règne en maître absolu et tout le pouvoir est centralisé sur sa personne.
Après plus de 30 ans d’un pouvoir dictatorial et sans partage, il laisse par terre, ou plutôt dans le gouffre, un pays qu’il a trouvé au même niveau que le Canada de 1960. Nous vous épargnons les détails -que vous connaissez sûrement- de la gestion de Mobutu durant les 33 ans qu’il a passés à la tête du pays. Notez également que c’est en ce moment que notre homme devient multimillionnaire. Il possède plusieurs résidences de luxe à travers le monde, des comptes en banque et il vit dans l’opulence la plus insolente. Le peuple quant à lui est misérable, l’économie nationale inexistante et j’en passe. Mais, quelles sont donc les preuves de détournement que vous cherchez?
Le gel des «comptes de Mobutu», en réalité du peuple congolais, est intervenu peu après la chute du régime dictatorial qu’il a dirigé, sur demande du gouvernement congolais de l’époque avec le M’zee Laurent-Désiré Kabila à sa tête. La Suisse, pays dans lequel sont logés ces comptes, attendait que les preuves de détournements de Mobutu lui soient fournies afin de libérer ces fonds au profit de l’Etat congolais à qui ces fonds reviennent de droit.
Depuis, nous avons fait beaucoup de chemin. De la transition, nous sommes passés aux élections qui ont permis à «l’héritage de Mobutu» de revenir aux affaires. Dans un régime démocratique cette fois-ci. Un régime où la nation n’est plus à réduire à un individu, ni même à une famille. L’époque de «Tata bo moko» est révolue. Nous avons été scandalisés d’apprendre qu’un certain parti politique, au sein même de la majorité au pouvoir, menaçait de monter sur ses chevaux «la fortune de Mobutu» n’était pas restituer à son héritage. Devant l’intérêt, ...
Si au nom de la réconciliation nationale, le peuple a fermé les yeux sur le passé, permettant ainsi à tous de travailler pour des lendemains meilleurs, qu’il ne le regrette pas. Nous pensons quant à nous, que «l’héritage du feu le Maréchal Mobutu» doit plutôt travailler deux fois mieux que les autres pour laver le nom qu’il porte. Il arrivera ainsi -peut être- à effacer de la mémoire collective congolaise les 33 ans d’enfer qui a caractérisé la deuxième république. C’est également une occasion pour l’autorité du pays de montrer qu’elle sait ce qu’elle veut et qu’elle agit sans complaisance.
C’est maintenant un rendez-vous majeur avec l’histoire. Que le gouvernement congolais fasse particulièrement attention pour ne pas instaurer une mauvaise jurisprudence. Que l’autorité du pays ouvre l’oeil, et le bon pour ne pas légaliser une faute. Et qu’on se le dise. Le président dont il est question, c’est l’homme public qui a géré le public appelé Zaïre.
Bushala BUAMBA Correspondance particulière